Retour sur les disparus IT de 2022

Masayuki Uemura, Lorinda Cherry, Mary Coombs, Sargur Srihari, Steve Wilhite, John Roach, Tadao Takahashi, David Walden, Ken Knowlton, B.K Syngal, Peter Eckersley, Kathleen Booth, Margot Comstock et Frederick Brooks Jr nous ont quitté cette année. (crédit : Google)

Masayuki Uemura, Lorinda Cherry, Mary Coombs, Sargur Srihari, Steve Wilhite, John Roach, Tadao Takahashi, David Walden, Ken Knowlton, B.K Syngal, Peter Eckersley, Kathleen Booth, Margot Comstock et Frederick Brooks Jr nous ont quitté cette année. (crédit : Google)

Alors qu'une nouvelle année commence, rendons hommage à douze figures de l'IT qui ont marqué le monde par leurs inventions et que nous avons perdues au cours des douze derniers mois.

Certains informaticiens ont des projets modestes qu'ils ne pensent pas voir aboutir, d'autres ont pour ambition de changer le monde. Que leurs travaux soient une diversion, un moyen de parvenir à une fin ou un but en soi, ces personnes ont façonné et remodelé notre monde. Vous connaissez peut-être leurs marques et leurs produits, de Nintendo à Tandy au langage de programmation en passant par le GIF, aujourd'hui, nous partageons les noms et les histoires de ces génies. 

Masayuki Uemura (20 juin 1943 - 6 décembre 2021), créateur de la 1e console Nintendo

Responsable de la R&D chez Nitendo, Masayuki Uemura a développé la première console de jeux afin de se divertir directement dans son salon. Il a par la suite conçu différents jeu-vidéos et console. (crédit : Sayem Ahmed / Nintendo Life)

Masayuki Uemura travaillait chez Sharp Corporation lorsqu'il a été recruté par l'un de ses clients, Nintendo, pour créer des jeux de tir électronique. Bien que ces derniers aient connu un certain succès, c'est lorsqu'il a trouvé un moyen de ramener le divertissement vidéo à la maison qu'il a fait de Nintendo un nom connu de tous.

À la tête de la division R&D de l'entreprise, axée sur le hardware, M. Uemura a été chargé de concevoir un dispositif permettant de jouer à des jeux d'arcade à la maison. Il en est ressorti une console baptisée Family Computer, mais plus connue sous le nom de Famicom. Malheureusement, confronté à des contraintes budgétaires, M. Uemura ne put concrétiser toutes ses idées, à l'image des manettes sans fil avec plus de deux boutons. Néanmoins, la console a connu le succès à sa sortie en 1983 au Japon, avec des ventes atteignant 2,5 millions d'unités à la fin de 1984.

Pourtant, lorsqu'une version redessinée de la Famicom a été introduite aux États-Unis sous le nom de Nintendo Entertainment System en 1985, les risques étaient élevés. Atari s'était effondré sur le marché américain des jeux vidéo en 1983, laissant les détaillants carbonisés et les jeux vidéo perçus comme une mode passée. Mais, soutenue par le gameplay de jeux comme Super Mario Bros, la console de Masayuki Uemura a conquis le pays, relançant presque à elle seule toute une industrie.

M. Uemura a ensuite conçu la Super Nintendo Entertainment System 16 bits, puis a été chargé de la conception de nombreux jeux Nintendo, dont Super Mario Bros Deluxe et Kirby Tilt 'n'Tumble. Après une carrière de 33 ans chez Nintendo, il est devenu professeur à l'université Ritsumeikan. L'impact de son passage chez Nintendo ne lui a, par ailleurs, pas échappé comme il l'a confié à Nintendo Life : « Je suis fier d'avoir été chargé de la naissance et du développement d'une console de jeux ». Masayuki Uemura est décédé à l'âge de 78 ans.

