Isabelle Zablit-Schmitz déléguée générale adjointe de Numeum a introduit lors d'un point presse le dernier panorama Top 250 des éditeurs de logiciels Français portant sur l'année 2023. (crédit : D.F.)
Le boom d'activité des années post-covid apparait bel et bien révolu pour l'édition logicielle en France. Selon les derniers chiffres de Numeum la croissance du chiffre d'affaires de ce secteur a été moins dynamique en 2023 par rapport à 2022 tout comme le nombre d'emplois nets créés.
Comment se porte le secteur de l'édition logicielle française ? Pour répondre à cette question, Numeum - rappelons-le fruit du rapprochement entre Syntec Numérique et Tech In France (ex Afdel) - se penche chaque année sur la question dans son panorama Top 250. Portant sur l'année 2023, le rapport fait ressortir une croissance de 7,6 % du chiffre d'affaires de l'édition logicielle française à 21,7 Md€. Une bonne nouvelle en soi, mais cette dernière recule tout de même significativement de 3 points par rapport à 2022 où elle s'élevait 10,6 %. "Globalement il y a une belle dynamique de croissance qui a été préservée cette année par les éditeurs de logiciels", défend Jean-Christophe Pernet, partner EY et responsable du Top250 des éditeurs de logiciels. "C'est une croissance qui est quand même très élevée dans un écosystème incertain et comparé aussi à d'autres secteurs d'activité."
Même tendance du côté de l'emploi : si le secteur des logiciels français a réussi à créer 4 400 emplois nets sur l'année écoulée, ce volume reste toutefois inférieur aux 6 400 emplois créés en 2022. "Ce n'est pas une catastrophe", temporise Jean-Philippe Couturier, vice-président du collège des éditeurs et plateformes de logiciels de Numeum. Il ajoute, "les éditeurs sont en recherche de profitabilité plus que de croissance. La rentabilité est une priorité". Si Numeum fait de son mieux pour voir le verre à moitié plein, le syndicat professionnel ne cherche toutefois pas à cacher la réalité : "Il ne faut pas oublier que nous avons connu des années 2020-2022 avec beaucoup d'hyper-croissance et à un moment donné nous ne pouvons pas investir tout le temps", poursuit Jean-Philippe Couturier.
Septeo fait son entrée dans le Top10
Concernant le classement des principaux éditeurs logiciels français, on retiendra l'arrivée dans le top10 de Septeo (logiciels de droit, immobilier, notariat...) qui passe de la 13e place à la 10e sur un an, tandis que Sopra Steria grimpe d'une place en se classant 5e. En tête du palmarès, on notera que Criteo a cédé sa deuxième place à Ubisoft et que Dassault Système fait toujours la course en tête.
Classement des 20 premiers éditeurs logicels français. (crédit : EY/Numeum)
Du software as a service vers les agents autonomes
Pour préserver leur niveau de profitabilité, améliorer la productivité mais aussi apporter à leurs clients des fonctions innovantes, les éditeurs de logiciels français misent également de plus en plus sur les outils d'automatisation et surtout l'intelligence artificielle générative. 40 % des éditeurs de logiciels français ont d'ailleurs intégré des fonctionnalités GenAI dans leur offre et 42 % prévoient de le faire d'ici 2 ans. "Je pense que l'on va aller beaucoup plus loin avec la GenAI mais aussi les agents qui sont en train de remodeler le modèle même des éditeurs", analyse Jean-Philippe Couturier. "Avec les agents on parle d'une migration du software as a service vers le service as a software."
Si cela s'avère être le sens de l'histoire, reste à savoir comment les éditeurs français vont embarquer ses agents dans leurs solutions et surtout les monétiser sans risquer de faire fuir leurs clients quand on sait par exemple que Salesforce facture 2$ par conversation avec Agentforce. Une perspective qui ne semble cependant pas effrayer le syndicat : "Aujourd'hui 2$ cela parait très cher mais une heure de service client c'est à peu près 10$ et la durée de résolution est plus faible. Une des modèles possibles c'est de facturer de plus en plus à la conversation et de moins en moins à la licence et cela pose un vrai défi pour les éditeurs et pour les clients." Quant à savoir quels seront les impacts sur l'emploi de la généralisation des agents autonomes au sein des call centers, la messe semble malheureusement dite. A contre-courant de nombreux éditeurs - Salesforce en tête - qui martèlent que la GenAI et les agents ne remettront pas en cause les humains dans ce type de services, Numeum n'y va pas par quatre chemins : "Dans les calls centers aujourd'hui dans les entreprises l'heure n'est pas à ajouter des ressources mais plutôt à les extraire", assure Jean-Philippe Couturier.
Le cauchemar de la fin du crédit d'impôt recherche
Dans un contexte politico-budgétaire en pleine ébullition et une hypothèse de rabotage du crédit d'impôt recherche, le syndicat ne prend pas ce risque à la légère. "Réduire le CIR c'est réduire l'innovation alors que nous sommes déjà à la peine par rapport à nos voisins américains et chinois", s'insurge Jean-Philippe Couturier. "La question que l'on devrait se poser n'est pas de réduire le CIR mais de trouver les mécanismes pour pousser plus d'innovation."
Et Isabelle Zablit-Schmitz déléguée générale adjointe de Numeum d'expliquer : "Nous avons pris depuis le début une ligne dure [sur le projet de loi de Finance] qui a été de préserver tous les dispositifs d'innovation et qu'il n'y a pas lieu de faire une concurrence entre eux. Ils ont tous leur valeur et l'ont tous prouvé". Elle ajoute avoir "appelé le gouvernement à ne pas sacrifier l'un ou l'autre des dispositifs. Cela fait mal à la fois à notre filière mais aussi à l'ensemble de l'économie. C'est complètement délétère pour l'avenir de l'économie française et européenne". Et de conclure, "les choix budgétaires nous les comprenons très bien mais sûrement pas au détriment de l'avenir de notre pays."
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