Les revenus des 292 principaux éditeurs de logiciels français a atteint 19,4 Md€ l'an dernier. Le secteur pourrait faire mieux avec davantage d'internationalisation et moins de difficultés de recrutement.
S'il elle a face à elle plusieurs défis à relever, l'industrie hexagonale du logiciel se porte bien. En témoigne la 12ème édition du « Top 250 des éditeurs de logiciels français » publiée par EY et Numeum. Bien plus qu'un classement, cette étude sectorielle montre que les acteurs recensés (292, malgré le nom du rapport) ont généré ensemble 19,4 Md€ de chiffre d'affaires logiciel en 2021, soit une hausse de 10,2% sur 12 mois. « Le constat le plus satisfaisant est que nous avons confirmé notre résilience et notre dynamisme », commente Stanislas de Rémur, le président du collège Éditeurs et Plateformes de Numeum. Une belle performance, en effet, d'autant que les revenus du secteur avaient déjà progressé de 9,1% entre 2019 et 2020. En outre, la part du SaaS dans les facturations du secteur est passée à 45%, contre 42% en 2020 et 39% en 2019. Une progression qui devrait se poursuivre, puisque 62 % des éditeurs considèrent le cloud et le SaaS comme leur priorité technologique numéro 1.
Classement des 10 premiers éditeurs français par "chiffres d'affaires logiciels" en 2021. Cliquez sur l'image pour consulter le classement complet. Source : EY/Numeum
15% de croissance hors du trio de tête
Le dynamisme du marché a été porté par l'ensemble des sociétés du panel, alors qu'il avait été fortement impacté par la contribution des trois premiers du classement (Dassault Systèmes, Ubisoft et Criteo) en 2020. Abstraction faite des résultats de ce trio de tête, le chiffre d'affaires du reste des éditeurs français s'est apprécié de 15% en 2021, soit 9 points de mieux que l'année précédente. Le marché n'en reste pas moins toujours très concentré. La trentaine d'éditeurs facturant plus de 100 M€ à l'année captent en effet 77% des revenus du panel alors qu'ils ne représentent que 9% de ses membres. En revanche, leurs homologues plus modestes peuvent se targuer de meilleures performances d'ensemble, avec des croissances à deux chiffres dans toutes leurs catégories de taille.
Croissance du chiffre d'affaires édition par niveau de chiffre d'affaires en 2021 (échantillon 289 sociétés). Source : EY/Numeum
Pour ne rien gâcher, la progression globale du chiffre d'affaires des éditeurs français s'accompagne de la réalisation d'un bénéfice opérationnel pour 79% d'entre eux au titre de l'année 2021. Dans l'ensemble, on note que plus le niveau de revenus est important plus le taux est fort. Il atteint ainsi 95% pour les éditeurs facturant plus de 100 M€ par an et de 69% pour ceux facturant moins de 5 M€. EY et Numeum pointent également le fait que 61% des start-up du panel (moins de 10 ans d'activité) ont réalisé un bénéfice d'exploitation en 2021, contre 49% en 2020. C'est le signe, selon eux, qu'elles optent de plus en plus pour une approche qui doit les amener aussi vite que possible au seuil de rentabilité. Jusqu'ici, elles faisaient surtout le choix de générer des pertes d'exploitation afin de réaliser d'importantes dépenses (R&D, marketing) visant à gagner rapidement des parts de marché.
La prédominance des éditeurs sectoriels
La force de l'industrie française du logiciel repose principalement sur les éditeurs d'applications sectorielles. 75% d'entre eux ont enregistré des croissances de facturations de plus de 5% en 2021. Dans son ensemble, cette population majoritaire parmi les éditeurs français a généré 12,2 Md$ (+12%) de chiffre d'affaires l'année passée, dont 52% proviennent des contributions de Dassault Systèmes et de Criteo. En comparaison, les éditeurs horizontaux du classement classement n'affichent « que » 4,1 Md€ de revenus cumulés. Toutefois, cette somme est en forte progression (+16%), ce qui s'explique notamment par les opérations de croissance externe réalisées l'année dernière et la précédente par Docaposte (Boxtal et Open Value) et Cegid (Talentsoft, Cedricom, ACA, Visual Time). Parmi les trois catégories d'éditeurs présents dans l'étude d'EY et de Numeum, seule celle regroupant les acteurs développant des produits grand public ou des jeux vidéo a vu son chiffre d'affaires baisser (-2%). Un recul qui doit être pondéré puisque qu'il tient à la baisse de 4 points des ventes d'Ubisoft qui compte pour 66% du chiffre d'affaires de ces éditeurs.
Les éditeurs sectoriels continuent de dominer le panel que ce soit en contribution de chiffre d'affaires ou en nombre d'éditeurs. Source : EY/Numeum
Pour croître davantage qu'ils ne le font aujourd'hui, l'un des axes sur lequel les éditeurs français doivent travailler est le renforcement de leur internationalisation. Dans l'ensemble, ils réalisent 58% de leurs revenus à l'étranger (30% en EMEA, 21% dans la zone Amériques, 7% en Asie-Pacifique) et, donc, 42% dans l'Hexagone. Ces répartitions sont stables depuis cinq ans mais aussi trompeuses. Elles sont en effet largement influencées par le poids des acteurs de plus de 100 M€ de revenus qui déclarent 65% de leurs ventes hors de l'Hexagone. En comparaison, les sociétés qui dégagent moins de 100 M€ de chiffre d'affaires dégagent seulement de 33% à 16% de leur activité à l'international, selon la fourchette de revenus dans laquelle elles se situent.
Si elle n'est pas le seul, la croissance externe est un bon moyen pour un éditeur de s'implanter à hors de son marché domestique. Sur les 56% (+6 points sur un an) d'éditeurs du panel qui comptent réaliser un rachat à l'avenir, 49% visent l'étranger pour la réalisation de ce type d'opération. En 2021, 26% des éditeurs déclarent avoir réalisé une acquisition contre 18% en 2020.
La croissance des effectifs ne suit pas celles de revenus
L'autre défi que les éditeurs français vont devoir relever pour assurer leur croissance à venir est celui du recrutement. En 2021, les éditeurs ils ont globalement fait croître leurs effectifs de 9% (+4 points) avec 13 000 nouveaux postes créés. Problème, du fait d'un nombre de candidats qualifiés insuffisants pour répondre aux besoins, l'élargissement des équipes se fait à un rythme moins rapide que la croissance de l'activité. En effet, 61 % des éditeurs de logiciels français ont enregistré une croissance de leur chiffre d'affaires édition de plus de 10 % en 2021 alors que 45 % des éditeurs de logiciels français ont enregistré une croissance de plus de 10 % de leurs effectifs. Cette croissance plus modérée s'explique notamment par les difficultés de recrutement rencontrées par les éditeurs de logiciels. Comme d'autres, Stanislas de Rémur estime que « la formation au numérique doit plus que jamais être une priorité du gouvernement [...] ».
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