Les salariés snobent les outils de collaboration

La plate-forme G2 Crowd a cherché à comprendre pourquoi les employés n'utilisaient pas les outils collaboratifs à leur disposition. (Crédit D.R.)

La plate-forme G2 Crowd a cherché à comprendre pourquoi les employés n'utilisaient pas les outils collaboratifs à leur disposition. (Crédit D.R.)

Les entreprises continuent à déployer des outils comme Slack et Hipchat, mais beaucoup d'entre elles doivent se battre pour pousser les utilisateurs à les adopter. En voici les raisons.

Il y a trois ans, Slack avait connu un très grand succès sur le marché des outils de collaboration d'entreprise. Depuis, des géants de l'industrie comme Facebook jusqu'aux petits groupes de développeurs open source ont voulu profiter de ce marché. Aujourd'hui, le développement de logiciels de collaboration et l'innovation dans ce secteur ont atteint un rythme effréné. Et, selon l'étude réalisée par G2 Crowd, une plate-forme d'évaluation d'entreprises par des pairs, le boom de l'adoption de ce type d'outils par les entreprises ne montre aucun signe de ralentissement dans un avenir proche. Ainsi, d'après G2 Crowd, plus de la moitié des entreprises ont déjà mis en oeuvre des solutions de collaboration en équipe d'un genre ou d'un autre, et 31 % d'entre elles prévoient d'en adopter une au cours des deux prochaines années.

AdTech Ad Mais tout n'est pas aussi rose qu'il n'y paraît dans ce secteur. Notamment, parce que ces solutions jouent mieux leur rôle quand tous les membres d'une équipe les utilisent. Mais la réalité montre que de nombreuses entreprises luttent pour intéresser leurs employés à ces outils. G2 Crowd a constaté que seules quatre plates-formes pouvaient se prévaloir d'un taux d'adoption dépassant 75 %. Mais aucun produit ne peut se targuer d'un taux d'adoption de 100 %. 

Pas de raison déterminante



Une explication, peut-être, c'est que certains logiciels sont indispensables à certains employés. Par exemple, les comptables ont besoin d'un tableur, et aucun d'eux n'a besoin du logiciel de collaboration en équipe pour faire son travail. C'est en tout cas l'avis de Michael Fauscette, directeur de recherche chez G2 Crowd. Si les adopteurs précoces, technophiles, souhaitent utiliser Slack rapidement (ou quelque chose de similaire), Michael Fauscette pense que les autres employés attendent une raison valable pour adopter le nouvel outil. Sinon, comme le montre l'étude, la plupart ne prendront simplement pas la peine de s'y intéresser. « De nombreux employés se diront probablement : « Que peut-il m'apporter de plus ? S'ils n'ont pas de réponse claire à cette question, pourquoi devraient-ils faire l'effort de s'y intéresser ? » a ajouté le directeur de recherche. « Il faut que l'entreprise prouve que le produit apportera une valeur supplémentaire à leur travail ». Le conseil de Michael Fauscette : « L'entreprise doit se demander pourquoi ses employés ont besoin d'un outil de collaboration. Si elle ne peut pas répondre à cette question facilement, alors elle se rendra compte que le logiciel qu'elle a choisi sera difficile à faire adopter. Peut-être qu'elle ne devrait même pas essayer de le mettre en oeuvre ». 

Des interfaces utilisateurs médiocres



Un autre élément mis en évidence par les résultats de G2 Crowd : l'interface utilisateur des logiciels de collaboration est déterminante pour l'adoption. « Ça passe ou ça casse », a ainsi déclaré Michael Fauscette. Au premier abord, cette focalisation sur l'apparence semble contraire aux conseils donnés par le directeur de recherche pour prouver la valeur de l'outil. Mais selon lui, l'enjeu est de persuader les gens à changer de comportement. Quand ils basculent sur une application de collaboration d'entreprise, ils doivent cesser d'utiliser d'autres outils, pour le courrier électronique notamment, mais aussi des applications plus récentes comme WhatsApp, Twitter, etc. « Côté utilisateur, ils attendent une interface simple, et c'est comme ça que les outils devraient être », explique-t-il. « Des outils comme Twitter ne sont pas simples, mais leur front-end est facile à utiliser. Il n'est pas facile de demander aux gens de changer d'outils et d'habitudes. Il faudrait proposer une interface aussi propre et lisse ».

