
La start-up de Jacek Migdał ne promet pas de révolutionner la gestion des bases de données, mais d’en simplifier l’évolution. (Crédit S.L.)
Dans un écosystème dominé par des technologies anciennes et des contraintes fortes de compatibilité, Quesma répondre à une problématique précise : les migrations SQL, qui sont souvent coûteuses, complexes et rarement linéaires. En créant un outil intermédiaire, la jeune pousse polonaise entend offrir un levier de modernisation à des entreprises souvent piégées par leurs propres systèmes.
La transformation numérique s'est accélérée au point de rendre les systèmes d'information traditionnels difficilement soutenables. SQL, standardisé il y a plus de cinquante ans, continue d'être au coeur de la majorité des applications critiques. Ce maintien s'explique notamment par la complexité et le coût élevé des migrations. Pour autant, la croissance exponentielle des données et la pression pour plus d'efficacité - notamment sous l'effet des promesses de l'intelligence artificielle - contraignent de nombreuses entreprises à repenser leur infrastructure. En 2018, plus de deux millions de clients de la banque britannique TSB ont été privés d'accès à leurs comptes pendant une semaine à la suite d'une migration ratée. Cet incident n'est pas isolé. C'est sur ce constat que la start-up polonaise Quesma, que nous avons rencontré à Londres lors d'un IT Press Tour, entend bâtir une approche plus pragmatique de la modernisation des systèmes de données.
Un proxy pour relier deux mondes
Fondée en 2023 à Varsovie, Quesma propose une solution intermédiaire pour accompagner cette transition : un proxy entre les applications métiers et les bases de données, capable d'assurer des migrations progressives, d'ajouter des fonctionnalités et d'optimiser les performances. Quesma se présente comme un "database gateway", un intermédiaire entre les applications clientes et les bases de données, capable d'opérer des transformations intelligentes à la volée. Cette approche est capable de maintenir la compatibilité entre des applications existantes et de nouvelles bases de données, tout en facilitant des tests en conditions réelles. « Ce que nous proposons, ce n'est pas une rupture brutale, mais une méthode progressive de migration, qui permet de maintenir deux systèmes en parallèle le temps d'identifier les points de friction », explique Jacek Migdał, CEO et co-fondateur de Quesma. La solution agit comme un proxy transparent. Elle autorise l'utilisation simultanée de systèmes anciens et nouveaux, tout en traduisant automatiquement les requêtes SQL d'un langage vers un autre. Cela réduit le risque d'interruption de service, tout en donnant de la souplesse aux équipes techniques.
Quesma traduit automatiquement les requêtes SQL d'un langage vers un autre.
Des cas d'usage concrets
Trois entreprises ont déjà mis en oeuvre cette approche. La première est un fournisseur européen de vidéos en streaming, confronté à des pics de trafic lors d'événements sportifs. Sa pile logicielle historique, basée sur Elasticsearch, ne suivait plus la cadence, malgré une ergonomie appréciée par les équipes techniques. En remplaçant le moteur de base de données par Hydrolix, tout en conservant les outils visuels d'Elastic, Quesma a permis de combiner performance et continuité. Un opérateur télécom européen, travaillant dans un environnement en data center isolé du réseau (air-gapped), a également adopté la solution. Il cherchait à optimiser le coût d'un système de supervision devenu trop onéreux. L'intégration de Quesma a facilité la migration vers ClickHouse, tout en proposant le maintien des requêtes sur l'ancien système à des fins de vérification. Enfin, une plateforme de réservation de voyages a utilisé Quesma pour moderniser une architecture composée de centaines d'intégrations hétérogènes. Là encore, la complexité du système rendait une migration complète trop risquée et coûteuse. Quesma a permis une adoption progressive, avec une mise en production en quelques semaines.
Une position différenciante sur un marché de services
Le marché mondial de la migration de données est estimé à 10 milliards de dollars par an, mais il est largement dominé par les prestations de services (Accenture, Infosys, etc.). Quesma se positionne différemment en proposant une approche produit. Le modèle économique repose sur un accès libre pour les environnements open source auto-hébergés, et une tarification à l'usage pour les environnements commerciaux (30 $ par To par mois). Cette approche s'adresse principalement aux grandes comptes ayant un historique IT dense, où les coûts d'immobilisation ou de réécriture sont particulièrement élevés. D'après Jacek Migdał, « nous nous attaquons à des cas où les outils de migration classiques, souvent gratuits, ne sont pas adaptés, car ils supposent que l'on puisse tout migrer d'un coup, ce qui est rarement réaliste ».
Plus de fonctionnalités et d'automatisation à venir
Au-delà du rôle de proxy, Quesma travaille sur des extensions SQL avec une syntaxe en pipeline, inspirée d'un projet de Google, pour faciliter les transformations de données complexes. Cette fonctionnalité pourrait, à terme, étendre les capacités analytiques des bases de données sous-jacentes sans modification de leur code source. L'autre axe de développement porte sur la visualisation. Quesma expérimente une solution générant des graphiques adaptés à la charte graphique d'une entreprise à partir de simples requêtes en langage naturel. Il ne s'agit pas de concurrencer des outils comme Tableau, mais plutôt de faciliter la communication des résultats d'analyse auprès des décideurs, dans une logique de produit d'accompagnement. « Nous avons constaté que même lorsque les équipes techniques étaient convaincues de la valeur d'une migration, il leur était difficile de convaincre leur direction. En facilitant la génération de graphiques pertinents, nous espérons combler cet écart entre technique et décision », détaille Jacek Migdał.
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