Qualcomm veut prendre Intel à son propre jeu

Le processeur pour serveurs Centriq 2400 de Qualcomm possède 48 coeurs.

Le processeur pour serveurs Centriq 2400 de Qualcomm possède 48 coeurs.

Fort d'une nouvelle gamme de puces pour PC et serveurs, Qualcomm peut désormais cibler tous les marchés de l'informatique, comme ce fut le cas d'Intel en son temps.

Le 7 décembre dernier fut une date historique pour Qualcomm. Ce jour-là, le fondeur américain spécialisé dans les puces pour mobiles a signé son entrée sur les marchés des serveurs en annonçant la fourniture de processeur Centriq 2400 à des clients pilotes. Quelques heures avant, Microsoft faisait savoir que les premiers PC équipés d'un processeur Snapdragon 835 de Qualcomm seront disponibles en 2017. De fait, le fabricant dispose désormais d'une offre adaptée à l'ensemble des produits informatiques. Il entend ainsi faire de l'ombre à Intel qui domine le segment des processeurs pour ordinateurs et serveurs, mais qui a abandonné certains secteurs comme celui des puces pour mobiles plus tôt cette année.

D'une certaine façon, Intel et Qualcomm suivent des directions opposées. Le second a pris de l'envergure et est aujourd'hui ce que le premier fut auparavant, à savoir une entreprise présente sur tous les marchés informatiques majeurs. Intel, de son côté, a quitté certains secteurs après avoir intensément développé son catalogue à coup de milliards de dollars et connu de cuisants échecs. Cette année, il a réduit ou cessé certaines productions comme celle des processeurs pour mobiles, dont Qualcomm est le leader, pour se focaliser sur des marchés en croissance comme ceux de l'IoT, des data centers et du machine learning.

En entrant sur le marché des PC et des serveurs, Qualcomm veut concurrencer Intel là où il est le plus fort. Cela reste toutefois plus facile à dire qu'à faire, d'autant que Qualcomm fait, de son côté, face à de nombreux défis. L'avenir dira si l'entreprise atteindra son objectif mais elle apparait en tous cas comme le premier concurrent sérieux d'Intel dans les domaines des PC, des serveurs et de l'IoT.

Régler les problématiques de compatibilité avec les applications 64 bits

Le premier essai de Qualcomm dans le monde du PC a été un raté dû à l'échec de Windows RT, une version de Windows 8 destinée aux tablettes et aux PC équipés d'un processeur ARM. En revanche, le retour du fondeur sur le marché des ordinateurs sous Windows 10 est mieux organisé. Le processeur ARM qu'est le Snapdragon 835 sera en effet capable de faire tourner des applications 32 bits répandues et conçues à la base pour fonctionner avec des processeurs X86. Reste encore à Qualcomm à régler des problèmes liés à la compatibilité avec les applications 64 bits et à la gestion des pilotes et des périphériques. La manoeuvre ne sera pas aisée car pour faire tourner des logiciels conçus pour une architecture X86, le Snapdragon 835 utilise le principe de l'émulation, ce qui limite les possibilités d'accélération matérielle.

Au cours des deux dernières décennies, seul AMD est parvenu à menacer la domination d'Intel sur le marché des PC. Cela n'aura pas duré longtemps. Désormais, AMD attaque sur le haut de gamme avec ses puissants processeurs Zen qui seront bientôt disponibles. De leur côté, les puces ARM de Qualcomm pourraient concurrencer les Celeron, les Pentium et les Core i3 d'Intel sur le marché des PC d'entrée de gamme.

Percer sur le marché des serveurs prendra du temps

Dans le domaine des serveurs, le paysage concurrentiel est différent, même si les analystes considèrent le Centriq 2400 comme le meilleur processeur ARM jamais conçu jusqu'ici. Intel domine en effet largement le secteur avec ses puces Xeon. Or, les entreprises ne passeront pas facilement d'une architecture X86 à une architecture ARM. Cela nécessiterait des modifications à grande échelle dans leurs infrastructures logicielles et matérielles. De plus, les puces ARM n'ont pas marqué le marché des serveurs de leur emprunte malgré le fait qu'elles soient disponibles depuis plus de trois ans. Qualcomm espère susciter un nouvel intérêt, grâce, notamment, aux 48 coeurs et à l'important niveau d'entrées sorties que propose le Centriq 2400.

Qualcomm a indiqué qu'il se donnera le temps d'attendre pour mieux observer le marché des serveurs. Son but est d'éviter les erreurs faites par d'autres fabricants qui ont misé sur l'architecture ARM, tels que Calxeda, qui a fermé, et AMD, qui s'est recentré sur les puces X86. D'autres promoteurs d'ARM, comme Cavium et AppliedMicro, sont actuellement en difficultés.

Le Centriq 2400 est conçu pour les grandes installations de serveurs dédiés au cloud. Si les fournisseurs de services hébergés pensent que des logiciels sur-mesure et les puces de Qualcomm leur couteront moins cher que des matériels embarquant des Xeon, alors ils pourraient opter pour les premières. La concurrence de Qualcomm pourrait également permettre aux clients d'Intel de mieux négocier avec ce dernier pour acquérir ses processeurs à des prix plus faibles.

IBM joue aussi des coudes sur les serveurs avec son Power9

Néanmoins, quelques installations de serveurs ne suffiront pas à entamer la domination d'Intel. Par ailleurs, Qualcomm va devoir aussi  lutter contre le Power9 d'IBM, qui devrait prendre une part de marché à deux chiffres d'ici 2020. S'ajoute à cela le fait que le marché pour les puces ARM a baissé avec l'arrivée d'applications telles que le machine learning, qui demandent des processeurs puissants tels que les X86. Intel dispose d'une large avance sur Qualcomm dans le domaine du machine learning avec un assortiment de processeurs tels que les Xeon Phi et les FPGA (field programmable gateways arrays).

Enfin, en ce qui concerne le marché de l'IoT, la concurrence se joue à deux niveaux. En premier lieu sur le marché de la télématique où Qualcomm domine. L'entreprise est par ailleurs en train d'investir 47 Md$ pour racheter NXP Semiconductor, une entreprise qui conçoit des circuits pour les voitures, les objets connectés et d'autres matériels à basse consommation énergétique. Sur ce plan-là, Intel travaille lui aussi à la croissance de ses parts de marché à travers de nombreuses acquisitions.

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