La reprise en main de VMware inquiète les DSI

« Nous avons envoyé un nouveau contrat à nos partenaires actifs en France et tous l'ont reconduit », explique Marc Dollois, directeur général de la filiale française de VMware by Broadcom. (Crédit VMware)

« Nous avons envoyé un nouveau contrat à nos partenaires actifs en France et tous l'ont reconduit », explique Marc Dollois, directeur général de la filiale française de VMware by Broadcom. (Crédit VMware)

Depuis son rachat par Broadcom, VMware donne des sueurs froides à l'écosystème IT français ; lors de nos conférences IT Tour et Cybermatinées Sécurité un peu partout en France, de nombreux DSI et partenaires français, sans vouloir être cités, nous ont fait part de leur désarroi ou restent dans l'expectative pour le moment. Comme le proclame sans ambages Henri d'Agrain, délégué général du Cigref, sur X : "L'Europe doit s'affranchir de ses peurs et agir sans faiblesse en faveur de ses intérêts numériques [...] Sanctionner Broadcom pour ses pratiques abusives, notamment concernant VMware".



Si Airbus Defense & Space, tout comme Infomil, le GIE informatique des enseignes Leclerc, ont commencé à basculer de VMware à Nutanix pour leur partie HCI, d'autres travaillent sur des projets avec l'éditeur de San José. Les clients arrivent avec des tableaux Excel listant leurs solutions VMware et cherchent des alternatives ISO fonctionnels chez un concurrent, mais les choses ne sont pas si simples, il faut souvent réfléchir et travailler autrement, nous a confié l'ingénieur avant-vente d'un fournisseur. Certains grands comptes ont bien sécurisé leurs achats de licences VMware pour trois ans avant la mainmise de Broadcom, mais des DSI moins prudents se sentent aujourd'hui trahis lors du renouvellement de leurs contrats de support, avec le lot de licences qui va avec. Si la clause optionnelle outshare permet bien de sécuriser le tarif du support une année supplémentaire, les prix s'envolent lors des renouvellement de contrat : x10 pour un industriel français, de x2,5 à x3 pour un groupe spécialisé dans la défense, de x3 à x4 pour une grande banque, de x5 pour un opérateur. Les clients sont vraiment fâchés et réagissent comme des Latins : ils ne quitteront pas tous VMware, mais ils manifestent volontiers leur mécontentement. Quand aux PME-PMI, qui passent souvent par des partenaires/intégrateurs, elles envisagent plus volontiers des alternatives pour maitriser leurs dépenses.

Et pour cause, le programme partenaires a été jeté aux oubliettes puisque depuis le 5 février, c'est désormais le programme Advantage de Broadcom qui fait foi, et seuls les revendeurs dits actifs (estimés à 18 000 dans le monde par Cindy Loyd, vice-président des ventes mondiales et des ventes commerciales de VMware by Broadcom et à 100 en France selon Marc Dollois, directeur général de la filiale française de VMware by Broadcom) devraient bénéficier de ce programme. D'autres revendeurs, les plus petits et ils sont très nombreux, peut-être jugés pas assez rentables, n'ont d'ailleurs pas reçu l'e-mail envoyé vers le 19 janvier par VMware by Broadcom les invitant à rejoindre le programme Advantage de Broadcom. N'oublions pas que l'éditeur de Palo Alto revendiquait il y a un peu plus d'un an plus de 25 000 à 30 000 partenaires revendeurs dans le monde; c'est une énorme machine avec une expertise technique reconnue, VMware domine en effet le marché de la virtualisation de serveurs (hyperviseur ESXi et sa plate-forme de virtualisation plus avancée vSphere). Quant à son catalogue, il est si riche qu'aucun concurrent ne propose l'équivalent sous une seule marque à iso services. Et pour finir, Broadcom avait pris la décision de gérer directement les plus gros clients de VMware, soit environ 2 000 grands comptes, de quoi alimenter un peu plus les conflits avec son réseau de distribution. 

Une vision à court terme ? 

