(18/07/03) - Ce qui est certain, c'est que le temps des early adopters est derrière nous. On commence à voir des projets plus " classiques " : nous venons de conclure avec une charcuterie industrielle un accord " tout-IP " qui porte sur quelques centaines de postes. » François Langlois, Dg de l'intégrateur Axians, est formel : le temps des précurseurs est révolu. On peut commencer à parler à présent d'un véritable marché de la téléphonie sur IP. Son entreprise a d'ailleurs déjà à son actif quelques succès en la matière. « Depuis l'automne 2002, de plus en plus de sociétés qui ont testé l'IP sur quelques postes l'étendent progressivement. Je pense notamment à une entreprise qui a basculé son système vers un Alcatel 4004, un PABX traditionnel certes mais qui sait gérer des fonctions IP une fois que des extensions adéquates sont installées. Sur deux mille postes téléphoniques, elle a pris six cents terminaux IP. » Des renouvellements pour des milliers de postes Un discours presque à l'unisson de celui des équipementiers qui ont placé la téléphonie sur IP au centre de leur stratégie de développement et annoncent, pour les mois à venir, un grand mouvement de remplacement des PABX par des systèmes IP. « 15 à 20 % des PABX installés sont changés tous les ans, note Gilles Cordesse, responsable chez Avaya de l'offre de téléphonie sur IP pour la région EMEA. Aux États-Unix, 10 % de ces renouvellements sont déjà réalisés en IP. En France, nous assistons à un phénomène similaire. Il y a encore deux ans, nous avions quelques références pour des agences ou des nouveaux bâtiments. Aujourd'hui, nous répondons à des appels d'offres concernant des milliers de postes. » Principal argument avancé en faveur de la téléphonie sur IP, les réductions de coûts d'exploitation et de maintenance qu'elle permet. « Les communications transitent par les mêmes lignes que le réseau, souvent des lignes spécialisées, et sont donc facturées sous forme d'abonnement. En outre, il n'y a qu'un système à installer et à maintenir, au lieu de deux (PABX et réseau), voire plus pour les entreprises multisites », détaille un intégrateur réseau. « Mais les équipements restent encore très chers », poursuit-il. Un constat que partagent la plupart des intégrateurs réseaux et installateurs téléphoniques que nous avons interrogés : on estime le surcoût par rapport à la téléphonie traditionnelle à 30 % au minimum. Lesquels installateurs et intégrateurs se montrent, du coup, nettement plus réservés que les fabricants sur la vitesse à laquelle se développera le marché. Y compris François Langlois, qui, malgré les références qu'il peut avancer, refuse de se montrer prématurément enthousiaste. Surtout qu'aux investissements dans les équipements viennent souvent s'ajouter ceux nécessaires à la mise à niveau du réseau de l'entreprise, dont, bien sûr, celui de la bande passante. En effet, la téléphonie sur IP ne souffre pas d'une qualité et d'une continuité de services médiocres. « Quand le serveur s'arrête quelques instants, on peut continuer à travailler. Si c'est le téléphone qui cesse de fonctionner, l'entreprise est paralysée », commente François Langlois. « Difficile de convaincre le responsable d'une entreprise de changer son PABX qui fonctionne bien et dont le taux de fiabilité est proche des 100 % pour une technologie jeune, donc moins connue, et beaucoup plus chère de surcroît », ajoute le responsable d'un grossiste réseaux. Justifier l'investissement Et le prix n'est pas le seul frein à débloquer. « Il y a un vrai problème sur les usages », relèvent plusieurs distributeurs. Selon eux, en effet, hormis les économies déjà évoquées, la messagerie unifiée est pour l'heure la seule fonctionnalité notable, et utilisable comme argument commercial, qu'apporte la téléphonie sur IP. Plusieurs d'entre eux ont certes assisté à des démonstrations organisées par les fabricants mais elles ne les ont qu'à moitié convaincus. « Par exemple, dans un hôtel, un dépanneur se sert du téléphone pour enregistrer dans le système central les réparations qu'il a effectuées sur le téléviseur d'une chambre, relate l'un d'entre eux. Je ne vois pas comment justifier le niveau d'investissements nécessaire pour une utilisation aussi limitée. La première question que nous posent nos clients est celle du retour sur investissements... » Ce que confirme Jean-Robert Pozo, Dg de Silicomp Réseau : « J'ai des clients qui me demandent de monter des maquettes. Ensuite, lorsque je les interroge sur ce qu'ils comptent faire, ils me répondent très souvent qu'ils font une étude de retour sur investissements. » Pragmatique, Jean-Robert Pozo ajoute toutefois : « Cela étant, je ne sais pas quand le marché va exploser. Mais ce que je sais, c'est qu'il le fera un jour. En attendant on se prépare ». Un état d'esprit que partagent beaucoup de ses confrères. Même les plus sceptiques d'entre eux reconnaissent qu'ils ont entamé les démarches de formation pour être prêts le jour du grand décollage. Car, et de cela ils sont certains, les affaires de demain ne se feront pas sans téléphonie sur IP.
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