CES 2014 : Microsoft face à la rebellion des PC émulant Android

Déjà en juillet dernier, Asus présentait avec son Trio Transformer un portable sous Windows et Android. (crédit : D.R.)

Déjà en juillet dernier, Asus présentait avec son Trio Transformer un portable sous Windows et Android. (crédit : D.R.)

Des ordinateurs sous Windows 8.1 faisant tourner des apps pour Android devraient faire leur apparition au prochain CES de Las Vegas, en janvier 2014. Voilà qui ne devrait pas réjouir Microsoft. En cas de succès, les développeurs d'applications Windows natives ne risquent-il pas de se démotiver ?

Microsoft va devoir affronter la rébellion de partenaires OEM de longue date qui vont présenter, au prochain CES de Las Vegas, en janvier, des PC sous Windows 8.1 qui feront aussi tourner des apps mobiles sous Android. Selon l'analyste Tim Bajarin, de Creative Strategies, l'exécution des apps s'effectuera via une émulation logicielle. "Je ne suis pas très sûr de la performance que l'on peut en attendre mais c'est leur façon d'essayer d'apporter davantage d'apps tactiles dans l'écosystème de Windows", a-t-écrit la semaine dernière dans Time, en nommant "PC Plus" ces machines qu'Intel va par ailleurs supporter.

Patrick Moorhead, analyste chez Moor Insights & Strategy, confirme le projet. "Cela va faire du buzz sur le CES", a-t-il confié à nos confrères de Computerworld lors d'un entretien. Les OEM vont faire du bruit autour de ces annonces et ce sera un sujet de premier plan pendant le salon, selon lui.

Le concept n'est pas nouveau

Faire tourner des apps Android sous Windows n'est pas nouveau. Les deux analystes rappellent que BlueStacks a lancé en 2012 son logiciel App Player pour Windows (une version Mac est sortie en juin 2013) et qu'il a livré une version spécifique pour la tablette Surface Pro en mars dernier. L'App Player est proposée en téléchargement gratuit sur le site de BlueStacks et elle est également livrée avec plusieurs PC et tablettes sous Windows via des accords avec des fournisseurs OEM. Elle s'appuie sur un environnement de virtualisation, baptisé LayerCake, pour faire tourner les apps Android sur d'autres systèmes d'exploitation.

En juillet 2013, Asus a également lancé un ordinateur portable convertible, le Transformer Book Trio, qui peut faire fonctionner des apps Android et des logiciels pour Windows 8, dont les apps conçues pour l'interface Modern (initialement Metro). Plus récemment, il a été dit que Samsung développait une tablette capable de lancer indifféremment Android et Windows RT 8.1, l'OS tactile de Microsoft.

Plusieurs modes de mise en oeuvre possibles

Quoi qu'il en soit, le projet PC Plus concerne des notebooks traditionnels et non des tablettes. Et il ne s'appuie pas sur la technologie de BlueStacks, bien qu'Intel ait investi en mars dans la société californienne, basée à Palo Alto. Selon Patrick Moorhead, c'est même très différent de ce que propose BlueStacks. Si Tim Bajarin table sur un système d'émulation, lui énumère plusieurs technologies que les OEM pourraient déployer. Il voit trois mises en oeuvre possibles. La première pourrait consister en un dual-boot qui permettrait de passer sur Android en quelques secondes en pressant un bouton, décrit Patrick Moorhead. Il envisage aussi une émulation logicielle d'Android dans Windows et, enfin, une solution de type virtualisation qui ferait fonctionner une instance d'Android dans une machine virtuelle, comme les utilisateurs d'OS X exploitent Windows sur leur Mac à travers Fusion de VMware ou Desktop for Mac de Parallel. Dans l'idéal, les apps pour Android s'exécuteraient en mode plein écran lorsque l'utilisateur cliquera sur une des tuiles de l'interface de Windows 8.1.

Cette idée a été moquée, Tim Bajarin ayant lui-même jugé fantaisiste le Trio d'Asus. Patrick Moorhead de son côté la trouve légitime. Il explique que, tactiquement, c'est une façon pour les OEM de différencier leurs produits et d'installer un certain nombre d'apps sur leurs terminaux. C'est l'une des principales préoccupations des OEM à l'égard de leur partenaire logiciel. Microsoft a été critiqué par les clients, les analystes et par les fabricants d'ordinateurs pour le nombre d'apps de sa boutique Metro, quand on la compare avec ce que proposent Apple et Google. Vendre des portables à écran tactile n'a pas été chose aisée pour les OEM parce que les utilisateurs ont rechigné à payer des prix élevés en constatant le choix réduit d'apps dans l'écosystème Windows. En y ajoutant des apps Android, les fabricants ne se limitent  plus au catalogue traditionnel de Windows, mais accèdent aussi à l'énorme écosystème de l'OS mobile de Google.

Quelles conséquences si les PC Plus ont du succès ?


Il faut dire que les OEM ont  vu leurs ventes se réduire comme peau de chagrin au cours des 24 derniers mois. A l'échelle mondiale, les consommateurs ont décalé leurs mises à jour et investi dans des smartphones, tablettes et modèles hybrides entre mini-tablettes et smartphones. Ils ont également vu d'un mauvais oeil l'arrivée de Microsoft comme un concurrent, eux qui dépendent de lui depuis plusieurs décennies, chaque version de Windows dopant les ventes. 

Pour Patrick Moorhead, l'arrivée des PC Plus montre que les équipementiers, face au lent démarrage de Windows 8, veulent se tourner vers des OS alternatifs même s'ils le font de façon expérimentale. Stratégiquement, ces PC Plus pourraient intéresser des millions de consommateurs qui apprécieraient d'avoir Android sur leur PC. Certain fabricants, comme Dell, HP et Lenovo, ont déjà lancé des portables sous Chrome OS, une façon de contourner Windows sur des terminaux offrant une taille d'écran supérieure à celle des tablettes. A cet égard, Android et Chrome OS semblent être les seules alternatives pour ces OEM, Linux intéressant surtout, jusqu'ici, les passionnés de technologie, tandis qu'Apple limite OS X à ses seules machines.

Il sera intéressant de voir comment Microsoft réagit à l'arrivée des PC Plus. Cela ne devrait guère le réjouir. Certes, il vendra toujours des licences de son OS. En revanche, si ces ordinateurs se répandant, cela pourrait démotiver les développeurs de créer des apps natives pour Windows.

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