Donal Trump élu : nervosité au sein de l'industrie IT

Donald Trump est devenu le 45e président des Etats-Unis le 8 novembre 2016. (crédit : Gage Skidmore/Trump Campaign)

Donald Trump est devenu le 45e président des Etats-Unis le 8 novembre 2016. (crédit : Gage Skidmore/Trump Campaign)

Le programme politique du nouveau président des États-Unis concernant l'industrie technologique est maigre, mais le peu qu'il contient inquiète déjà le secteur. Les recrutements d'immigrants qualifiés par les sociétés IT américaines pourraient bien être remis en question.

Ce que le nouveau président élu, Donald Trump, envisage de faire dans le secteur technologique, l'un des plus dynamiques du pays, reste largement à définir. Mais, pour l'instant, ses brèves interventions sur les sujets IT ont surtout provoqué une certaine nervosité. La campagne de Donald Trump a été essentiellement dominée par des débats sur l'immigration illégale, la perte des emplois industriels et les problèmes de personnalité. Majoritairement, les entreprises de la Silicon Valley ont émis un avis défavorable sur le candidat républicain, et l'une de ses interrogations principales, la révision des accords de libre-échange entre les États-Unis et d'autres pays, risque probablement de nuire à la capacité des entreprises américaines à vendre leurs produits à l'étranger.

D'autre part, selon les groupes qui militent pour la défense des droits numériques, le futur président américain devrait renforcer les programmes de surveillance pour lutter contre le terrorisme, au détriment de la protection de la vie privée. L'administration Trump va probablement essayer de faire annuler les règles adoptées l'année dernière par la Federal Communications Commission en matière de neutralité du Net, même si une abrogation pure et simple de ces lois semble difficile. Si plusieurs entreprises technologiques ont félicité Donald Trump d'avoir remporté cette victoire inattendue, d'autres ont déclaré qu'elles étaient préoccupées par la pauvreté du programme politique du candidat Trump dans ce domaine. Ils se disent aussi inquiets de l'appel au boycott d'Apple lancé par Donald Trump quand l'entreprise californienne a refusé d'aider le FBI à casser la protection de l'iPhone 5c du tueur de San Bernardino.


La protection de la vie privée sur la sellette


« Il n'y a rien qui puisse me rendre optimiste » après l'élection de Donald Trump, a déclaré en substance un dirigeant commercial de l'entreprise. « Compte tenu de ses commentaires sur Apple, il faut s'attendre à ce que Donald Trump réclame des backdoors dans les solutions de cryptage », a déclaré Chris Calabrese, vice-président des politiques au Center for Democracy and Technology (CDT), une organisation non gouvernementale basée à Washington, engagée dans la promotion des valeurs démocratiques et des libertés constitutionnelles. « Et sa volonté d'identifier et d'expulser certains, ou tous les immigrants illégaux, pourrait se traduire par une intrusion tous azimuts dans la vie privée des citoyens », a-t-il ajouté.

« Néanmoins, certains partisans conservateurs de Trump pourraient réclamer plus de protection de la vie privée au nom du Quatrième Amendement de la Constitution qui protège contre les perquisitions et les saisies non motivées, et impose le recours à un mandat, avec un motif sérieux, pour justifier toute perquisition », fait également remarquer Chris Calabrese. « Les intentions de Donald Trump en matière de protection de la vie privée ne sont pas claires, et on ne sait pas quelles personnalités politiques il compte placer à ces postes », a-t-il encore indiqué. « Les quatre prochaines années risquent d'être très compliquées, et il nous revient d'expliquer aux Américains pourquoi la liberté de l'Internet et les valeurs que nous défendons sont importantes pour eux », a déclaré M. Calabrese. « Tout ce qui a de la valeur doit être défendu. »


Le projet en cybercriminalité de Donald Trump détaillé en 179 mots


« À l'image de ces groupes de défenses des droits numériques, l'industrie technologique se pose beaucoup de questions sur la politique que compte mener Donald Trump », a déclaré James Reid, vice-président senior des affaires gouvernementales de la Telecommunications Industry Association, un groupe professionnel représentant les fabricants et les fournisseurs d'équipements réseaux. Pendant sa campagne, Donald Trump a donné peu d'informations sur sa future politique technologique. Dans un discours prononcé en octobre dernier sur la cybersécurité, on retrouve des positions que l'administration Obama a déjà mises en oeuvre. Au même moment, le candidat républicain avait publié un projet en quatre points - 179 mots au total - sur la cybersécurité. Il aura fallu attendre le jour du scrutin pour que l'équipe de campagne de Donald Trump ajoute le mot « télécommunications » dans le plan d'investissement du gouvernement en faveur des infrastructures du pays, selon la Telecommunications Industry Association (TIA). Mais, sans autres détails.