Pour Jay McBain, chief analyst partnerships & ecosystems au sein du cabinet Canalys qui a publié une tribune sur Linkedin, si cette stratégie sera payante pour Broadcom d'un point de vue économique à court terme, sur le long terme, elle pourrait échouer. Jay McBain parle même de la décimation d'une marque technologique légendaire, reconnue pour son excellence, et les partenaires sont déjà très nombreux à aller chercher des alternatives ailleurs. Ces propos s'appuient sur un mini sondage qui indique que 70 % des partenaires du monde entier recherchent activement des alternatives à VMware et que 50 % d'entre eux souhaitent même se séparer de Broadcom de toute urgence. Cette actualité est en totale contradiction avec les propos de Hock Tan, président et CEO de Broadcom, qui indiquait lors du dernier VMware Explore en novembre dernier que le channel était essentiel pour eux.  

Broadcom avait déjà amorcé de nombreux changements, avec notamment l'annonce de la fin des licences perpétuelles. En clair, les entreprises détenant des licences perpétuelles et des contrats de support associés passeront à des offres par abonnement avec, à la clé, des hausses tarifaires, quand elles changeront de version. Là aussi pour les habitués du modèle licence, la migration vers un modèle de type Opex est toujours une phase de transition délicate, ceux qui ont déjà franchi ce modèle peuvent en témoigner. En soi, on ne peut pas non plus jeter la pierre à Broadcom, ce modèle de licence perpétuelle est de toute façon voué à évoluer au profit du mode de souscription par abonnement qui se généralise. D'ailleurs, VMware était déjà en transition vers un modèle d'abonnement depuis plus d'un an selon Krish Prasad, vice-président senior et directeur général de la division VMware Cloud Foundation. En outre, Broadcom entend aussi limiter la version gratuite de l'hyperviseur de type 1 ESXi de VMware. 

Regroupement des offres et augmentation des prix à venir 

Enfin, Broadcom ne s'arrête pas là puisqu'il rationalise les activités de VMware, le portefeuille de produits se resserre donc vers deux offres phares, à savoir la suite Cloud Foundation autour du cloud hybride/privé et la suite de virtualisation vSphere Foundation et ses services. Par exemple, pour les clients recherchant une solution HCI, VMware proposera simplement vSAN en tant que module complémentaire à vSphere Foundation. Le sort de VxRail développé avec Dell (20 000 clients, avec près de 300 000 noeuds déployés dans le monde) est aujourd'hui incertain, seul le support est vraiment garanti. En revanche, Carbon Black, l'activité cybersécurité de VMware semble avoir repris son indépendance. Quant aux solutions utilisateurs finaux des hyperviseurs Workstation et Fusion, sans oublier les plate-formes UEM Workspace One et VDI Horizon, elles sont revendues au fonds d'investissement KKR qui possède déjà Alludo, éditeur de l'hyperviseur Parallels. 

Concernant les tarifs de VMware, de nombreux experts et utilisateurs s'attendent à une augmentation significative due à un regroupement des offres même si Broadcom tente de les rassurer sur ce point. Selon Marc Dollois, dirigeant de la filiale française de VMware by Broadcom, beaucoup de fausses informations circulent dans les médias et les réseaux sociaux : « Sur la prétendue augmentation des prix due au regroupement des offres, il n'y en a pas et rien n'empêche nos clients de consommer les offres en stand-alone dans notre catalogue. De même, sur la fin des licences perpétuelles, n'oublions pas que VMware avait déjà annoncé il y a deux ans le passage à la souscription. Bien d'autres éditeurs l'ont fait avant nous... Quant à l'offre de produits, oui nous l'avons rationalisé et nous allons clairement vers cette modernisation qu'est l'hybridation avec VCF et vSphere Foundation, nos clients attendent ces changements pour répondre à tous les nouveaux usages d'aujourd'hui. Enfin, nous avons envoyé un nouveau contrat à nos partenaires actifs en France et tous l'ont reconduit. » Dans un communiqué de presse publié en juin 2022, le Cigref s'inquiétait déjà du rachat de VMware par Broadcom avec une forte hausse des tarifs attendue. 



s'abonner
aux newsletters

suivez-nous

Publicité

Derniers Dossiers

Publicité