Le CEO de Microsoft témoin à charge au procès antitrust de Google

Satya Nadella a été appelé à témoigner lors du procès antitrust mené par le département américain de la Justice américain. (Crédit : Wikipédia)

Satya Nadella a été appelé à témoigner lors du procès antitrust mené par le département américain de la Justice américain. (Crédit : Wikipédia)

Appelé à témoigner dans le cadre du procès qui oppose Google et le département américain de la Justice, Satya Nadella n'a pas mâché ses mots. Le CEO de Microsoft pointe notamment du doigt « l'accord oligopolistique » entre Apple et Google ainsi que la domination de ce dernier sur le marché de la recherche web.

Le procès du département américain de la Justice (DOJ) contre Google a débuté le 12 septembre dernier et, depuis, les témoignages se succèdent. Pour cette troisième semaine, ce n'est autre que Satya Nadella, CEO de Microsoft, qui témoigne contre l'un de ses concurrents. Il est entendu ici en tant que dirigeant du concurrent le plus proche de Google, Bing de Microsoft étant l'une des alternatives les plus populaires à Google. Lors de son audition à la barre lundi dernier, à Washington, Satya Nadella a ainsi déclaré que l'intelligence artificielle pourrait aider Google à étendre sa domination sur le marché de la recherche web.

Pour rappel, le géant de Mountain View est accusé de bénéficier d'un monopole par le biais de contrats d'exclusivité avec des fournisseurs de terminaux et de logiciels. L'effet global de ces nombreux accords, selon la plainte du gouvernement, a été de refuser artificiellement l'accès au marché des moteurs de recherche à ses rivaux, créant ainsi un monopole effectif. Si le procès est considéré par certains comme historique aux États-Unis, il est surtout l'occasion pour les concurrents de la firme venus témoigner d'évoquer l'« impact » des pratiques de ce dernier sur leurs propres activités.

L'accord entre Apple et Google au coeur du procès Ainsi, selon Reuters, Satya Nadella a affirmé que les géants de la technologie se faisaient concurrence pour obtenir de vastes quantités de contenus nécessaires pour former l'intelligence artificielle et entraîner leurs grands modèles de langage (LLM), indiquant que cela lui rappelait « les premières phases des accords de distribution » et s'est plaint que Google verrouillait les contenus avec des accords coûteux et exclusifs avec les éditeurs. Les accords de distribution sont au coeur du procès antitrust mené par le ministère américain de la Justice contre Google.

Le gouvernement US souligne que Google, qui détient environ 90 % du marché de la recherche, verse 10 milliards de dollars par an à des fournisseurs de smartphones comme Apple et à des opérateurs de téléphonie mobile comme AT&T et d'autres pour être le moteur de recherche par défaut de leurs terminaux. Interrogé sur l'accord entre Google et Apple, Satya Nadella n'a pas mâché ses mots, le décrivant comme un « simple accord oligopolistique ». Il a également révélé que Microsoft était prêt à payer à Apple jusqu'à 15 milliards de dollars par an pour devenir son fournisseur de moteur de recherche par défaut. En outre, l'entreprise aurait été disposée à masquer l'icône Bing dans Safari. Le CEO de Microsoft estime qu'Apple a utilisé l'offre de Microsoft pour « faire monter le prix » qu'elle a reçu de Google afin que le moteur de recherche de cette dernière reste l'option par défaut.

Une influence qui fait de Google un acteur majeur du marché de la publicité L'influence de Google dans le domaine de la recherche a en effet fait de lui un acteur majeur du lucratif marché de la publicité, ce qui accroît ses bénéfices. Sans nommer la firme de Mountain View, Satya Nadelle a déclaré lors de son audition qu'il était « problématique » que d'autres entreprises concluent des accords d'exclusivité avec de grands créateurs de contenu. « Lorsque je rencontre des éditeurs, ils me disent que Google va faire ce chèque, qu'il s'agit d'une exclusivité et qu'il faut l'égaler », a-t-il déclaré. Revenant sur l'un des points de tensions - le statut de moteur de recherche par défaut - John Schmidtlein, l'avocat principal de Google, a interrogé le CEO de Microsoft à ce sujet. Il a insisté sur les cas où la firme de Redmond avait obtenu le statut de moteur de recherche par défaut sur les ordinateurs et les smartphones, mais où les utilisateurs avaient tout de même contourné Bing et continué à utiliser Google avec une large marge.

