Spécialisé dans le fourniture serveurs en mode OEM, Supermicro fait face à de sérieuses difficultés comptables. (crédit : Supermicro)
En difficulté sur le plan comptable, avec un retard dans la publication de ses résultats financiers 2024 et un désengagement de sa société d'audit, Supermicro souffre d'une baisse de son chiffre d'affaires malgré l'engouement des entreprises pour les serveurs taillés pour l'IA.
L'action du fournisseur de serveurs Supmicro a chuté de près de 20 %, son auditeur a démissionné la semaine dernière et il est menacé de radiation. Mais cela s'est déjà produit par le passé, et les clients d'entreprise ne seront probablement pas affectés, disent les analystes. La société, qui conçoit et fabrique des serveurs, des systèmes de stockage et d'autres infrastructures informatiques, a traversé des mois tumultueux, même si l'année s'annonçait prometteuse avec une demande frénétique pour les infrastructures compatibles avec l'IA. Les prévisions de ventes de la société ont été revues à la baisse, son auditeur a démissionné, elle n'a pas fourni de calendrier pour le dépôt officiel de son bilan financier 2024 et elle est accusée de pratiques comptables douteuses. Enfin, en raison de l'absence de rapports financiers, l'entreprise pourrait être radiée de la bourse du Nasdaq dans moins de deux semaines (ce qui marquerait sa deuxième radiation en six ans).
Tout cela continuera sans aucun doute à faire baisser le cours de l'action et à dégrader la réputation déjà fragile de l'entreprise auprès des investisseurs, mais il est peu probable que cela ait un impact sur l'opinion des clients, affirment les analystes. « Il s'agit de problèmes de rapports financiers qui préoccupent probablement beaucoup moins les clients que les investisseurs », a déclaré Kuba Stolarski, vice-président de la recherche chez IDC, spécialisé dans les tendances en matière d'infrastructures informatiques et de fournisseurs de services. « Je pense qu'il en faudrait plus que des accusations et des enquêtes sur les pratiques comptables pour détourner les clients de Supermicro. »
Une série de problèmes comptables et de rapports financiers
Cette semaine, la société a projeté un chiffre d'affaires pour le quatrième trimestre de 5,5 à 6,1 Md$, en baisse par rapport à son estimation précédente de 6 à 7 Md$, et bien en deçà des attentes des analystes qui tablaient sur 6,79 Md$. Cela a fait chuter son action d'environ 20 % mercredi, bien qu'elle ait depuis rebondi de 12 % (à la clôture du marché jeudi). Avant cela, la société n'avait pas respecté la date limite d'août pour déposer son rapport financier annuel 10-K. Bien qu'elle ait indiqué que le dépôt et la publication de son rapport annuel seraient retardés, elle n'a fourni ni date ferme ni même approximative pour la publication de l'un ou de l'autre. Cela s'ajoute à l'annonce de la semaine dernière selon laquelle l'auditeur de la société, Ernst & Young, avait démissionné, faisant chuter les actions de Supermicro de plus de 30 %. La société d'audit a déclaré avoir signalé au comité d'audit de Supermicro en juillet « des préoccupations sur plusieurs questions relatives à la gouvernance, la transparence et l'exhaustivité des communications. » EY n'avait signé en tant qu'auditeur de Supermicro que cette année, mais elle a affirmé qu'elle ne pouvait « plus » se fier aux déclarations de la direction et de son comité d'audit et qu'elle ne souhaitait plus être associée aux états financiers préparés par la direction.
