Ce banc d'essai R&D 6G est flexible et évolutif pour traiter une multitude de bandes de fréquences et de types de formes d'onde. (Crédit Keysight Technologies)
La 6G de nouvelle génération est encore loin d'être prête, mais cette future technologie sans-fil pourrait ouvrir la voie à des applications à large bande passante et à faible latence.
Poussée par la demande toujours plus grande de vitesse et de bande passante liée à l'adoption massive d'appareils connectés et de l'IA, la 6G, prochaine évolution de la technologie de communication sans-fil, devrait faire son apparition en 2030. Par rapport à la 5G, cette sixième génération cellulaire apportera des améliorations significatives en matière de sécurité, de résilience, de fiabilité, de latence, de densité de connexion, de capacité de trafic, d'efficacité du spectre et de débits de données utilisateur. En particulier, la 6G devrait être 50 fois plus rapide que la 5G, avec une vitesse théorique maximale de 1 Tbps, contre 20 Gbps pour la 5G. Selon Keysight Technologies, la 6G pourra également gérer 10 millions d'appareils par kilomètre carré, contre 1 million pour la 5G. Il est sans doute trop tôt pour prédire tout ce que la technologie pourra apporter dans les entreprises. La 5G commence à peine à atteindre son potentiel et il faudra du temps pour qu'elle se déploie totalement et remplace la 4G. Mais ces évolutions de la technologie cellulaire sont prometteuses.
Une arrivée trop précoce ?
La 5G a été déployée pour la première fois en 2019, et de nombreux fournisseurs de services sans-fil sont encore en train de mettre à niveau leurs réseaux 4G. De plus, la première version de la 5G-Advanced est prévue pour 2024, et la seconde pour la fin de l'année 2025. La 5G-Advanced doit permettre des expériences utilisateur immersives. Elle apporte aussi des améliorations en matière d'IA et de ML et une meilleure prise en charge des appareils IoT basse consommation. Elle jette les bases technologiques de la 6G. Il est clair que l'on n'a pas encore exploité tout le potentiel de la 5G et qu'on ne saura pas de quoi elle est capable tant qu'elle ne sera pas entièrement déployée et que les entreprises ne commenceront pas à utiliser sa capacité à prendre en charge un plus grand nombre d'appareils, avec une bande passante plus large, une meilleure sécurité et une latence plus faible. C'est également à ce moment-là que l'on commencera à en connaître les principales lacunes. « Certains estiment qu'il faudrait retarder l'introduction de la 6G de quelques années jusqu'à ce que l'on en connaisse les limites », a déclaré David Witkowski, membre senior de l'IEEE, auteur, conseiller et stratège qui fait le lien entre les autorités locales et l'industrie des télécommunications. « Pour l'instant, l'objectif est de doubler les capacités de la 5G-Advanced. L'accent sera notamment mis sur la réalité augmentée, la réalité virtuelle et la réalité mixte. L'IA et la ML vont aussi jouer un rôle plus important, et il faut s'attendre à des évolutions dans l'efficacité du réseau et la capacité d'antennes multiples. À l'heure actuelle, si l'on regarde les premières exigences de la 6G, il y a peu de choses qui ne soient pas déjà en cours dans la 5G », a-t-il fait remarquer.
De gros investissements et des projets pilotes déjà en cours
Malgré ces inquiétudes, le train de la 6G est déjà sur les rails. Selon le document sur la 6G publié en novembre 2023 par l'Union internationale des télécommunications (International Telecommunication Union, ITU), la phase conceptuelle du développement de la 6G a été lancée. Les normes techniques commenceront à être élaborées en 2027 et le déploiement débutera en 2030. Même si la norme ne sera pas finalisée avant plusieurs années, des projets pilotes 6G sont déjà en cours. En octobre, l'UE a alloué 130 millions d'euros à 27 projets liés à la 6G, dont les travaux devraient commencer cette année. Et ce n'est qu'une goutte d'eau par rapport à tous les investissements réalisés jusqu'à présent dans le domaine de la 6G. « Les gouvernements ont déjà alloué 35 milliards de dollars au niveau mondial pour tenter d'accélérer et de développer la 6G sur leurs marchés nationaux », a indiqué Stephen Douglas, responsable de la stratégie de marché chez Spirent Communications, un fournisseur de solutions automatisées de test et d'assurance basée au Royaume-Uni. « Je n'ai jamais rien vu de tel auparavant. C'est devenu une question politique : l'accent est mis sur ce que la 6G pourra apporter à l'économie en termes de PIB et sur le leadership que le pays pourra obtenir en termes de technologie ».
