Here comes the (new) Sun...

Focalisé sur la R & D pendant une bonne vingtaine d'années, Sun a dû partiellement renoncer à sa passion de toujours pour bénéficier d'une météo plus clémente. Examen du parcours et des atouts de ce perfectionniste de l'informatique...

Lors du roadshow que Sun a récemment organisé en terre française, ses partenaires se sont réjouis qu'une embellie, qu'ils espèrent durable, se dessine enfin dans le ciel du constructeur. À la fin octobre 2006, la firme de Santa Clara a en effet annoncé un chiffre d'affaires en hausse de 17 %, avec un retour prévu aux bénéfices dans les tout prochains mois. Sun mettrait ainsi fin à près de cinq ans de faible profitabilité. Une question, pourtant, mérite d'être posée. Que s'est-il passé pour qu'une société qui semblait solidement arrimée à une formule gagnante ait dû repenser sa stratégie ? Pour mémoire, voici ce que déclarait à la fin des années quatre-vingt Robert Herwick, analyste au cabinet Hambrecht & Quist : « Les mots sont impuissants à décrire le succès de Sun... Qu'une société puisse croître aussi rapidement est tout simplement incroyable ! » Directeur marketing de Sun France, Bruno Hourdel cerne le problème et apporte sa réponse. « Lorsque Sun réalisait 20 Md$ de CA, 2 Md$ étaient investis dans la R & D. Quand nous sommes tombés à 13 Md$, nous mettions toujours 2 Md$ dans la recherche. Un ajustement s'imposait. » Pourtant, innovation après innovation (lire encadré), Sun reste persuadé de creuser le bon sillon. Et l'avènement du Web apparaît comme une aubaine puisqu'il semble concrétiser le slogan de l'entreprise. Sun dévoile le langage Java, destiné à devenir un outil de développement universel indépendant de toute plate-forme. C'est alors que Scott McNealy, Pdg de la firme commence à se poser en farouche opposant au tout-puissant et omniprésent Microsoft. Une position qui conduit à la conception de la suite StarOffice, diffusée gratuitement aux étudiants. Au fil des ans, Sun s'investit de plus en plus dans l'open source. Il a ainsi placé plus de 1 600 brevets dans le domaine public en 2005. Diversification et restructuration Les premiers signes de fatigue apparaissent en 2002 avec une plongée phénoménale du cours, Sun ayant lui aussi été frappé par le coup de blues des valeurs technologiques. Scott McNealy s'engage alors dans plusieurs voies de diversification. À partir de 2003, la compagnie s'ouvre au monde Intel (technologie x86) en adoptant les processeurs Opteron d'AMD. Elle intègre ainsi à son offre une gamme de serveurs low cost, qui cohabitent aujourd'hui avec les offres haut de gamme - dont les Sparc de type symétrique et multiprocesseur, supports de choix pour des SGBD comme Oracle ou Peoplesoft. Autre voie : les machines bâties sur des processeurs Niagara, multicores et multithreads (8 c?urs et 4 threads), soit l'équivalent de 32 processeurs. Les applications nécessitant un grand nombre de traitements en parallèle, les serveurs Web trouvent là une terre d'accueil privilégiée. L'apparition de l'OS Solaris s'inscrit dans la même optique. Sun en propose le téléchargement gratuit et pousse à son adoption sur des ordinateurs de marques concurrentes. En juin 2005, la firme californienne annonce le rachat du géant du stockage StorageTek. « Nous voulons assurer toute la chaîne du traitement de l'information, jusqu'à l'archivage », souligne Bruno Hourdel. Quelle logique sous-tend toutes ces diversifications ? La conviction intime que, une fois qu'une entreprise a goûté à du Sun, elle entre dans l'addiction. « Sun estime qu'une prolifération de Solaris ne peut qu'inciter les entreprises à acquérir des serveurs Sparc, confirme le responsable marketing. Une fois qu'elles entrent en production sur des applications qui concernent des millions de clients, si elles veulent un véritable support, elles devront en passer par Sun. Si je m'appelle EDF, il faut que mon informatique soit fiable. » La même logique vaudrait pour une société qui se contenterait d'acheter un ordinateur HP pour y placer Solaris. « Notre intérêt est d'avoir un OS qui soit reconnu comme le meilleur Unix sur le marché, afin de vendre des applications, du service, de la sécurité... » Jonathan Schwartz remplace Scott McNealy L'argumentaire paraît solide. Pourtant, à la fin octobre 2005, Sun annonce une perte de 123 M$. Où est la faille ? Dans une réalité que Scott McNealy a du mal à affronter. Qu'importent les circonstances, le Pdg de Sun persiste à penser qu'il faut miser encore et toujours sur la R & D pour se différencier. Finalement, en avril 2006, Scott McNealy se résigne à placer un autre homme à la direction générale. Sa mission : engager des décisions que lui-même ne souhaite pas prendre. Entré chez Sun une dizaine d'années plus tôt, Jonathan Schwartz se distingue