Les positions de Donald Trump en matière de commerce telles qu'il les a exprimés pendant sa campagne inquiètent également bon nombre d'entreprises technologiques même si les Républicains, qui contrôlent toujours les deux chambres du Congrès, ont généralement soutenu une politique de libre-échange. « L'industrie high-tech ne comprend pas très bien non plus les intentions du candidat Trump sur la politique que mènera son administration en matière de fréquences radioélectriques et de propriété intellectuelle », a ajouté le vice-président senior des affaires gouvernementales de la Telecommunications Industry Association. Cette incertitude sur les intentions de Donald Trump dans plusieurs domaines « rend les gens nerveux », a encore déclaré James Reid.


Un président à double face pour l'industrie IT


Lors de sa campagne, Hillary Clinton a publié plusieurs documents de programme précisant les positions de la candidate démocrate sur un certain nombre de sujets, et « dans son équipe, on trouvait des gens qui comprenaient ces questions et s'en préoccupaient ». Comparativement, l'équipe de campagne de Donald Trump a publié « très peu de documents stratégiques », a ajouté James Reid. « Et le jour d'après l'élection, il y a encore plus de points d'interrogation que de réponses. C'est probablement aussi déconcertant que n'importe quelle déclaration de politique générale ». Donald Trump a fait part de sa forte opposition au partenariat transpacifique et à d'autres accords commerciaux, « mais on ne sait pas ce qu'il compte mettre à la place », a ajouté James Reid. Va-t-il renégocier ce partenariat et d'autres accords commerciaux ? Va-t-il empêcher la conclusion de nouveaux accords commerciaux ?

Selon Rob Atkinson, fondateur et président de la Fondation des technologies de l'information et de l'innovation, un groupe de réflexion spécialisé dans les nouvelles technologies, la présidence Trump est un peu à double face pour l'industrie technologique. « D'un côté, Donald Trump peut essayer de renégocier les accords commerciaux existants, mais il peut également essayer de faire respecter les obligations commerciales de ces accords par certains pays comme la Chine et le Mexique », a déclaré Rob Atkinson. La Chine et d'autres pays « ont littéralement mis un pistolet sur la tempe de l'industrie high-tech » en exigeant par exemple qu'elles financent des investissements locaux », a-t-il expliqué. « Donald Trump devrait être « beaucoup plus dur » sur l'application des accords commerciaux que ne l'a été l'administration du président Barack Obama », a encore prédit Rob Atkinson. Selon lui, « il faut également s'attendre à ce que le futur président s'engage à fond dans une réforme fiscale des entreprises, d'autant qu'il a de son côté un Congrès républicain qui ne demande qu'à suivre ses promesses de réduction d'impôts », a-t-il ajouté. « Et ces changements seront bien accueillis par les entreprises technologiques. »


Les programmes de recrutements d'immigrants qualifiés en question


Mais il y a aussi un aspect plus négatif pour de nombreuses entreprises informatiques, à savoir la position anti-immigration de Donald Trump, qui empêchera probablement les industries technologiques américaines de recruter à l'étranger des travailleurs qualifiés, des recrutements généralement assortis de programmes de visas mis en avant par un grand nombre d'entreprises du secteur », a ajouté Rob Atkinson. « Je crois que les entreprises high-tech peuvent dire adieu à leurs programmes de recrutement d'immigrants hautement qualifiés pour les quatre prochaines années », a-t-il ainsi déclaré. D'autres experts ont encore du mal à se remettre de cette victoire inattendue de Donald Trump. « Je mentirais si je disais que j'ai cru un instant que cela pouvait arriver », a déclaré Matt Wood, directeur des politiques au sein de l'association de défense des droits numériques Free Press. « Quel que soit le sujet, il est presque impossible de prédire l'impact qu'aura la présidence Trump sur la politique technologique », a-t-il ajouté dans un message envoyé par courriel. « Cette politique irresponsable de déréglementation doublée d'une ignorance totale sur le mode de fonctionnement de l'Internet est pour le moins alarmante », a-t-il dit.

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