Support des voitures connectées, chirurgie à distance, réalité virtuelle tactile et montée en puissance de la productivité industrielle ont un point commun : toutes dépendent de l'amélioration de l'infrastructure réseau mobile et de son évolution vers la 5G.
La conduite assistée via le cloud, la chirurgie à distance, la VR tactile et, plus important encore pour l'économie mondiale, un bond massif de la productivité industrielle, ont une chose en commun : elles dépendent toutes de l'amélioration de l'infrastructure réseau mobile et de son évolution vers la 5G. C'est ce que croit Marcus Weldon, président de Bell Labs, une entreprise acquise par Nokia 2015 en même temps que celle d'Alcatel-Lucent pour 16,6 milliards de dollars. Marcus Weldon, par ailleurs CTO de Nokia, a livré en fin de semaine dernière un aperçu de ce que Bell Labs prévoit de faire pour accompagner le tournant envisagé par Nokia, à savoir s'éloigner de son domaine d'activité opérateur télécom traditionnelle pour offrir des applications et des infrastructures pour les entreprises et les industries.
Élément central de cette réorientation vers les marchés verticaux industriels : l'architecture réseau 5G Future X de Nokia. Les visiteurs du campus de Bell Labs, situé dans la banlieue du New Jersey, pourront voir son fonctionnement en temps réel, configurer un réseau en direct et expérimenter des émulations d'applications comme le transport par drone, la fabrication robotisée et le contrôle en VR à distance d'installations industrielles automatisées. « Jusqu'à présent, les applications Internet n'ont pas permis d'accroître la productivité de l'industrie », a déclaré M. Weldon. « La plupart des évolutions apportées aux architectures réseaux ont été dictées par des impératifs de consommation. Le haut débit mobile en a été le moteur et les consommateurs représentent certainement ce que les économistes appellent une utilité accrue. Ce qui signifie que notre vie est un peu plus pratique. Sauf que l'utilité n'est pas équivalente à la productivité », a déclaré M. Weldon.
11 Md$ de gains en productivité
Selon le CTO de Nokia, « l'évolution de l'infrastructure réseau vers la 5G peut générer 11 milliards de dollars de gains de productivité », citant des chiffres du cabinet-conseil McKinsey. « Cette impulsion vient de la 5G dont les capacités sont bien meilleures que le LTE ». Selon les estimations, la 5G pourrait être 20 fois plus rapide que la 4G. Mais, ce n'est pas tout. « La 5G n'est pas seulement une évolution de la 4G. Cette architecture va vraiment nous pousser à réinventer la manière dont nous concevons, gérons et orchestrons les réseaux », a déclaré M. Weldon. « Bell Labs produit beaucoup d'innovation en matière de flux de données, d'analyse hyperscale, de planification en temps réel et d'adaptation dynamique des fréquences, pour répondre aux exigences d'un réseau à faible latence et à haute fiabilité », a-t-il encore déclaré. « L'architecture Future X que nous testons actuellement est une solution réseau de bout en bout qui prend en charge le découpage, l'adaptabilité et l'autocontrôle du réseau à grande échelle, l'intégration et l'auto-optimisation étant contrôlé par l'intelligence artificielle ».
Service and Slice Operations Center de Nokia Bell Labs. (Crédit : Nokia)
Les installations de démonstration du réseau Future X de Bell Labs comprennent un centre de service et d'exploitation appelé Service and Slice Operations Center. Les visiteurs peuvent reconfigurer un réseau à la volée à l'aide d'un panneau de commande tactile. Ce qui permet à différentes configurations de réseau virtuel de fonctionner sur différentes couches d'infrastructure physique. Les clients potentiels de Nokia peuvent voir, par exemple, ce qui peut se passer quand elles remplaceront leur infrastructure LTE par une infrastructure 5G et l'impact sur leurs applications industrielles. Dans une salle virtuelle, les visiteurs peuvent également voir sur un écran de type iMax la simulation d'un équipement robotique et de contrôle utilisant des applications VR sensibles au mouvement et au toucher. Un laboratoire d'intégration, de test et d'évaluation permet aussi aux visiteurs de voir l'impact réel des nouveaux composants réseau et de se rendre compte, par exemple, à quel point les mouvements d'un bras robotique peuvent devenir précis. Tous ces travaux visent à soutenir le nouvel axe stratégique de Nokia vers les marchés verticaux de l'industrie et les entreprises.
