La start-up Crossbar, basée dans la Silicon Valley, sera bientôt en mesure de produire des puces mémoire basées sur sa technologie dite 3D Resistive Random-Access Memory (RRAM). Le concepteur, qui a réussi à résoudre le problème de fuite d'électrons inhérent à cette mémoire non volatile, pense que les premiers produits intégrant ses puces seront commercialisés d'ici un an.
Selon la jeune pousse californienne Crossbar, son prototype de puces 3D RRAM de 1 To, dont la taille ne dépassera pas celle d'un timbre-poste, est prêt à passer en production et des produits intégrant sa mémoire non volatile apparaîtront sur le marché dès 2016, à commencer par les appareils portables. Toujours selon Crossbar, dans les 18 mois suivants, on trouvera aussi des dispositifs de stockage à haute densité basés sur la RRAM, des disques SSD notamment. La RRAM a d'emblée un avantage sur la mémoire flash NAND, dont les limites de densité ont été atteintes, c'est qu'elle est nativement plus dense que la NAND, qu'elle offre de meilleures performances et plus d'endurance. De plus, « comparativement, la mémoire 3D RRAM mise au point par Crossbar peut atteindre les 100 millions de cycles d'écriture », comme l'a affirmé Sylvain Dubois, vice-président du marketing et du développement commercial de Crossbar. Alors que les cycles d'effacement et d'écriture des meilleurs produits NAND actuels ne dépassent pas les 100 000. Du fait de sa densité plus élevée, la RRAM utilise deux fois moins de silicium que les mémoires flash NAND actuelles. Une puce RRAM a une capacité 10 fois plus élevée qu'une puce flash NAND et consomme 20 fois moins d'énergie pour stocker un bit de données. « De plus, sa latence mémoire est 100 fois plus faible que celle de la flash NAND et ses performances sont nettement supérieures », a déclaré Crossbar. Par ailleurs, parce que cette RRAM pourra être fabriquée selon les mêmes procédés que la NAND actuelle, il ne sera pas nécessaire de modifier les installations de production existantes. Cependant, avant de mettre sa technologie en production, Crossbar a dû surmonter un obstacle technologique majeur : résoudre le problème des fuites d'électrons entre les cellules de mémoire, à l'origine d'erreurs dans les données. Les fuites d'électrons sont communes à la mémoire non volatile. Même les lecteurs flash NAND SSD actuels sont confrontés à ce problème. À partir du moment où la taille des transistors descend en dessous de 20 nanomètres et que la densité de la puce augmente, les bits stockés dans les minuscules cellules s'échappent à travers les cellules adjacentes, provoquant des erreurs dans les données. Samsung, Intel, Micron et d'autres fabricants de disques SSD ont amélioré les codes de correction d'erreur de leurs appareils pour résoudre ce problème.
RRAM contre NAND 3D
Nombreux sont également les constructeurs qui se sont tournés vers la NAND 3D. En effet, celle-ci permet d'augmenter la densité par empilement des cellules sur un maximum de 32 couches. Cette solution apporte une certaine marge de manoeuvre en terme de capacités sans qu'il soit nécessaire de réduire davantage la taille des cellules. Dans le cas d'une mémoire NAND 2D, il faut recourir à des processus de gravures de 10 à 19 nanomètres pour obtenir le maximum de densité dans les cellules à mémoire flash. Pour se rendre compte de la petitesse de ces cellules, il faut imaginer qu'une mémoire flash NAND fabriquée selon un processus de gravure à 25 nm est 3000 fois plus fine qu'un cheveu humain. Un nanomètre est égal à un milliardième de mètre, et il y a 25 millions de nanomètres par pouce. La RRAM 3D de Crossbar est gravée selon un processus à 20 nm.
Alors que la Flash NAND utilise des transistors ou une charge (ce qu'on appelle Charge Trap Flash) pour piéger et stocker un bit de données dans une cellule de silicium, la RRAM utilise de minuscules filaments conducteurs qui sillonnent et relient entre elles les couches de silicium pour représenter un bit de données. Dans la RRAM, la couche métallique supérieure crée une électrode conductrice, la couche de silicium intermédiaire fait office de couche de commutation amorphe, et la couche inférieure est non métallique. Quand une tension de programmation est appliquée entre les deux électrodes, les nanoparticules de l'électrode supérieure diffusent dans la couche de commutation et créent un filament. La cellule de mémoire devient conductrice quand les filaments entrent en contact avec l'électrode inférieure. Quand une tension inverse est appliquée entre les deux électrodes, le filament est repoussé et disparaît. La cellule de mémoire devient non conductrice.
Combiner RAM et flash
Selon Crossbar, la fuite des électrons entre les cellules, inhérente à la mémoire RRAM, équivaut à « une déviation en cours de trajet ». Pour surmonter ce problème et les erreurs de données qui en découlent, la start-up californienne a trouvé une solution pour rendre les cellules adjacentes invisibles aux cellules programmées pour stocker les données, et donc éviter les changements involontaires. Celle-ci consiste à affecter une tension spécifique à chaque rangée de cellules : les cellules dont la tension se situe entre -1 et +1 volt sont ignorées, seules les cellules hors de cette plage électrique pouvant être programmées pour stocker de nouvelles données. Grâce à cette technologie appelée Field-Assisted Superlinear Threshold (FAST), Crossbar a pu supprimer l'effet de fuite.
La société a franchi une étape importante qui lui permet d'envisager l'usage de la mémoire RRAM dans des applications impliquant l'exploitation de données à haute densité. « Il y a dix-huit mois, quand nous avons dévoilé notre projet de RRAM, nous avions annoncé une nouvelle génération de mémoire capable de contenir 1 téraoctet sur une puce de la taille d'un timbre-poste », a déclaré le CEO de Crossbar, George Minassian. « Ces dernières avancées nous rapprochent un peu plus de la phase de commercialisation, et des produits basés sur la technologie RRAM feront bientôt leur apparition sur le marché. Mais, elles permettent aussi d'envisager une autre manière de concevoir le stockage d'entreprise et les applications mettant en oeuvre une mémoire non volatile de haute capacité (system-on-chip) ».
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