Après des semaines de débats sur l'avenir de l'Internet aux États-Unis, le président de la FCC a remporté la bataille en mettant fin à la neutralité d'Internet qui prévalait depuis 2015.
Comme prévu, la Federal Communications Commission (FCC) américaine a mis fin, à 3 voix contre 2, aux règles de neutralité du Net qu'elle avait entérinées en 2015. Cette décision, poussée son président Ajit Pai nommé par Donald Trump, pourrait changer à jamais l'Internet tel que nous l'avons connu. Mais pour certains, le combat ne fait que commencer.
Selon les règles de neutralité du Net promulguées en 2015, les fournisseurs de services Internet, classés sous le « Titre II du Communication Act », ont l'obligation de délivrer les contenus en ligne dans les mêmes conditions de vitesse et d'accessibilité à tous leurs clients. Cela signifie, entre autres choses, qu'ils ne peuvent pas faire payer Netflix pour accélérer son streaming ou restreindre l'accès à YouTube. Des exceptions particulières existent pour les services médicaux, les communications relatives à la sécurité publique et d'autres données dites d'intérêt public. Pour les opérateurs, ces réglementations ont entravé la croissance et l'innovation. Mais les partisans de la neutralité du Net, notamment Apple, Google et Facebook, soutiennent que l'assouplissement de ces règles représente une menace pour la pluralité de l'Internet.
Quid du service de base
L'impact pour les particuliers risque d'être important. Aux États-Unis, les règles de neutralité du Net ont empêché des fournisseurs d'accès Internet comme Comcast et Verizon de pénaliser les clients en fonction de leur usage d'Internet, ou de discriminer Google en limitant YouTube. Mais l'accès à l'information est encore plus important que les flux Netflix et Hulu HD. Des millions de personnes dépendent d'Internet pour les services de base, et la fin de la neutralité du Net peut menacer leur accès. Plus tôt cette semaine, The Verge a publié une lettre ouverte des présidents des bibliothèques publiques de New York dans laquelle ils évoquent la menace que représente l'abrogation de la neutralité du Net : « Cette proposition affecte directement la capacité du public à accéder aux collections et au matériel des bibliothèques ». Car Internet n'est pas seulement un endroit pour se gaver de ses séries préférées. Pour un grand nombre de gens, c'est un lien vital avec le monde qui les entoure. Et il vaut la peine de se battre.
L'impartialité en question
À la tête de cette mise à mort, Ajit Pai, président de la FCC et l'un des plus ardents opposants aux règles de neutralité du Net depuis qu'il a été nommé commissaire au conseil d'administration de la FCC par le président de l'époque, Barack Obama (et président de la FCC par Donald Trump). Malgré une forte opposition, la FCC a tout fait pour arriver à ses fins, sans débat et en ignorant l'avis du public. Dans le communiqué où elle exprime son désaccord, la commissaire démocrate Mignon Clyburn a dénoncé les méthodes de la commission : « Contrairement à ses prédécesseurs, cette commission n'a pas tenu une seule audience publique sur la neutralité du Net. Un grand nombre de gens pensent que l'administration de Washington n'est pas à l'écoute de leurs préoccupations, de leurs inquiétudes, de leurs attentes. On peut ajouter la FCC à cette liste ».
Il semble que le président de la FCC ait fait peu de cas de ces commentaires. Pas plus tard qu'avant-hier, Ajit Pai a posté une vidéo « humoristique » sur le site conservateur Daily Caller pour illustrer ce que l'on pourrait encore faire sur Internet après l'abrogation des règles de neutralité. L'initiative qualifiée « d'arrogante » par les critiques a également poussé les manifestants à se rassembler à l'extérieur de la salle d'audience de la Commission, en vain. Dans une déclaration précédant le vote, M. Pai a déclaré que l'abrogation du Titre I par la FCC serait « favorable aux consommateurs et qu'elle encouragerait la concurrence »... Pour Ajit Pai, « cela signifie plus de concurrence entre les fournisseurs de services haut débit. Cela signifie également que les startups et les géants de la technologie auront plus de choix pour délivrer des applications et du contenu à un plus grand nombre d'utilisateurs. En bref, un Internet plus libre et plus ouvert ».
Une offre sociale Internet aux Etats-Unis
Les opposants craignent au contraire que les FAI transforment l'Internet en un service à la carte comme pour le câble, qu'ils instaurent des niveaux de priorité entre les sites et facturent des frais supplémentaires pour diffuser de la vidéo ou utiliser les médias sociaux. La fin de la neutralité pourrait également affecter la capacité d'innovation des entreprises dont l'activité repose sur Internet, car l'accès à leurs sites et à leurs services en sera affecté. Au pire, les FAI pourraient facturer un tarif forfaitaire pour fournir un accès Internet « de base » - comme l'offre sociale Internet en France - et imposer des frais supplémentaires pour permettre l'accès à des sites et des services populaires comme Twitter, Facebook ou Instagram. De plus, les opposants craignent que les FAI limitent ou réduisent l'accès aux services de streaming en continu pour favoriser leurs propres produits.
Cependant, cette décision ne signifie pas que le combat pour la neutralité du Net est terminé. Il est certain qu'une bataille judiciaire démarrera sans délai et qu'elle pourrait remonter jusqu'à la Cour suprême. Le Congrès américain pourrait également s'impliquer en adoptant une législation qui protège les consommateurs, obligeant les FAI à appliquer la loi. En France, c'est une autorité administrative l'Arcep, qui doit s'assurer que le réseau Internet est bien neutre. Comme la FCC, jusqu'à hier.
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