Celonis attaque SAP en justice pour abus de position dominante

Après avoir pendant des années lié étroitement son logiciel de process mining aux solutions SAP, Celonis lui reproche de contraindre ses clients à opter pour la solution Signavio. (crédit : Celonis)

Après avoir pendant des années lié étroitement son logiciel de process mining aux solutions SAP, Celonis lui reproche de contraindre ses clients à opter pour la solution Signavio. (crédit : Celonis)

Estimant que SAP favorise sa solution de process mining et empêche la concurrence de proposer leurs offres, Celonis attaque l'éditeur allemand pour abus de position dominante et pour pratiques anticoncurrentielles.

Les relations se tendent entre Celonis, éditeur de solution de process mining et SAP. En effet, il vient d'intenter une action en justice pour entrave à la concurrence ayant eu un impact négatif sur ses activités. La plainte de 61 pages a été déposée devant le tribunal du district de San Francisco ce 13 mars. Au coeur du problème, SAP est accusé de tirer parti du contrôle exercé sur son ERP pour exclure de son écosystème les concurrents dans le domaine du process mining et d'autres fournisseurs tiers. La firme de Walldorf ferait en sorte, selon Celonis, qu'il soit pratiquement impossible pour ses clients de travailler avec d'autres solutions que la sienne. Raison invoquée : le partage des données du système SAP avec des solutions tierces serait soumis à des tarifs excessifs et la façon dont les logiciels tiers sont autorisés ou non à accéder aux données des systèmes SAP serait également problématique.

Dans le cadre de la procédure, SAP est accusé d'avoir introduit des règles et des restrictions dans le but de détruire les activités de Celonis et de verrouiller les clients sur son ERP. Ces derniers sont plus ou moins piégés, car le changement de fournisseur d'ERP est généralement associé à des efforts et des dépenses importants. En fin de compte, SAP entraverait la concurrence pour avantager sa propre solution d'optimisation des processus métiers issue du rachat de Signavio. Celonis a été lancée en 2011. L'année suivante, la société basée à Munich a participé au programme start-up Focus de SAP, point de départ d'une relation commerciale à long terme entre les deux sociétés et d'une intégration entre les deux plateformes. Des investissements réduits à néant selon la plainte, alors que les clients SAP ont pu bénéficier de cette collaboration. Les choses ont changé avec le rachat de Signavio et le développement de son offre au sein de SAP, rapporte Celonis.

La plainte de Celonis examinée par SAP Après le rachat et pour éteindre les inquiétudes des partenaires, les dirigeants de SAP ont assuré à l'écosystème que la plateforme ERP resterait ouverte. Ils ont déclaré à l'époque qu'ils n'accorderaient pas de traitement préférentiel à leur propre solution par rapport aux produits tiers. Dans son action en justice, Celonis accuse le groupe allemand de ne pas avoir tenu ses promesses. Au lieu de cela, il force ses clients à utiliser Signavio, selon l'action en justice. Dans le détail, Celonis formule les allégations suivantes : 

- SAP menace ses clients de frais élevés s'ils choisissent d'utiliser un fournisseur tiers de process mining ;

- Il propose son produit d'exploration de processus de qualité inférieure Signavio à un prix extrêmement bas, voire gratuitement, au moins pour une période d'essai ;

- Il fait des déclarations fausses et trompeuses à ses clients sur les risques liés à l'utilisation de solutions non SAP telles que Celonis et sur les capacités futures de Signavio. 

Selon le plaignant, certains signes montrent que la stratégie anticoncurrentielle de SAP fonctionne, et Celonis elle-même risque des dommages irréparables si il poursuit ses pratiques. Il est donc demandé à la justice que SAP modifie son comportement sur le marché et des dommages-intérêts, dont le montant n'est toutefois pas divulgué dans le document partiellement caviardé. La firme de Walldorf a refusé de commenter l'action en justice. « Nous sommes en train d'examiner la plainte déposée », a déclaré un porte-parole de SAP. « En règle générale, nous ne commentons pas les procédures judiciaires en cours.

L'utilisation indirecte des données du système SAP en question La question de l'utilisation des données des systèmes SAP par des logiciels tiers a suscité de nombreuses controverses par le passé. La société a parfois exigé des frais élevés pour cette utilisation indirecte. Par exemple, les sociétés de boissons Diageo et Anheuser-Busch InBev ont reçu de SAP d'importantes demandes d'arriérés. Les affaires ont fini par être portées devant les tribunaux. Le litige portait sur la question de savoir comment les utilisateurs qui accèdent à SAP par l'intermédiaire d'un logiciel tiers devraient être licenciés. Les utilisateurs ont fait valoir qu'en achetant Process Integration (PI), ils avaient acquis une sorte de licence permissive pour accéder aux informations du système SAP. Après tout, ils payaient déjà une redevance pour les données auxquelles les applications tierces accèdent via PI.

SAP, pour sa part, a fait valoir que seuls les utilisateurs titulaires d'une licence en tant qu'utilisateurs nommés étaient autorisés à accéder à son logiciel. L'utilisation de PI ne libérait pas les entreprises utilisatrices de l'obligation d'octroyer des licences aux utilisateurs correspondants. En effet, aucune fonctionnalité de l'éditeur n'était reproduite à l'extérieur. Les utilisateurs accédaient à SAP via PI et devaient donc être licenciés et facturés en tant qu'utilisateurs nommés. En 2018, le fournisseur a révisé la réglementation relative à l'utilisation indirecte de ses logiciels, mettant ainsi fin à un litige qui durait depuis des années. À l'avenir, une distinction serait faite entre l'accès humain direct (human access) et l'accès numérique indirect (digital access), qui fait l'objet d'une licence et d'une facturation sur la base de transactions et de documents spécifiques. Les clients se sont apparemment montrés satisfaits. « Avec ce modèle innovant, SAP a fait un pas important pour regagner la confiance des clients, qui semblait avoir été quelque peu perdue ces derniers temps », expliquait à l'époque le groupe des utilisateurs allemands de SAP (DSAG).

D'autres fournisseurs pourraient rejoindre la plainte Il reste à voir si SAP sera en mesure de régler discrètement le différend avec Celonis. Il est également concevable que d'autres fournisseurs de logiciels au sein de l'écosystème SAP manifestent leur colère et se joignent à l'action en justice. D'autant plus que la stratégie actuelle du groupe est de plus en plus axée sur l'offre d'une suite intégrée avec une gamme de fonctionnalités la plus complète possible. Toutefois, les autorités antitrust de nombreux pays surveillent actuellement de près la manière dont les principaux fournisseurs de logiciels et de services cloud présentent leurs offres de produits et les interdépendances entre les différents composants. Microsoft et Alphabet, la société mère de Google, font l'objet d'une attention particulière. Le premier est dans le viseur de la FTC depuis novembre dernier tandis que pour le second une éventuelle scission est même à l'étude bien qu'elle ne soit pas du goût de Donald Trump.

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