En outre, Supermicro a été examiné dans un rapport d'août de Hindenburg Research, qui a trouvé « des signaux comptables évidents », ainsi que des preuves de transactions avec des parties liées non divulguées, de manquements aux sanctions américaines et au contrôle des exportations, ainsi que de problèmes avec des clients. Le rapport était le résultat d'une enquête de trois mois impliquant des entretiens avec d'anciens cadres supérieurs et des experts de l'industrie, ainsi que l'examen de dossiers judiciaires, de registres d'entreprises et de douanes internationales. Face à tout cela, le Nasdaq a donné à Supermicro jusqu'au 16 novembre pour déposer son rapport annuel 2024 et rester en conformité, sous peine de radiation. L'entreprise est déjà passée par là : elle a été temporairement retirée du Nasdaq en 2018, également pour ne pas avoir déposé ses états financiers. Lors d'une conférence téléphonique avec les analystes cette semaine, le CEO de Supermicro, Charles Liang, a déclaré que la société « travaillait avec urgence pour redevenir à jour avec nos rapports financiers. »
Les « puces espions » probablement plus graves que les problèmes comptables
Supermicro compte parmi ses clients presque tous les grands acteurs de la tech, dont le spécialiste des semi-conducteurs Nvidia, Intel, AMD, IBM et Microsoft. En juin, la société a également fait la une des journaux - stimulant ses actions - lorsque Elon Musk a déclaré que celle-ci et Dell soutenaient son projet de supercalculateur xAI. Certains ont rapporté que Nvidia détournait ses commandes vers d'autres fournisseurs, soi-disant pour se distancier de Supermicro et diversifier la chaîne d'approvisionnement. Cependant, les deux situations sont probablement sans lien, a affirmé M. Stolarski. Supermicro a bien réussi avec Nvidia - elle dispose d'une plateforme haut de gamme et de plusieurs grands clients prêts à déployer. Mais maintenant, d'autres fournisseurs rattrapent leur retard, donc il est logique que davantage de GPU Nvidia aillent à d'autres fournisseurs de serveurs. Même si cette affirmation est vraie, a déclaré l'analyste d'IDC, cela « ne signifie pas nécessairement quelque chose ». En effet, la société a récemment annoncé un outil d'infrastructure AI prêt à l'emploi pour la plateforme Omniverse de Nvidia, qui prend en charge des flux de travail 3D améliorés par l'intelligence artificielle. L'affaire des « puces espions » rapportée par BusinessWeek était probablement plus dommageable, a souligné M. Stolarski : En 2018, la publication a rapporté que de minuscules puces espions implantées par des agents chinois avaient été trouvées sur les cartes mères des serveurs de Supermicro. « Datant de plusieurs années, l'affaire des puces espions a probablement porté un coup plus dur parce qu'elle représentait une menace potentielle pour la sécurité des clients », a-t-il expliqué.
IDC a enregistré une baisse des revenus des serveurs de Supermicro en 2019 (-13 %) et en 2020 (-5 %), a-t-il noté. Cependant, depuis 2021, l'entreprise connaît une croissance significative, avec le premier semestre 2024 dépassant déjà les revenus de toute l'année dernière de 2 %. « C'est à partir de cette période, vers 2021, que nous avons vu Supermicro se réengager avec de plus grands clients et remporter de gros contrats », a déclaré M. Stolarski. Une grande partie de cela était due au fait qu'ils étaient l'un des premiers fabricants d'équipements d'origine (OEM) à proposer un serveur avec 8 GPU disponible alors que de grands clients étaient, selon lui, en pleine frénésie d'achat. La plupart des autres grands fournisseurs n'ont suivi que plus tard. « Supermicro a semblé attirer plus d'attention, notamment au début de 2023, avec son système avec 8 GPU », a-t-il pointé. « C'était peut-être la combinaison de leur engagement avec les grands fournisseurs de services cloud et de leur plateforme avec 8 GPU qui leur a donné une longueur d'avance, et à partir de là, ils ont attiré beaucoup d'attention à mesure que leur croissance des bénéfices s'est envolée. Je pense que le terrain de jeu s'est un peu nivelé depuis. » Le plus grand avantage concurrentiel de Supermicro est son approche axée sur l'ingénierie de son portefeuille de produits, a affirmé M. Stolarski. « Ils sont désormais presque toujours les premiers sur le marché avec de nouvelles solutions et des mises à jour de leurs produits », a-t-il déclaré. Le domaine des fournisseurs de services (grands et petits) a également été un élément clé de la croissance de l'entreprise. C'est « clairement là qu'ils ont bien réussi ces dernières années, alors que ces clients investissent dans l'infrastructure pour l'IA, et ont besoin de le faire rapidement », a précisé l'analyste d'IDC. « Je pense que leur capacité à pivoter et à concevoir de nouveaux systèmes et à intégrer de nouvelles technologies et solutions, comme le requiert ce segment de marché, a vraiment été l'essence de leur proposition de valeur. »
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