Quels avantages ?
Un grand nombre de capacités de la 6G sont des extensions et des améliorations de fonctions existantes, mais 6 des 15 capacités énumérées dans le document de l'ITU sont nouvelles. Il s'agit des zones de couverture, des capacités liées à la détection, des capacités liées à l'IA, de la durabilité, de l'interopérabilité et du positionnement.
Couverture : la 6G devrait utiliser de nouveaux spectres de fréquences et permettre un service omniprésent, y compris dans les zones éloignées et à l'intérieur des bâtiments.
Détection : les appareils connectés pourront transmettre des mesures et des modélisations en 3D de l'environnement dans lequel ils se trouvent, ce qui ouvrira la voie à de nouvelles applications industrielles, telles que le jumeau numérique.
IA : la 6G devrait prendre en charge les applications alimentées par l'IA, notamment le traitement distribué des données, l'apprentissage distribué, l'AI Computing, l'exécution de modèles d'IA et l'inférence de l'IA. Tout cela permettra le déploiement d'une intelligence omniprésente dans les appareils, les applications et les environnements. En outre, l'IA devrait rendre les réseaux eux-mêmes plus intelligents, grâce à des capacités d'auto-surveillance, d'auto-organisation, d'auto-optimisation et d'autoréparation.
Durabilité : toujours selon le document de l'ITU, la durabilité est un « objectif essentiel » de la 6G. Sur le plan de la conception, l'infrastructure cherchera à avoir le moins d'impact possible sur l'environnement, à utiliser l'énergie de manière efficace et à réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Interopérabilité : les systèmes 6G seront conçus dès le départ avec des interfaces transparentes, normalisées et interopérables afin que toutes les parties du réseau, quel que soit le fournisseur, puissent fonctionner ensemble. Cela inclut la prise en charge des normes 5G actuelles et des communications par satellite.
Positionnement : la 6G devrait permettre un positionnement extrêmement précis ; le document de l'ITU suggère une précision de moins de 10 centimètres (environ 4 pouces).
Toutes ces capacités annoncent une nouvelle ère sans doute difficile à imaginer aujourd'hui. Selon l'association Europe's 5G Infrastructure Association (5G-IA), la 6G sera un « écosystème autonome d'intelligence artificielle » qui « apportera une connectivité sans-fil complète, quasi instantanée et sans restriction » et « transformera radicalement le mode de fonctionnement des entreprises ».
Chirurgie à distance dans le domaine de la santé
Le rythme des changements technologiques est rapide dans tous les domaines et le passage à la 6G ne fait pas exception. Selon Will Townsend, analyste chez Moor Insights & Strategy, les choses s'accélèrent plus rapidement avec la 6G qu'avec la 5G au même stade de son évolution. « Par rapport à la 5G, la vitesse, qui passe dans la gamme du spectre térahertz, représentera l'une des améliorations les plus importantes et les plus transformatrices de la 6G », a expliqué l'analyste. « Cela posera aussi des problèmes, car le spectre est très large, mais on pourra faire des choses assez incroyables avec une connectivité instantanée. Le térahertz permet une latence quasi instantanée, sans décalage ni gigue. Il ouvre la voie à des applications de type sensoriel ». Ce sera le cas par exemple des applications de télémédecine. Aujourd'hui, les médecins peuvent fournir des conseils via des appels Zoom. Demain, ils pourront procéder à de véritables opérations chirurgicales à distance. « Il faut un temps de latence très faible pour pouvoir exercer un contrôle tactile sur de longues distances, ce qui n'est pas le cas de la 5G qui comporte encore une certaine latence », a déclaré M. Townsend. « Les commandes à distance en temps réel pourraient aussi permettre aux entreprises d'éloigner les personnes de lieux physiques dangereux, comme des mines, et de contrôler l'équipement à distance ou même de mener des opérations autonomes ».