Si depuis l'avènement d'Internet, la transformation numérique a apporté des gains de productivité aux entreprises des secteurs de la finance, des communications et de la technologie, les entreprises des secteurs verticaux comme les chemins de fer, ce n'est pas le cas des services publics, des mines et de l'agriculture dont le parcours ne fait que commencer. « Étant donné que ces entreprises contribuent pour environ 70 % de la productivité mondiale, les gains potentiels en terme de valeur de production, quand elles auront mis à niveau leurs réseaux et leur infrastructure IT, sont énormes », a déclaré M. Weldon.
Les chercheurs de Bell Labs peuvent configurer les réseaux à la volée, en temps réel, à l'aide d'une interface de contrôle par glisser-déposer. (Crédit : Marc Ferranti/IDG)
L'infrastructure réseau est essentielle pour libérer ce potentiel. « Le réseau est l'élément de base. Il est aussi important que l'infrastructure IT, l'infrastructure cloud, les clusters d'IA, et peut-être plus important même, parce qu'il est plus limitatif », a encore déclaré M. Weldon. « Le réseau est la partie la plus contraignante du problème parce qu'il repose sur une infrastructure physique étendue, il est donc plus difficile à construire ».
L'architecture réseau Future X a été introduite pour la première fois en 2015, mais depuis, elle a été étendue aux marchés industriels verticaux. « Nous avons déclaré que les réseaux devaient évoluer vers la 5G pour être beaucoup plus évolutifs, plus dynamiques et plus économiques, mais nous n'avons pas tenu compte du fait que le véritable moteur serait industriel ». Par exemple, à l'approche d'une perturbation météorologique, les capteurs des lignes de chemin de fer et des lignes alimentant les services publics pourraient remonter vers des systèmes prédictifs les risques de gel au niveau des aiguillages ou les chutes d'arbres potentielles sur les lignes électriques. Ces informations permettraient aux équipes techniques de savoir où elles doivent intervenir en amont. De la même manière, les équipements agricoles automatisés commandés à distance pourront être pilotés avec plus de précision que les humains. « Si ces scénarios peuvent améliorer, ne serait-ce que de 5 à 10 %, l'efficacité des processus, la valeur ajoutée industrielle correspondante se chiffre, elle, en milliards de dollars », a-t-il dit.
Un repositionnement au-delà des télécoms
Pour se positionner plus rapidement au-delà de l'industrie des télécommunications, Nokia a récemment annoncé la création d'un nouveau groupe Entreprise Business Group. Jeudi dernier, Nokia a annoncé un partenariat avec le géant indien de l'externalisation Infosys pour soutenir la transformation numérique des marchés verticaux industriels et des entreprises. Jusqu'à présent, les projets d'infrastructure 5G sont toujours à l'état de pilote, mais le déploiement d'un système de production est prévu pour l'année prochaine.
Mais l'entreprise a déjà bien avancé en remportant des contrats LTE privés dans le secteur industriel pour développer des services de fabrication intelligents. Jeudi dernier, Nokia a également annoncé qu'elle s'associerait à China Unicom pour créer un réseau LTE privé dans l'usine BMW Briliance Automotive installée dans la province chinoise de Liaoning. Elle utilisera pour cela sa technologie vMEC (virtualized multi-access edge computing). Cette annonce fait suite à l'accord dévoilé le mois dernier pour la construction du premier déploiement LTE privé au Brésil en vue de l'automatisation du réseau. Ce déploiement doit permettre un rétablissement rapide de l'alimentation électrique en cas de panne et d'améliorer la fourniture d'électricité à Atibaia et dans certaines régions de l'État de Sao Paulo. « Les équipements utilisés dans les déploiements LTE peuvent tous évoluer vers la 5G », ont précisé les responsables de Nokia.
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