Lorinda Cherry (18 novembre 1944 - 1er février 2022), à l'origine des calculatrices dc et bc 

Programmeuse spécialisée dans l'analyse de texte, Lorinda Cherry est notamment à l'origine d'un logicile de transcription des équations mathématiques et des premiers algorithmes qui identifiaient les mots mal orthographiés. (crédit : National Center for Women & Information Technology)

Lorinda Cherry a commencé à travaillé en 1996 aux Bell Labs (plus tard connus sous le nom d'AT&T Bell Laboratories, puis aujourd'hui de Nokia Bell Labs) en tant qu'assistante technique - un statut typique pour les femmes à cette époque. Après avoir collaboré avec Ken Knowlton pour développer Beflix, un langage d'animation informatique, elle rejoint le laboratoire où le développement d'Unix a commencé en 1969 et y conçoit de nombreux programmes pour le système d'exploitation.

Développeuse des calculatrices dc et bc, encore utilisées aujourd'hui, Lorinda Cherry a collaboré avec Brian Kernighan sur eqn, un programme de transcription des équations mathématiques qui a ensuite influencé la conception de TeX, un système de transcription utilisé dans de nombreux milieux universitaires. L'un des premiers correcteurs orthographiques, Typo, a été basé sur les algorithmes permettant d'identifier les mots mal orthographiés élaborés par Mme Cherry. Enfin, cette dernière a contribué à la création de nombreux autres outils d'écriture dans la suite logicielle Writer's Workbench (wwb), dont elle a fait la démonstration dans l'émission The Today Show de NBC en 1981.

« Lorinda n'était pas taillée dans le même moule que la plupart de ses collègues », a écrit Doug McIlroy, ancien chercheur aux Bell Labs. « Elle était toujours déterminée, mais jamais arriviste. Cette détermination transparaît dans son succès dans l'analyse de texte, qui exige beaucoup de cran - il n'y a pas de raccourcis théoriques dans ce domaine. » Cherry a été honorée par le National Center for Women & Information Technology en 2018. Elle avait 77 ans lorsqu'elle est décédée début février 2022.

Mary Coombs (4 février 1929 - 28 février 2022), première femme codeuse de logiciels métiers 

En étant recrutée pour travailler sur le PC Lyons Electronic Office, Mary Coombs est devenue la première femme codeuse de logiciels métiers de l'histoire. (Crédit : Anita Corbin for Putney High School GDST)

Bien que le service de vente de glaces de la société britannique de restauration et d'hôtellerie Lyons and Co ne soit pas l'endroit où Mary Coombs espérait commencer sa carrière en 1952, il s'est avéré que c'était le bon endroit et le bon moment pour une personne ayant son sens des mathématiques. Grâce à des dirigeants tournés vers l'avenir, Lyons disposait d'un PC spécialement conçu pour eux : le Lyons Electronic Office, ou LEO. Ce n'était que le troisième terminal du pays et le premier à être utilisé pour des usages métiers.

Mary Coombs postule et est acceptée pour travailler sur LEO, faisant d'elle la première femme codeuse de logiciels métiers de l'histoire. Elle a développé un logiciel capable de calculer les salaires des 10 000 employés de Lyons, travaillé ensuite comme comme programmatrice et superviseur pour les machines LEO II et LEO III. Selon Georgina Ferry, auteur de A Computer Called Leo, « les personnes qui ont travaillé sur l'ordinateur LEO ont réussi quelque chose d'absolument remarquable : penser et voir comment une machine pouvait s'intégrer dans une entreprise et faire toutes ces choses que nous considérons aujourd'hui comme allant de soi. »

« Nous étions des pionniers dans cette industrie », a déclaré Mary Coombs. « Je doute que l'un d'entre nous ait anticipé jusqu'où les ordinateurs iraient. Et nous aurions peut-être pu aller plus loin si nous étions impliqués dans une société autre qu'une entreprise de restauration. » Mme Coombs est décédé à l'âge de 93 ans.