Vers une ère de conscience sensorielle
Selon M. Douglas de Spirent, le futur spectre 6G présente également un autre avantage : il permet de mieux percevoir l'environnement. « Le signal radio peut servir de mécanisme de détection, à l'instar du sonar utilisé dans les sous-marins », a-t-il indiqué. Cette caractéristique ouvre à des cas d'usage qui nécessitent une visibilité tridimensionnelle et une visualisation complète de l'environnement. « Il sera possible de cartographier l'environnement, les magasins, les bâtiments..., d'en générer une compréhension holistique et de l'utiliser pour créer de nouveaux types de services pour le marché », a aussi expliqué M. Douglas. « C'est à ce niveau-là que la communauté des développeurs doit s'engager pour identifier le potentiel ». La 6G pourrait aussi restituer le sens du toucher. « À l'heure actuelle, toutes les communications sont basées sur la vue et le son, mais des mécanismes actuellement à l'étude pourraient transmettre la sensation d'une poignée de main d'une personne à une autre ».
Toute l'IA, tout le temps
L'IA a le vent en poupe, à la fois pour les cas d'usage nécessitant une connectivité élevée et en tant qu'outil de gestion des réseaux. Et l'IA s'améliore très rapidement. Il semble même qu'elle évolue plus vite que ses applications potentielles. Il en va de même pour les réseaux. On ne sait pas encore quelles seront les applications de l'IA, mais il est presque certain que des vitesses élevées, une faible latence et une couverture universelle y contribueront. « L'imbrication croissante de l'IA dans notre vie quotidienne - des robots aux objets autonomes - nécessitera plus de bande passante, des vitesses plus élevées et davantage de traitement à la périphérie », a avancé Ken Quaglio, associé dans la pratique des communications, des médias et de la technologie de Kearney, un consultant en gestion mondiale. « La 6G contribuera donc à tous ces aspects ». Comme il l'a indiqué, sur le plan opérationnel, les télécoms utilisent déjà l'IA pour la planification et cette tendance ne fera que s'accélérer. « La 6G permettra aux opérateurs de créer et de déployer des réseaux autogérés. Ces réseaux se régleront eux-mêmes en fonction de la demande, optimiseront les itinéraires de transmission et se répareront eux-mêmes ».
Douglas de Spirent pense aussi que l'IA peut aider à développer des réseaux plus rentables, à améliorer les performances radio et à réduire la quantité de données qui doivent être envoyées sur les ondes. « Il est possible d'intégrer la compression alimentée par l'IA dans la norme 6G », a-t-il expliqué. « Selon moi, certaines de ces technologies feront leur apparition dans la 5G avancée, parce qu'elles ont une grande valeur ». Quant à Sarah LaSelva, spécialiste de la 6G chez Keysight Technologies, elle pense que l'IA peut également contribuer à réduire l'impact environnemental de la 6G. « Par exemple, la technologie peut déterminer comment optimiser la consommation d'énergie en activant ou en désactivant des composants en fonction des conditions de fonctionnement en temps réel », a-t-elle préconisé. « En général, la combinaison de la complexité et de la quantité massive de données fait que les réseaux sans-fil sont mûrs pour une optimisation par l'IA », a-t-elle ajouté. « L'adoption de l'IA va transformer l'industrie du sans-fil au cours de la prochaine décennie ».
Enfin, selon Will Townsend, de Moor Insights & Strategy, avec la 6G, l'IA pourrait être intégrée directement dans la structure du réseau. « Elle pourrait faire partie de l'offre de services, au lieu d'être utilisée comme un outil de back-office pour rendre les réseaux plus efficaces. Cela pourrait déboucher sur de nouveaux cas d'usage. C'est ce qui s'est passé avec les réseaux 4G et l'explosion des applications de covoiturage. Personne ne l'avait vu venir », a affirmé M. Townsend. Il est encore plus difficile de prédire l'effet de la 6G combinée à l'IA de nouvelle génération. « C'est seulement quand cette technologie arrivera entre les mains des développeurs de logiciels que l'on verra vraiment l'innovation décoller ».
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