Apple devra payer les 14 Md$ de rattrapage fiscal imposé par l'Europe

Margrethe Vestager, Commissaire européenne à la concurrence, avec Paschal Donohoe, ministre des Finances du gouvernement irlandais, hier à Bruxelles. (Crédit : Twitter/@Paschald)

Margrethe Vestager, Commissaire européenne à la concurrence, avec Paschal Donohoe, ministre des Finances du gouvernement irlandais, hier à Bruxelles. (Crédit : Twitter/@Paschald)

Les 14 milliards de cash, sous séquestre depuis 2016, seront reversés à l'Irlande.

La grande attention suscitée ce lundi par le lancement de l'iPhone 16 d'Apple n'a pas suffi à amortir le choc du rattrapage fiscal de 14,4 Md$ décidé en 2016 par la Commission européenne (CE), et contre lequel le fabricant ne peut plus faire appel. À l'époque, les tribunaux avaient estimé que l'Irlande avait illégalement accordé à Apple une aide d'État sous la forme d'allègements fiscaux. Le constructeur s'est battu contre cette décision, qualifiée de « connerie politique totale » par le CEO Tim Cook, mais cette bataille a été finalement perdue le 10 septembre.

Le détour irlandais d'Apple

L'affaire porte sur la manière dont Apple a été taxé en Irlande entre 1991 et 2014. Pour résumer, l'Irlande a permis à la firme de Cupertino de vendre des produits dans toute l'Europe, d'enregistrer les bénéfices dans le pays du trèfle, puis de les envoyer à des sièges sociaux qui n'existaient que sur le papier, ne laissant pratiquement aucun bénéfice imposable en Irlande. Dans un communiqué, la Cour de justice a déclaré : « L'Irlande a accordé à Apple une aide illégale qu'elle est tenue de récupérer. Au cours de cette période, la Cour a décidé que la firme avait bénéficié d'une aide d'État en raison de ces arrangements fiscaux pour un montant de 14 milliards de dollars, que l'entreprise doit maintenant rembourser.

« Cette affaire n'a jamais porté sur le montant des impôts que nous payons, mais sur le gouvernement auquel nous sommes tenus de les payer. Nous payons toujours tous les impôts que nous devons, quel que soit l'endroit où nous opérons, et il n'y a jamais eu d'accord particulier », a déclaré un représentant d'Apple à ce sujet. « En raison de la méthode de répartition approuvée dans les décisions fiscales, Apple n'a payé qu'un taux effectif d'impôt sur les sociétés qui est passé de 1 % en 2003 à 0,005 % en 2014 sur les bénéfices d'Apple Sales International », a expliqué la Commission européenne lorsque l'affaire a été portée devant les tribunaux pour la première fois il y a huit ans. Il est important de noter que si Apple et l'Irlande ont accepté l'arrangement, l'Europe a soutenu que l'accord ne correspondait pas à la réalité économique et constituait une aide d'État illégale.

Un réseau complexe d'accords fiscaux

Pour comprendre cet arrangement complexe, il faut savoir que deux entités d'Apple étaient constituées en société, mais n'étaient pas imposées. Apple possédait deux entités constituées en société mais non résidentes fiscales en Irlande, à savoir Apple Sales International et Apple Operations Europe. Ces deux sociétés détenaient les droits d'utilisation de la propriété intellectuelle d'Apple pour vendre et fabriquer des produits Apple en dehors des États-Unis dans le cadre d'un accord de « partage des coûts » avec Apple Inc. L'Irlande a convenu que les deux entreprises devaient effectuer des paiements annuels à Apple pour la R&D, ce qui signifie (au sens figuré) que des cargaisons d'argent liquide sont allées aux sièges des deux entreprises, des bureaux qui n'existaient que sur le papier.

Pour mettre les choses en perspective, Apple Sales International a enregistré des bénéfices de 22 milliards de dollars en 2011, mais selon les termes du régime fiscal qui lui a été accordé en Irlande, seuls 50 M€ ont été soumis à l'impôt. Ces liquidités représentaient environ la moitié des dépenses de R&D d'Apple au cours de cette période et signifiaient que la grande majorité des bénéfices européens d'Apple n'étaient en fait pas imposés, ou, comme préfère le dire principal concerné, qu'ils étaient imposés dans la mauvaise juridiction.

3 000 dollars par Irlandais

Apple n'est pas satisfait de l'issue de l'affaire. « Nous sommes déçus de la décision rendue aujourd'hui », a déclaré l'entreprise qui estime « qu'il n'y a jamais eu d'accord spécial. Apple a dû remettre l'argent à un compte séquestre administré par un tiers indépendant en 2016. Ce compte contient aujourd'hui environ 14 milliards d'euros. Avec une population de 5,2 millions d'habitants, le magot représente l'équivalent de 2 692 euros (environ 3 000 dollars) pour chaque homme, femme et enfant d'Irlande. Selon des informations locales, le ministre irlandais des Affaires étrangères, Micheál Martin, a déclaré que l'argent ne pouvait pas être utilisé pour les dépenses quotidiennes et que son gouvernement allait maintenant réfléchir à la manière d'utiliser ces fonds dans l'intérêt du peuple irlandais. Apple n'est pas la seule grande entreprise technologique dans le collimateur. Google a également perdu son dernier appel pour contester l'amende de 2,7 milliards de dollars décidée par l'Union européenne. Cette dernière a estimé que l'entreprise avait illégalement favorisé ses propres recommandations d'achat dans ses résultats de recherche pour s'octroyer un avantage concurrentiel sur ses rivaux.

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