Sargur Srihari (7 mai 1949 - 8 mars 2022), inventeur du logiciel d'automatisation du tri du courrier

Le logiciel pour l'automatisation du tri du courrier de l'USPS (service postal des États-Unis), implémenté en 1995, est toujours utilisé de nos jours. (Crédit : University at Buffalo)

Après des études à l'Université de Bangalore (National College) couronnées par un B.S.c en 1967, puis un B.E. en génie des communications électriques à l'Institut indien des sciences, toujours à Bangalore en 1970, et un doctorat en informatique et en sciences de l'information à l'Université d'État Columbus dans l'Ohio en 1976, Sargur "Hari" Srihari a rejoint la section d'ingénierie et des sciences appliquées de l'université d'État de New York en 1978. En 1991, après des années passées à enseigner des sujets tels que le machine learning, il a été nommé directeur fondateur du Centre d'excellence pour l'analyse et la reconnaissance des documents (Cedar). Fruit d'une collaboration entre l'université de Buffalo et le service postal des États-Unis, le Cedar était chargé de développer des logiciels pour l'automatisation du tri du courrier.

Les heuristiques et les algorithmes développés par Sargur Srihari au Cedar ont été implémentés avec succès en 1997. Aujourd'hui, son logiciel est responsable du tri automatique de 95 % du courrier de l'USPS, avec des variantes utilisées en Australie et au Royaume-Uni. M. Srihari a poursuivi l'analyse de l'écriture manuscrite dans d'autres domaines au point qu'en 2002, ses recherches ont influé sur les procès et la justice pénale.

Les travaux de M. Srihari dans le domaine de l'automatisation lui ont valu le prix 2011 Outstanding Achievements Award de l'International Association for Pattern Recognition. Et en 1997, il a reçu le titre de SUNY Distinguished Professor à l'université de Buffalo. « Hari chérissait son rôle de chercheur, de professeur et de scientifique, et il manquera profondément à son département, à notre école et à notre université » , a déclaré Kemper Lewis, doyen de la School of Engineering and Applied Sciences. Des suites de complications liées à un glioblastome (cancer du cerveau), Sargur Srihari est décédé à l'âge de 72 ans. 

Steve Wilhite (3 mars 1948 - 14 mars 2022), père du GIF 

Steve Wilhite développa ces images animées, dits GIF,  dès 1987. (crédit : chaine youtube The Webby Awards DR)

Alexander "Sandy" Trevor, inventeur des forums de discussion de CompuServe, voulait un format de fichier qui réponde aux besoins du service en ligne en matière de graphiques légers et nets. Il a demandé à un de ses développeurs internes, Steve Wilhite, de trouver une solution. En 1987, M Wilhite a présenté le Graphics Interchange Format, ou GIF. Une version actualisée prenant en charge les animations a été introduite en 1989, et Netscape Navigator 2.0 l'a intégrée en 1995. Le web n'a depuis jamais plus été le même : des décennies plus tard, les GIF animés sont omniprésents non seulement sur Twitter, Tumblr et autres réseaux sociaux, mais aussi dans la documentation en ligne, les illustrations de produits et les démonstrations d'interface utilisateur.

Steve Wilhite a ensuite participé à l'élaboration du protocole de transfert de fichiers "B" de CompuServe, ainsi que de l'interface micro-hôte. Mais c'est pour le GIF qu'on se souvient le mieux de lui, avec ses nombreux mèmes et débats sur la prononciation. En 2013, récompensé par un Webby Lifetime Achievement Award, il profite de son discours pour réaffirmer que le GIF se prononce "JIF". Le covid l'a emporté à l'âge de 74 ans.

John Roach (22 novembre 1938 - 20 mars 2022), chef du projet PC TRS-80 chez Tandy 

Nommé vice-président de la fabrication chez Tandy Electronics en 1977, John Roach donna son aval pour que l'entreprise se lance dans la conception de PC à destination du grand public. (crédit : chaine Youtube Horatio Alger Association DR)

En 1967, deux ans après avoir obtenu son MBA à la Texas Christian University, John Roach rejoint la Tandy Corporation en tant que responsable du traitement des données au sein de la division computer services.