John Schmidtlein a fait valoir que Microsoft avait commis une série d'erreurs stratégiques qui ont empêché Bing de s'imposer, notamment en n'investissant pas dans des serveurs ou des ingénieurs pour améliorer les algorithmes de classement de Bing et en ne percevant pas la révolution mobile. L'avocat principal de Google a également déclaré que le succès de Microsoft à devenir l'application par défaut - sur certains mobiles Verizon en 2008, et sur BlackBerry et Nokia en 2011 - s'est soldé par le même résultat : les utilisateurs ont contourné Bing et ont effectué la grande majorité de leurs recherches sur Google. Sur les ordinateurs portables, dont la plupart utilisent des systèmes d'exploitation Microsoft, Bing est le moteur de recherche par défaut et sa part de marché est inférieure à 20 %, a reconnu Satya Nadella. Il n'a toutefois pas manqué de lancer une énième pique à Google : « Vous vous levez le matin, vous vous brossez les dents et vous faites une recherche sur Google », a-t-il ajouté en référence à la domination de Google dans le domaine de la recherche.

Google, plus qualitatif que ses concurrents ? Reuters rapporte par ailleurs que le juge Amit Mehta, qui décidera de l'affaire jugée par le tribunal fédéral du district de Columbia, a demandé à Satya Nadella pourquoi Apple passerait à Bing, compte tenu de la qualité inférieure du produit de Microsoft. Par cette question, le juge suggère que l'argument de Google, selon lequel il est dominant en raison de sa qualité et non d'une activité illégale, suscite de l'intérêt. Rappelons à toute fin utile que Satya Nadella est devenu CEO de Microsoft en 2014, bien après que le géant de la technologie ait fait l'objet d'un procès antitrust au niveau fédéral. Ce procès, qui s'est soldé par un accord en 2001, a contraint Microsoft à mettre fin à certaines pratiques commerciales et a ouvert la voie à des entreprises telles que Google.

De son côté, Google, fondé en 1998, est devenu un moteur de recherche de premier plan et les deux entreprises sont devenues des rivales acharnées. Tous deux possèdent des navigateurs, des moteurs de recherche, des services de courrier électronique et une multitude d'autres produits cloud qui se chevauchent. Plus récemment, leur chemin s'est encore croisé avec le développement de solutions dans le domaine de l'intelligence artificielle.

L'IA a relancé la rivalité entre les deux géants En février dernier, Microsoft a ainsi annoncé des investissements massifs dans OpenAI - connu pour son chatbot ChatGPT - pouvant aller jusqu'à 10 milliards de dollars, tandis que Google a préféré construire son propre chatbot Bard AI. À cette époque, M. Nadella s'était montré optimiste quant au potentiel de cette mise à jour à renforcer la concurrence pour Google. Mais lors de son témoignage aujourd'hui, il a fait remarquer que les modèles d'IA avancés tels que ceux qui alimentent le chatbot de Bing pourraient avoir l'effet inverse et consolider la position de Google sur le marché.

« Je m'inquiète beaucoup du fait que, même si je suis enthousiaste à l'idée que l'IA offre un nouvel angle d'attaque, le cercle vicieux dans lequel je suis pris pourrait devenir encore plus vicieux parce que les défauts sont renforcés », a déclaré Satya Nadella. Notons que Bing détenait une part de 3 % du marché de la recherche lorsque le chatbot a été lancé. Cette semaine, lors de son témoignage, il a ajouté que le moteur de recherche était rentable.

Des faits qui remontent à 2020 :

Le ministère américain de la Justice a intenté une action en justice en 2020 concernant la manière dont Google gère son activité de moteur de recherche web. Selon le ministère, l'entreprise Alphabet - maison-mère de l'entreprise - a eu recours à des pratiques anticoncurrentielles pour maintenir un monopole dans les segments de la recherche et de la publicité sur le web.

Au coeur de l'affaire se trouve un accord en vertu duquel Google verse à Apple une somme estimée entre 4 et 7 milliards de dollars par an. En contrepartie, la pomme fait de Google le moteur de recherche par défaut de son navigateur Safari. L'action en justice du ministère de la justice porte également sur un certain nombre d'accords similaires que l'unité Alphabet a conclu avec d'autres entreprises. Le juge Amit Mehta, qui préside l'affaire, a le pouvoir de démanteler Google ou d'ordonner à la société de modifier ses pratiques commerciales.

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