COVID-19 : Les éditeurs remontés face aux demandes de renégociations de contrats

Dans l'étude menée par Tech in France, un éditeur sur trois remonte des problèmes de clients cherchant à renégocier ou annuler leurs contrats pluriannuels. (Crédit : edar / Pixabay)

Dans l'étude menée par Tech in France, un éditeur sur trois remonte des problèmes de clients cherchant à renégocier ou annuler leurs contrats pluriannuels. (Crédit : edar / Pixabay)

Face à l'épidémie de coronavirus et des incertitudes économiques qu'elle engendre pour les mois à venir, nombre de clients contactent leurs éditeurs pour renégocier leurs contrats voire annuler des projets. Attitudes que le syndicat Tech In France qualifient d'« indignes ».

Tech In France s'inquiète pour les éditeurs. Le syndicat de l'industrie numérique a conduit une enquête auprès de ses adhérents pour évaluer leur situation économique et financière face à la crise Covid-19. Et cette dernière révèle que certains clients exercent des pressions pour renégocier leurs contrats auprès de leurs fournisseurs. Les nouveaux projets sont gelés et certains éditeurs anticipent une diminution drastique du volume de nouvelles affaires, de l'ordre de 60%, indique Loïc Rivière, délégué général de Tech In France. Une réponse à l'enquête sur trois fait même état de pressions de la part de leurs clients pour interrompre les abonnements SaaS au motif de la force majeure. Or, la récurrence de ces revenus est ce qui protège actuellement ces entreprises, en particulier les plus petites d'entre elles, « contre un scénario catastrophe », estime le syndicat.

Un éditeur, qui souhaite garder l'anonymat, a vu, depuis l'allocution du Président de la République sur les mesures de confinement, la semaine dernière, des clients lui demandant de revoir leurs contrats, voire les suspendre. Sur ses 80 clients, entre 10 et 15 ont fait ce genre de demandes, de manière plus ou moins courtoises. Deux clients, dans le retail, ont tout bonnement envoyé un mail en indiquant qu'ils suspendaient le contrat et ne paieraient pas leur abonnement durant la suspension. Et ils ne répondent pas aux sollicitations de l'éditeur pour trouver un terrain d'entente. Notre interlocuteur estime que ces entreprises se permettent d'agir ainsi parce que l'outil proposé n'est pas vital pour eux, et qu'ils ne se permettraient pas, par exemple de réagir de la même façon auprès de leur fournisseur de CRM ou d'outil de gestion logistique.  

Une attitude « indigne »

Cet éditeur s'est pourtant montré conciliant avec ceux de ses clients qui voulaient bien discuter de nouvelles modalités. L'un de ses clients dans les transports, qui subit de plein fouet la crise sanitaire actuelle, a été très « fair play » selon le dirigeant de l'éditeur, en lui exposant la situation et demandant à la société s'il était possible de réduire le service. L'éditeur a ainsi accordé à ce client une réduction substantielle sans pour autant modifier son service. Pour cet éditeur, la crise du coronavirus devrait faire chuter son chiffre d'affaires de 5 à 8 %.

Tech In France souligne que la force majeure ne doit ni servir de mobile aux clients pour reporter leurs tensions sur les fournisseurs qui font tous les efforts pour assurer la continuité d'activité, ni d'aubaine pour revoir opportunément la structure de leurs achats. Et Pierre-Marie Lehucher, président de Tech In France, ne mâche pas ses mots : « Je trouve assez indigne l'attitude de certains acteurs qui profitent de la situation pour faire pression sur leurs partenaires ; le moins que l'on puisse attendre c'est un minimum de solidarité, d'autant que ceux qui souffrent le plus de cette attitude sont aussi ceux qui permettront grâce à leur caractère innovant de redémarrer plus vite et plus forts au lendemain de la crise ! »

« On ne peut pas se substituer aux aides gouvernementales »

Un autre éditeur, plus installé, indique lui aussi avoir reçu des demandes - venant aussi principalement du secteur du retail - de renégociation ou d'annulation de contrats de maintenance et d'abonnement SaaS. Des centaines. Sa réponse à toutes ces demandes est catégorique : non. « Nous continuons à fournir des services et nos fournisseurs nous délivrent toujours les infrastructures. Et on ne peut pas non plus se substituer aux aides gouvernementales, c'est très dangereux de rentrer dans une spirale où c'est le fournisseur qui doit apporter des aides alors que lui-même est déjà en difficulté. » Car cet éditeur fournit aussi des services professionnels (d'intégration, etc.) et estime que les pertes engendrées se chiffreront à plusieurs millions d'euros et ne seront pas rattrapables.  

Trois à six mois de trésorerie

Tech in France a donc mis en place une série de webinars sur des sujets pragmatiques (mise en place du chômage partiel, etc.) pour accompagner ses adhérents sur les problématiques rencontrées. Un sera organisé dans une semaine avec KPMG sur ce problème précis de la renégociation forcée des contrats SaaS au motif de la force majeure. Et le syndicat communiquera également au ministère de l'Économie et des Finances tous les dossiers illustrant une utilisation abusive de la force majeure.

L'enquête de Tech In France dresse un tableau préoccupant de la situation des éditeurs, en particulier les plus petites d'entre elles qui disposent en moyenne de trois à six mois de trésorerie pour faire face au recul de l'activité. Pour assurer la continuité de leurs services, en plus des mesures de télétravail communes à tous, certaines d'entre elles ont aussi dû investir en termes de Plan de continuité d'activité (PCA) notamment auprès de leurs propres fournisseurs en technologies.

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