Si au cours de la dernière décennie, l'entreprise a eu le vent en poupe, cela pourrait changer cette année.
2025 se présente comme l'un des années les plus importantes qu'ait connues Microsoft depuis longtemps. Depuis le début 2014, date à laquelle Satya Nadella a pris la direction de l'entreprise, Microsoft a suivi une trajectoire ascendante, malgré quelques accidents de parcours. Aujourd'hui, l'éditeur est l'acteur du marché de l'IA le plus puissante de la planète et c'est la troisième entreprise la plus valorisée au monde, dépassant les 3 000 Md$. Cependant, en cette époque instable, la situation peut changer rapidement : d'abord, le marché de l'IA continue à se développer à vitesse grand V ; ensuite, le gouvernement fédéral américain a le secteur des hautes technologies en ligne de mire ; enfin, Donald Trump fait son retour à la Maison-Blanche. Voilà cinq principaux défis auxquels l'entreprise sera confrontée en 2025.
Microsoft et OpenAI, nouveaux ennemis
Il n'y a pas si longtemps, la bromance entre Microsoft et OpenAI était l'une des plus emblématiques du secteur technologique. Microsoft a investi 13 Md$ dans OpenAI, faisant monter en flèche l'influence et la valeur du second. En s'appuyant sur la technologie d'IA générative d'OpenAI, la firme de Redmond Microsoft s'est hissée au sommet de ce nouveau marché. Mais l'an dernier, la relation entre les deux entreprises s'est détériorée jusqu'à devenir hostile. Alors qu'OpenAI courtisait ouvertement les principaux clients de Microsoft, cette dernière a jeté les bases du développement de sa propre technologie d'intelligence artificielle. M. Nadella a dénigré OpenAI en déclarant que « si OpenAI disparaissait demain... Microsoft en possédait tous les droits de propriété intellectuelle et toutes les capacités... y compris le personnel, les capacités de calcul, les données. » Bref, absolument tout. Ajoutant même : « Nous sommes en dessous d'eux, au-dessus d'eux, autour d'eux. »
Il ne faudra donc pas s'étonner si les deux entreprises se livrent à une guerre ouverte cette année. OpenAI va abandonner le statut de société à but non lucratif pour devenir une société à but lucratif, ce qui pourrait modifier les termes de son contrat avec Microsoft et lui permettre de conclure plus facilement des partenariats avec d'autres entreprises. De plus, les termes de l'accord Microsoft-OpenAI stipulent que, à partir du moment où ChatGPT d'OpenAI atteindra le stade d'intelligence artificielle générale (AGI) et qu'elle pourra raisonner seule, Microsoft perdra sa participation dans l'entreprise. Sam Altman, le CEO d'OpenAI, ne cesse de dire que cela ne saurait tarder. Entre-temps, Microsoft a travaillé à la mise au point d'une technologie d'IA qui pourrait remplacer celle d'OpenAI et servir de base à Copilot et à d'autres produits d'IA. Autant dire qu'il y a là tous les ingrédients d'une guerre.
Au moins un procès antitrust de la part du gouvernement américain
Il y a plusieurs dizaines d'années, Microsoft était le mauvais élève des grandes entreprises technologiques, écrasant ses concurrents par des actions douteuses qui lui attiraient les foudres du gouvernement fédéral américain, avec un procès antitrust qui l'a fait sortir du peloton de tête des entreprises technologiques, lui a fait perdre une décennie jusqu'à devenir un outsider. Après l'arrivée de Satya Nadella, Microsoft est devenu le chouchou de la Big Tech, évitant largement les poursuites fédérales, tandis qu'Amazon, Meta, Google et Apple faisaient l'objet d'actions antitrust qui menaçaient le fondement de leurs activités. Ce ne sera probablement plus la même chose en 2025. La Federal Trade Commission (FTC) a lancé une vaste enquête sur des pratiques de Microsoft qu'elle estime anticoncurrentielles. L'agence s'intéresse aux fondements de l'entreprise et de ses pratiques commerciales : l'IA, le cloud, sa suite de productivité et Teams. La plainte pourrait également mettre en péril les contrats de plusieurs milliards de dollars conclus par Microsoft avec le gouvernement américain, car la FTC a commencé à s'intéresser à ses mauvaises pratiques en matière de sécurité. Reste à voir si l'administration Trump poursuivra l'enquête et finira par engager des poursuites contre Microsoft. J'aurais tendance à penser que ce sera le cas. Elon Musk, l'un des principaux conseillers de Donald Trump, est désormais en concurrence avec Microsoft avec son entreprise d'IA xAI, et il utilisera très certainement son accès au sommet de l'administration pour faire pression pour maintenir les poursuites judiciaires. Celui-ci poursuit déjà Microsoft et OpenAI pour avoir tenté d'utiliser leur position dominante pour obtenir un monopole sur l'IA.
