« Les compétences de la convergence restent trop rares »

Après avoir passé plusieurs années dans l'industrie numérique, chez plusieurs fabricants de matériels IP,  Marc Pichaud a créé en 2007 le cabinet Just Do IP, spécialisé dans les nouvelles technologies IP et, notamment,  dans la vidéosurveillance.

Dossier réalisé en collaboration avec
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Distributique.com :
Comment expliquer que le marché de la vidéosurveillance n'ait pas déjà basculé vers le numérique ?


Marc Pichaud : Les explications sont multiples mais deux d'entre elles doivent aujourd'hui être mises en lumière. La première est que le parc installé de caméras analogiques est gigantesque. Affirmer que passer de l'analogique au numérique est simple ne suffit pas.
Le remplacement d'une ancienne caméra coaxiale analogique par une caméra IP haute définition va engendrer plusieurs nouvelles problématiques :

- mon système d'enregistrement pourra-t-il supporter cette évolution  en termes de vidéo (exemple : zoom numérique, H264, etc.) et de capacité ?

- comment raccorder en IP ma caméra à plus de 100 ou 500 mètres de l'enregistreur avec un budget raisonnable ?

- comment éviter de recabler et réutiliser éventuellement mon ancien câble coaxial ?

- comment bien maitriser le paramétrage et l'installation de ces nouveaux équipements pouvant être extrêmement gourmands en bande passante ?

- comment étendre ou faire évoluer mon installation, tout en gérant le système provisoire ?

Une autre opportunité apportée par le passage à l'IP de la vidéo la mutualisation de plusieurs services et applications sur le même réseau dans le but de diminuer les coûts d'investissement et d'exploitation.  Dans le domaine de la sécurité, il est aujourd'hui possible de raccorder des systèmes de contrôle d'accès, de RFID ou de détection d'intrusion sur le même réseau que celui des caméras IP : en paires torsadées, en fibre optique, en liaisons sans fil, mais aussi sur câble coaxial ou sur paires téléphoniques non torsadées ou encore  en combinant plusieurs technologies.
Cette convergence conduit aussi au développement de combinaisons d'applications hétérogènes  sur un même réseau. Quelques exemples réels :  la connexion de caméras IP  et de bornes Wi-Fi hot spot sur une antenne de télévision collective TNT (coaxial 75 Ohms) pour une application camping sur 90 bungalows, la connexion d'écrans d'affichage dynamique IP couplés à des caméras IP pour du comptage de passage et de l'analyse comportementale dans une galerie marchande, le raccordement aux meilleurs coûts de baraques de chantiers  (provisoires par définition) sur des sites étendus à l'intranet de l'entreprise, avec ToIP, mais également des remontées d'alarmes vidéo et du système de contrôle d'accès, en temps réel, l'intégration de flux de caméras de vidéosurveillance directement sur des système de télévision IP  (IPTV) et incrustation vidéo et son via une « set  top box » , l'interphonie, la sonorisation audio en IP. En fait, la liste est infinie.
Cependant, tout ceci demande de maîtriser la convergence car on va combiner brutalement énormément de nouveaux paramètres, dont les flux montants et/ou descendants, les protocoles unicast ou multicast, sans oublier le choix des switches IGMP. La qualité de service, les débits plus ou moins compressés, fixes ou variables, la variété des technologies de transport (Ethernet, DSL, CPL, W-Fi, Mesh, etc.) avec pour chacune leur mode de déploiement, la multiplication des supports réseaux hétérogènes (paires TP, Téléphone, Fibre, Electrique, coaxial, etc.) et des matériels multi fournisseurs qui n'interprètent pas forcément les normes de la même façon...
On est vient alors à la deuxième explication : les compétences restent très rares pour l'instant et il est difficile de recruter ces profils « vidéo et réseau » atypiques.
Par ailleurs les formations proposées par les constructeurs ne couvrent qu'une infime  partie des connaissances requises pour maitriser les technologies réseaux actuelles et ces informations sont parfois  éloignées de la réalité  quand on teste un flux vidéo avec le bon outil ! La solution peut consister à former ses équipes existantes ou à former les nouveaux recrutés aux « bons réflexes ».

Distributique.com : Le réseau de distribution traditionnel de la vidéosurveillance ne reste-t-il pas réticent vis-à-vis du numérique ?

Marc Pichaud : De moins en moins. Les gammes des principaux constructeurs de caméras se sont fortement étoffées avec des matériels de qualité : haute définition, vision nocturne ou thermique, qualité audio, protocoles de compression optimisés, intelligence embarquée, stockage local sur SD, etc. Il est désormais compliqué pour un intégrateur de justifier encore une position purement analogique souvent uniquement liée au modèle de DVR proposé, car cela va supposer un câblage purement dédié en coaxial. Les clients sont désormais aussi demandeurs et imposent souvent le choix du numérique à 100%. Pour des raisons d'exploitation et de mutualisation des équipements ou des équipes de supervision et de maintenance. Les besoin d'inter opérabilité inter constructeurs deviennent aussi primordiaux, illustrés par Onvif et les initiatives comme Open Video IP. Pour déployer ou maintenir ces réseaux, il est, là aussi, souvent nécessaire d'embaucher, ou de former les anciennes équipes ou de recourir à de nouveaux prestataires. Les enjeux économiques et humains deviennent alors prédominants.

Distributique.com : Le ROI de la vidéosurveillance numérique est-il menacé ?

Marc Pichaud : Le retour sur investissement des solutions IP n'est pas contesté. Pour échapper à ces points de blocage, il semble que la solution soit d'aller au-delà de la vidéosurveillance : les réseaux IP peuvent véhiculer d'autres informations que les images de la surveillance. Des réflexions sont actuellement en cours dans la grande distribution, les transports en commun ou d'autres grands lieux publics, depuis les hôpitaux jusqu'aux aéroports. Si le réseau IP est considéré comme un point de convergence des contenus, il peut même générer des revenus.

Distributique.com : Le marché de la vidéosurveillance numérique pourrait-il être relancé par l'arrivée des solutions grand public ?

Marc Pichaud : Il y a de la place pour ces solutions dites « légères » et la demande des particuliers est réelle, mais ce marché reste à ce jour fortement segmenté avec, d'un côté, des systèmes basiques dont les prix sont effectivement peu élevés et, de l'autre, des configurations performantes dont le coût reste rédhibitoire pour le grand public. Ce marché peut par contre exploser si les opérateurs de téléphonie s'y investissent et proposent la vidéosurveillance sous la forme d'un abonnement. C'est ce qu'ils ont fait avec succès pour d'autres systèmes numériques. Ils ne le feront que lorsqu'ils auront la certitude qu'une grande partie des particuliers sera prête à payer pour ce service.


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