Dix ans plus tard et désormais vice-président de la fabrication, il supervise l'incursion de Tandy sur le marché des PC. Lorsqu'un employé de Tandy, lui propose de développer un micro-ordinateur, l'idée l'intrigue. A cette époque, John Roach pressentait le potentiel que représentaient les PC : ils coûteraient plus cher que le produit typique vendu dans les magasins Radio Shack de Tandy, mais devraient compenser le déclin des ventes de radios CB. Résultat, M. Roach donna son feu vert au projet de fabrication. Le TRS-80, un terminal équipé d'une puce Zilog Z80, est commercialisé dès 1977 au prix de 600 $, soit moitié moins cher que l'Apple II (1 298 $). 


Alors que Tandy s'attendait à ne vendre que 3 000 PC par an, l'entreprise en a écoulé 55 000 unités au cours de la seule première année. (Crédit Wikipedia/Flominator)

John Roach a par la suite été vice-président exécutif de Tandy en 1978, directeur de l'exploitation en 1980 et président-directeur général de 1983 à 1999, date à laquelle il a pris sa retraite. Il a également fait partie de l'éphémère Task Force on Private Sector Initiatives du président Reagan et a été président du conseil d'administration de son alma mater TCU. Les nombreux accomplissements de M. Roach lui ont valu d'être reconnu par le Financial World comme le chef de la direction de la décennie dans le domaine de la distribution spécialisée en 1982. Il est décédé à l'âge de 83 ans.

Tadao Takahashi (16 décembre 1950 - 6 avril 2022), a connecté le Brésil à Internet

Faire accéder les masses à Internet peut nécessiter un effort conséquent. Au Brésil, cet effort a été coordonné par Tadao Takahashi. (crédit : Send Federal (CC BY 2.0))

En 1989, Tadao Takahashi a fondé le réseau national de recherche, une organisation qui a travaillé avec les institutions universitaires brésiliennes pour former la dorsale Internet du pays. A l'époque, les conditions au Brésil n'étaient pas idéales pour une telle initiative selon Takahashi,  : « Des taux d'inflation assez élevés, un parti politique totalement discrédité au pouvoir, une partie importante de la population en difficulté... [mais] même dans cette situation, nous avons pu nous lancer ». Son approche de la gouvernance d'Internet a précédé un modèle similaire adopté plus tard par l'Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN).

Plutôt que de laisser Internet proliférer au hasard, M Takahashi a fondé le programme national pour la société de l'information, qui a promu et étendu son utilisation dans les écoles, les hôpitaux et au sein du gouvernement. Il a même négocié avec les barons de la drogue pour que les habitants de leurs quartiers puissent eux aussi y accéder. Accueilli au sein du Internet Hall of Fame en 2017, M Takahashi est finalement décédé d'une crise cardiaque à l'âge de 71 ans. 

David Walden (7 juin 1942 - 27 avril 2022), créateur de l'IMP

Au sein de la société Bolt, Beranek and Newman, David Walden (au centre de la photo) et son équipe ont développé les premiers IMP, ancêtre des routeurs actuels. (crédit : wikipedia)

David Walden n'était pas un étudiant très doué, mais sa carrière de premier cycle à l'Université de San Francisco lui a fait découvrir l'IBM 1620, le seul PC de l'école. Cela l'a suffisamment intrigué pour qu'après avoir obtenu son diplôme, il traverse le pays pour travailler au laboratoire Lincoln du MIT. Puis, au sein de la société de R&D Bolt, Beranek and Newman, M. Walden et son équipe sont chargés de développer une technologie de commutation de paquets pour l'Arpanet. Le résultat a été la création des premiers IMP (Interface Message Processor), précurseurs des routeurs actuels. 

