Orlando Appell, directeur des opérations de SAP France : « que vous consommiez S/4 Hana on-premise ou via un service cloud de l’éditeur, on parle bel et bien d’une ligne de code unique ». (Photo : D.R.)
Face aux dernières annonces de l'éditeur, les utilisateurs SAP s'étaient montrés surpris et inquiets. La société allemande s'efforce d'aplanir les tensions. Et réfute toute volonté de pousser ses utilisateurs à migrer vers ses offres cloud, comme Rise with SAP.
En début d'année, le club des utilisateurs SAP francophones (USF) avait réagi assez vertement à la communication de l'éditeur allemand, qui venait d'annoncer une vague de 8000 suppressions de postes et une accélération de ses investissements dans l'IA. Pointant le décalage croissant entre la stratégie de l'éditeur et la réalité d'une base installée qui se débat avec la migration vers S/4 Hana, la nouvelle génération de progiciels de la firme de Walldorf. Si ce n'est que, depuis quelques mois, la communication de cette dernière laisse penser que la nouvelle cible n'est plus seulement S/4, mais ses déclinaisons managées sur le cloud SAP (en jargon de l'éditeur, Rise with SAP et Grow with SAP).
« C'est avant tout un ressenti », assure Orlando Appell, le directeur des opérations de SAP France. Et ce dernier d'indiquer que le cheval de bataille principal de l'éditeur reste S/4 Hana. « Que vous le consommiez on-premise ou via un service cloud de l'éditeur, on parle bel et bien d'une ligne de code unique », reprend le dirigeant, qui rappelle que l'éditeur s'est engagé à supporter toutes les déclinaisons de cette génération de progiciels jusqu'en 2040. Et de préciser toutefois que ce choix du on-premise, du cloud privé ou du cloud public détermine l'accès à l'innovation, celui-ci étant calé sur un rythme de 6 mois pour les offres sur le cloud de l'éditeur et s'alignant avec la fréquence des mises à jour des environnements SAP sur les déclinaisons on-premise. « Soit, au mieux, tous les deux ans », dit le directeur des opérations.
Autre subtilité, cet accès à l'innovation varie également en fonction des différentes déclinaisons cloud offertes par l'éditeur : les mises à jour sont automatiques sur la version multitenant (Grow), où les clients ont par ailleurs des limitations sur le nombre de transactions possibles pour assurer la cohabitation des différentes entreprises sur le même environnement technique, alors qu'elles restent à la main de chaque DSI dans l'offre Rise, où chaque entreprise bénéficie de son environnement cloud dédié.
Green Ledger et LLM, le scénario de l'hybridation
Si ces décisions donnent naissance à un écosystème complexe, elles autorisent des scénarios d'hybridation, fait valoir l'éditeur. « Par exemple, en utilisant le cloud public pour couvrir de petites filiales tout en conservant un backbone on-premise », dit Orlando Appell. Pour les entreprises, la promesse d'une intégration plus aisée entre les systèmes déployés dans les différentes activités et l'ERP coeur. Pour SAP, la perspective de remplacer certains concurrents qui se sont fait une spécialité d'équiper les filiales de grands groupes (à des coûts souvent inférieurs).
Cette hybridation permet aussi d'envisager des scénarios d'enrichissement fonctionnel de S/4 on-premise avec des modules cloud. C'est en tout cas le scénario que dessine SAP avec Green Ledger : contrairement à ce qu'avait pu laisser penser la communication de l'éditeur, cette fonction de suivi des émissions carbone ne sera pas réservée aux seuls clients des offres cloud, mais uniquement accessible sur le cloud. Nuance. « Nous avons fait le choix de placer le Green Ledger dans le cloud notamment en raison des évolutions très dynamiques de la nomenclature sur le sujet. Mais, dans ce cas, Rise ne sert que de fédérateur de données et peut s'interfacer avec différents systèmes on-premise », reprend Orlando Appell, qui assure que ce Green Ledger capable de s'interconnecter à de multiples systèmes sera disponible au second trimestre 2024.
La réflexion sur l'hybridation s'étend aussi à l'IA générative. Une technologie là encore plus adaptée à un modèle d'exploitation cloud et à des mises à jour fréquentes qu'un modèle on-premise. « Nous sommes en train d'étudier les possibilités d'hybridation, même si rien n'a été annoncé à ce stade », dit Orlando Appell. Car, avec les LLM, le modèle soulève des difficultés techniques : « la valeur ajoutée de nos solutions d'IA va résider dans leur capacité à manipuler les métadonnées de l'ERP. Déployer cette technologie sur des progiciels on-premise fait donc peser un risque d'effondrement des performances de ces systèmes, qui vont être très sollicités », remarque le dirigeant.
Cloud de confiance : tout pour EUCS
Enfin, la grogne de certains utilisateurs français s'étend à l'absence d'offre cloud SAP reposant sur des infrastructures SecNumCloud, le label de l'Anssi. Un choix assumé par Orlando Appell, qui indique que SAP entend tout miser sur la norme européenne EUCS (European Union Cybersecurity Certification Scheme for Cloud Services), « pour des questions d'économies d'échelle ». Comme l'indique sans détour son directeur des opérations, SAP France ne prévoit pas de partenariat avec des acteurs locaux. Pour structurer sa future offre répondant à EUCS, SAP a créé récemment une structure dédiée, Sovereign Cloud Services, et espère être en mesure d'annoncer sa stratégie vers la mi-2025 pour une disponibilité des offres prévue en 2026.
Signalons que plusieurs voix se sont élevées en France pour dénoncer l'affaiblissement d'EUCS au fil des discussions au sein de l'UE. Les exigences de souveraineté, alignées sur le label SecNumCloud hexagonal et défendues par la France, ont ainsi disparu des dernières versions d'EUCS. En décembre dernier, une douzaine de pays, dont l'Allemagne, se sont opposés à la dernière mouture du projet de norme, dénonçant des exigences susceptibles de nuire aux partenariats stratégiques de l'Europe avec des pays comme les États-Unis ou le Japon. Les discussions sur les contours définitifs d'EUCS restent ouvertes, sans qu'on sache quand ce débat, ouvert en 2020, sera clos.
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