La propriété intellectuelle au coeur de batailles plus intenses
Microsoft et d'autres entreprises de genAI sont confrontées à un problème encore plus important que les poursuites antitrust : le manque de contenu sur lequel former des outils de genAI comme Copilot et ChatGPT. Leur amélioration nécessite d'énormes quantités de propriété intellectuelle. Jusqu'à présent, les entreprises se sont contentées de récupérer tout ce qu'elles pouvaient trouver, majoritairement sans payer, en prétendant qu'elles pouvaient utiliser le matériel en vertu du principe de l'usage équitable. Cela a donné lieu à de nombreuses actions en justice contre Microsoft et d'autres entreprises spécialisées dans l'IA pour vol de propriété intellectuelle. Dans l'une des plus importantes, le New York Times a réclamé des « milliards de dollars de dommages et intérêts statutaires et réels » en raison de ce que le quotidien new-yorkais appelle « la copie et l'utilisation illégales des oeuvres d'une valeur unique, propriétés du journal ». Microsoft et d'autres entreprises spécialisées dans l'IA ont commencé à conclure des accords avec des éditeurs pour payer le contenu nécessaire à l'entraînement de leurs modèles d'IA. En novembre, Microsoft a conclu un accord avec l'éditeur HarperCollins afin d'utiliser un grand nombre de livres de l'entreprise, en dehors des fictions, pour entraîner un nouveau produit de genAI. Ce premier accord pourrait bien être suivi cette année par de nouveaux accords du même genre entre Microsoft et d'autres entreprises.
Maintenir Donald Trump à distance
Depuis l'élection de Donald J. Trump, un certain nombre de dirigeants et d'entreprises du secteur des grandes technologies ont adopté une attitude MAGA à part entière. Mark Zuckerberg, de Meta, a fait un don d'un million de dollars pour l'investiture du président Trump, mis fin au fact-checking sur les plateformes Meta, renoncé à contrôler les discours haineux, interrompu les efforts menés par l'entreprise en faveur de la diversité, supprimé les thèmes transgenres et non binaires de ses applications et même retiré les tampons des toilettes pour hommes, qu'elle avait mis à la disposition de ses employés non binaires et transgenres. Il n'est pas le seul. Des dirigeants de Google, d'Amazon, d'Apple et d'autres entreprises se sont également inclinés devant M. Trump. Microsoft a été la seule à résister jusqu'au début du mois de janvier, pour finalement donner un million de dollars pour l'investiture de M. Trump. À part ça, l'entreprise n'a pas réduit ses efforts en matière de diversité et n'a pas modifié sa culture d'une manière ou d'une autre pour l'aligner sur la façon de penser de M. Trump. Et M. Nadella n'a pas rendu visite à Donald Trump à Mar-a-Lago, comme l'ont fait tant d'autres dirigeants de la tech. Désormais, la grande question est de savoir si M. Nadella va continuer à tenir M. Trump à l'écart et s'il ne va pas essayer de rendre la culture de l'entreprise plus conforme à ce que le nouveau président aimerait y voir ? À mon avis, M. Nadella va maintenir le cap. Mais nous verrons bien.
Enfin, des résultats sur les vrais revenus de l'IA... ou pas
La dernière question, la plus importante, qui se pose peut-être pour la santé financière de l'entreprise, est de savoir si Microsoft pourra attirer suffisamment de clients pour rentabiliser ses ambitions en matière de genAI. Finie l'époque du battage médiatique où le potentiel attendu était plus important que les revenus. En 2025, le ROI va rencontrer la réalité. Et c'est particulièrement important parce que les investissements qu'il faudra faire dans la genAI sont bien plus élevés que dans n'importe quelle autre technologie avant elle. Microsoft peut dépenser tous les milliards qu'il veut pour l'infrastructure, l'électricité, les centres de données, la formation et le développement. Mais si les entreprises et les particuliers ne trouvent pas l'IA utile et ne dépensent pas d'argent pour l'utiliser, cela ne servira à rien.
Microsoft affirme avoir beaucoup de clients, en évitant de donner trop de détails à ce sujet. Par exemple, on ne sait pas combien de personnes paient pour utiliser Copilot chaque mois et ce que cela représente en revenus pour l'entreprise. À la place, Microsoft publie des statistiques un peu douteuses disant que « plus de 85 % des entreprises du classement Fortune 500 utilisent Microsoft AI » ou que « près de 70 % des entreprises du classement Fortune 500 utilisent Microsoft 365 Copilot ». Il est fort probable que ces chiffres soient basés sur les cas d'entreprises qui lancent de petits programmes pilotes pour tester l'utilité de l'IA. Les programmes pilotes ne génèrent pas beaucoup de revenus : seuls les déploiements complets le font. Nous saurons en 2025 si l'IA commence à porter ses fruits quand Microsoft communiquera de véritables chiffres de revenus ou dira précisément combien de personnes payent activement des abonnements à l'IA. En attendant, il faut considérer ces chiffres comme de la poudre aux yeux.
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