La fronde des revendeurs Sage trouve son origine dans un courrier qu'ils ont reçu de l'éditeur le 4 novembre. A travers lui, Pacôme Lesage, le président de Sage France, les informe de la future mise en place d'une classification des partenaires par niveaux de chiffre d'affaires, ainsi que d'une modification des modalités d'attribution et du niveau de leurs remises. Illustration : D.R.
Furieux des nouvelles conditions commerciales que Sage France leur réserve à compter d'avril 2023, plus d'une centaine de revendeurs ont décidé de montrer leur opposition en n'assistant pas à sa prochaine convention partenaires et en suspendant la promotion de ses offres. Ils travaillent sur des mesures plus fortes si l'éditeur ne revenait pas sur ses plans.
Un bras de fer s'engage bel et bien entre Sage et une partie importante de son réseau de ventes indirectes. A la suite d'une visioconférence qui réunissait lundi dernier 136 intégrateurs de l'éditeur de logiciels de gestion, à 90% des dirigeants de centres de compétence Sage (CCS), une majorité s'est nettement dégagée pour lui demander d'ajourner immédiatement l'évolution de son programme partenaires qu'il veut effective en avril 2023. « Dans cette attente, les partenaires présents ont accepté à 95% de pratiquer la politique de " la chaise vide ", en renonçant à toute participation et évènement qui seront organisés par l'éditeur, et de suspendre toutes manifestations marketing de promotion de ses offres », indique un communiqué de l'association Sagesse qui organisait la réunion virtuelle. Le ton est donné et il y a donc peu de chances que la convention partenaires que Sage organise le 17 novembre fasse salle comble.
Jusqu'à 25% de perte de marge frontale
Pour mémoire, la fronde trouve son origine dans un courrier de l'éditeur reçu par ses revendeurs le 4 novembre. Dans cette lettre, Pacôme Lesage, le président de Sage France, les informe de la mise en place dans six mois d'une classification des partenaires par niveaux de chiffre d'affaires, ainsi que d'une modification des modalités d'attribution et du niveau de leurs remises. Dans le détail, les partenaires devront réaliser au moins 600 K€ de revenus récurrent (dont 72 K€ issus de nouveaux clients) par an avec Sage pour être Platinum, 250 K€ (dont 30 K€ avec les nouveaux clients) pour être Gold, 26 K€ (dont 3 K€ avec les nouveaux clients) pour être Silver. Seront labellisés Bronze ceux en-dessous de ce dernier seuil. En contrepartie, les remises frontales seront de 40 %, voire 50 % pour les Platinum, de 35 % pour les Gold, de 30 % pour les Silver et de 25 % pour les Bronze.
Problème, tous les CCS disposent aujourd'hui d'une remise de 50 % sur leurs achats auprès de Sage. La perte de points de marge frontale est donc facilement calculable pour les Gold, les Silver et les Bronze. Et si les Platinum sont censés sur le papier pouvoir encore prétendre à leur 50 % de remise à l'avenir, ils devront pour cela remplir des conditions additionnelles notamment axées sur leurs performances en volume et en valeur en termes de nouveaux clients. Des conditions que les principaux concernés jugent impossibles à remplir.
Une remise qui rémunère le support et contribue à la satisfaction client
La marge frontale de 50 % que Sage attribue à ses revendeurs certifiés rémunère la maintenance et le support qu'ils apportent aux clients dans la durée. « Les entreprises aiment les produits de Sage mais leur satisfaction se fait aussi au prix d'un support à réaliser par les partenaires plus important qu'avec d'autres éditeurs. Si notre remise à l'achat baisse, nous craignons de ne plus disposer de moyens nécessaires et suffisants pour garantir une qualité de service optimale, à l'heure ou la raréfaction des ressources et leur coût d'accès n'a jamais été aussi élevé », explique Jean-Francois Bonnechere, le directeur général d'Absys Cyborg. Jusqu'ici, le dirigeant du plus gros partenaire de Sage en France ne s'était jamais joint à ses homologues dans les confrontations qui les ont déjà opposés à l'éditeur sur leurs rémunérations. Le fait qu'il s'implique aujourd'hui permet de mesurer le niveau de crainte que suscitent les nouvelles conditions commerciales pensées par Sage. « Si elles s'appliquaient c'est aussi la valorisation de nos entreprises qui diminuerait », tempête-t-il.
Les marges seront préservées, selon Sage
Chez Sage France, on explique que les nouvelles règles du jeu doivent simplifier les relations avec les partenaires et améliorer l'efficience en interne pour, finalement, gagner des parts de marché plus rapidement que les concurrents. On réfute par ailleurs le fait que le nouveau programme partenaires puisse créer un phénomène de baisse de marge généralisée dans le réseau de ventes indirectes. « Les marges seront préservées pour une grande partie de nos revendeurs », assure Laurence Dugué, la directrice des alliances et des partenaires chez Sage France. « Pour certains produits, elles vont même augmenter. Ce sera notamment le cas pour la remise sur Sage X3 en souscription qui est actuellement de 35 % », ajoute-t-elle. Cette dernière oublie néanmoins de préciser que la revente de l'ERP de Sage en souscription ne rapportera plus qu'aux partenaires atteignant le niveau Platinum.
La directrice des partenaires de Sage France s'avère en outre en désaccord avec le fait que les critères complémentaires qui vont permettre à des partenaires de progresser au niveau de labellisation supérieur ou de percevoir davantage de marge soient inatteignable. « A l'avenir, nous demanderons à nos partenaires que le poids, en valeur du chiffre d'affaires récurrent, des nouveaux clients pour Sage dans les nouvelles commandes, hors réabonnement, atteigne 20%. C'est tout à fait faisable puisqu'aujourd'hui, la moyenne se situe à 31% chez nos revendeurs », estime Laurence Duguée. « Il serait difficile pour un revendeur qui fait un million de chiffre d'affaires récurrent par an de générer 200 K€ avec de nouveaux clients, assure de son côté Patrick Chemla, le directeur du CCS marseillais Gexell. En outre, rien ne garantit que Sage n'augmente pas cette part au bout de quelques mois. »
La suite sur le plan juridique ?
Si leur politique de la chaise vide ne suffisait pas à faire revenir Sage sur ses plans, les revendeurs qui s'opposent aujourd'hui à l'éditeur discutent déjà d'actions plus fortes qui pourraient suivre. Elles pourraient notamment se situer le terrain juridique.
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