par une capacité aiguë d'analyse qui l'amène à donner des avis de grande portée. Ainsi, à la fin octobre, à l'occasion de l'annonce de Blackbox, un serveur jouant le rôle de data center portable, il déclare que la loi de Moore n'était plus en mesure de fournir une puissance suffisante pour répondre aux attentes des utilisateurs Web 2.0. Le nouveau Dg aime à s'exprimer dans un style direct sur son blog personnel. Évoquant son discours à la Conférence Oracle, il écrit : « Si j'avais l'air pâle, c'est que je n'étais pas en forme. Les parents de jeunes enfants comprendront la source de mon malaise : la rentrée des classes. »Jonathan Schwartz a d'entrée mis fin à l'hégémonie de la R & D. La politique de réduction des coûts décrétée a entraîné la suppression de 5 000 emplois en juin 2006, le dégraissage ayant surtout affecté les équipes de recherche. « Il y a eu des coupures là où nos partenaires étaient plus brillants et où il paraissait plus simple d'acquérir des technologies. L'abandon des projets qui n'étaient pas prioritaires a entraîné une réduction des effectifs mais n'a pas touché les gens du terrain, soutient Bruno Hourdel. Schwartz a eu le mérite de faire ces choix. Il fallait envoyer un signal à l'industrie, sinon cela n'aurait servi à rien de sortir de bons produits. »Dès le mois de juillet, l'action Sun ressent les effets de ces mesures et reprend des couleurs. À la mi-novembre, le titre connaît une hausse de 29 % depuis le début de l'année, là où IBM n'a progressé que de 12 % et HP de 37 %. Les résultats de la fin octobre attestent de l'efficacité de la reprise en main. Dans ce redressement, le succès des serveurs Sparc à base de Niagara a été marquant. La gamme Galaxy, qui utilise les puces d'AMD, représente désormais un revenu de 600 M$ par an. « Le déploiement de serveurs Sun AMD Opteron nous a permis de diviser par deux nos temps de calcul », affirme Xavier Bec, directeur technique chez BUF, qui a travaillé sur le long-métrage d'animation Arthur et les Minimoys du cinéate Luc Besson. Les produits de gestion de données, ce qui inclut les solutions de stockage de Storage- Tek et les logiciels associés, ont généré un CA de 491 M$ (+ 14 %). « Sun apparaît désormais comme un fournisseur crédible d'infrastructures de stockage », commente Roger W. Cox, du Gartner Group. Les pertes ont été ramenées à 56 M$. L'analyste boursier Brent Bracelin, de Pacific Crest, estime néanmoins, que « la croissance du revenu n'a pas été aussi élevée qu'on pouvait l'espérer. »Patience... Ce Sun nouveau, qui a choisi de se recentrer sur des projets clés, a bien des atouts en main. La société continue sa bataille en faveur de l'open source dont Schwartz est un ardent défenseur (Java a récemment été ouvert à la communauté), alors que Scott McNealy restait quelque peu en retrait sur cette question. Et l'engouement pour la R&D a conduit à quelques trouvailles de taille. Ainsi, l'un des axes de promotion du Niagara est sa consommation réduite. Fruit des huit années de travaux du canadien Marc Tremblay, ce processeur ne consomme que 72 watts là où un Xeon en consomme 140. « Nous possédons trois à cinq ans d'avance sur ce terrain, assure Bruno Hourdel. Dans un grand nombre de comptes français, les salles machines ne dissipent plus la consommation calorifique. » D'où une attirance pour ce processeur « écoresponsable ». Retrour aux bénéfices en vue Les six millions de licences de Solaris constituent le parfait cheval de Troie : ce logiciel serait utilisé à 70 % sur des serveurs de marques concurrentes. « La déstabilisation qui se produit avec Linux amène certains utilisateurs qui avaient migré de Solaris à Linux à revenir vers Solaris », si l'on en croit Jonathan Schwartz. De quoi favoriser le développement d'un écosystème autour de Sun. D'autant que, comme le rappelle Bruno Hourdel, les activités de services représentent 40 % de son CA du constructeur. Daryl C. Plummer, du cabinet Gartner, juge positivement une telle stratégie. « Les clients potentiels devraient se tourner vers les logiciels de Sun car ils pourront ainsi résoudre une vaste série de problèmes. » Mais, ajoute l'analyste, ces mêmes clients devraient aussi exiger un calendrier de retour à la profitabilité. En résumé : « Sun, c'est bien, mais rassurez-nous sur sa pérennité ! » Message reçu... Jonathan Schwartz s'est engagé à dégager, dès le quatrième trimestre fiscal (d'avril à juin), au moins 4 % de bénéfice net ! Un élémentlaisse penser que Sun pourrait bien atteindre cet objectif. La perte annoncée fin octobre n'aurait pas existé si la compagnie n'avait dû affecter 21 M$ de provisions aux restructurations et débourser 79 M$ pour les acquisitions. Nul doute que les mois à venir seront décisifs pour Sun.

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