Des fonctions inutiles



Selon Alan Lepofsky, un analyste spécialisé dans les outils de collaboration chez Constellation Research, une autre raison pour laquelle les utilisateurs préfèrent les outils de collaboration avec des interfaces simples, c'est qu'un certain nombre d'entre eux, et probablement la plupart, n'effectuent que des tâches simples avec cet outil. « Certains peuvent s'intéresser à des outils comme Slack, mais quand vous leur montrez ce qu'ils peuvent faire, environ 5 % des gens ont réellement besoin de ces fonctions. Si vous installez Slack dans un département de ventes et de marketing, il sera utilisé exactement comme Skype, mais avec un smiley occasionnel en prime », a-t-il ajouté. Alan Lepofsky estime encore que Facebook Workplace a un énorme avantage sur les autres outils de collaboration simplement parce que la plupart des gens connaissent déjà bien l'interface de Facebook. Pour cette raison, il pense que les entreprises qui choisissent Workplace auront des taux d'adoption supérieurs à la moyenne. 

Une interface utilisateur simple ou familière est un élément important pour amener les gens à essayer un nouvel outil de collaboration, mais cela ne veut pas dire qu'ils continueront à l'utiliser. Les entreprises sont confrontées à ce que Michael Fauscette appelle un « problème de surcharge d'email version 2 ». En termes simples, celui-ci explique que de nombreux employés sont submergés par le nombre de courriels, et un outil comme Slack ou Hipchat déplace le problème simplement vers une plate-forme différente. Au lieu d'avoir trop de courriels, les employés risquent d'être submergés cette fois par les notifications et les messages. 

L'intelligence artificielle à la rescousse



Une solution à court terme à ce problème serait d'améliorer la formation des nouveaux utilisateurs aux outils de collaboration, afin de s'assurer qu'ils savent filtrer les notifications et séparer les activités pour ne pas être submergés. À plus long terme, cela ne sera peut-être plus nécessaire. « L'intelligence artificielle (IA) pourrait réaliser le filtrage, supprimer les messages parasites générés par les outils de collaboration et ne conserver que les informations essentielles pour l'utilisateur », pense Michael Fauscette. « Si je peux apprendre à une machine ce qui m'intéresse dans différents contextes, elle pourra filtrer l'information pour moi », a-t-il ajouté. « L'IA est formidable pour le filtrage et je pense que c'est ce vers quoi il faudrait s'orienter ». 

Mais, pour le directeur de recherche de G2 Crowd, il y a encore une raison pour laquelle certains utilisateurs ne peuvent pas être en phase avec l'outil choisi par l'entreprise. « La fonctionnalité dont ils ont besoin pour effectuer une tâche régulière est insuffisante ». Dans le cas d'une entreprise très centrée sur Slack, les employés sont censés utiliser l'outil pour toutes les tâches qu'il sait bien remplir, et pour toutes les autres aussi », a-t-il ajouté. Si bien que certains utilisateurs choisissent et utilisent des outils plus adaptés à leurs besoins, souvent à l'insu ou sans l'accord du service informatique. « Au final, les entreprises ne devraient pas trop regarder les niveaux d'adoption de leurs outils de collaboration », a déclaré pour sa part Alan Lepofsky. Selon lui, même les petites poches de collaboration peuvent apporter des avantages significatifs globaux. « Dans une entreprise, seuls les outils de paie et de RH peuvent éventuellement prétendre à une adoption à 100 % ! », a-t-il conclu.

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