« Je me suis rendu compte que c'était assez important », a expliqué M.Walden. « Les compagnies de téléphone disaient que ça ne marcherait pas. Eh bien, mon intuition à l'époque était, si l'establishment dit que c'est une mauvaise chose, peut-être qu'au contraire c'est important ! » À l'exception d'un intermède d'un an pour travailler chez Norsk Data à Oslo, Walden est resté chez BBN de 1967 jusqu'à sa retraite en 1995. Période à laquelle, il a continué à écrire et à donner des conférences, notamment sur TeX. Il est décédé à 79 ans d'un lymphome.

Ken Knowlton (6 juin 1931 - 16 juin 2022), créateur du langage Beflix 

Ken Knowlton (à gauche sur l'image) développa en 1963 le Beflix, premier langage embarqué spécifique à un domaine : l'animation par ordinateur. (crédit : Nokia Corporation and AT&T Archives)

Peu après avoir obtenu en 1962 un doctorat en génie électronique au MIT, Ken Knowlton a rejoint les Bell Labs. Il y a développé Bell Labs Flicks, ou Beflix, un langage de programmation pour l'animation de films. L'une de ses premières utilisations a été autoréférentielle lorsqu'il a produit un film d'animation décrivant la technologie utilisée pour réaliser le film.

Beflix a été le premier socle pour l'utilisation de l'animation de synthèse dans les films, qui sont depuis devenues une référence incontournable à Hollywood. Dans une interview de 2016 avec le futurologue Ted Nelson, la réaction de Ken Knowlton aux images de synthèse du film Avatar de James Cameron était la suivante : « Wow, tout le monde a travaillé si dur pour cela ! [Je pensais] que cela demanderait beaucoup trop d'efforts ; que rien de tel ne sera jamais réalisé... mais ils l'ont fait ! »

En 1966, M. Knowlton collabore avec Leon Harmon pour convertir une photographie en une mosaïque générée par ordinateur. Computer Nude (Studies in Perception I) est exposé au musée d'art moderne de New York et est le premier nu intégral publié dans le New York Times. Ils enchaînent en 1969 avec deux autres mosaïques et 43 ans plus tard, M. Knowlton collaborent avec Jim Boulton pour créer un quatrième volet de la série Studies in Perception, cette fois sous forme de NFT. Le créateur de Beflix est décédé à 91 ans.

Brijendra Kumar Syngal (1940 - 9 juillet 2022), père de l'Internet indien

Brijendra Kumar Syngal a permit à son pays d'origine d'accéder dès 1995 a une connexion Internet stable. (crédit : Amazon.fr)

Après avoir dormi dans des tentes pour poser des câbles coaxiaux dans la jungle et les déserts pour Philips, Brijendra Kumar Syngal est retourné en Inde, son pays d'origine. Il est devenu président de Videsh Sanchar Nigam Ltd. (VSNL), un fournisseur de services de communication du secteur public - un poste qu'il a utilisé pour connecter l'Inde à l'Internet naissant.

Démarrées dans cinq villes en août 1995, les premières connexions par ligne commutée étaient peu fiables et assez coûteuses. Brijendra Kumar Syngal s'est excusé publiquement et a demandé un délai de 10 semaines pour améliorer la situation. Huit semaines plus tard, suffisamment de serveurs, de câbles et d'infrastructures ont été installés pour produire une activité stable. L'Inde était devenue le deuxième pays d'Asie (après le Japon) à faire partie de l'Internet naissant, ce qui a valu à Syngal le surnom de "Père de l'Internet indien".

Cette adoption précoce a accéléré le développement de l'industrie indienne du logiciel, qui est passée de 60 M$ en 1992 à 2 Md$ cinq ans plus tard, et dont les exportations de logiciels dépassent aujourd'hui les 130 Md$. Parmi les nombreuses distinctions reçues par M. Syngal, citons le Telecom Man of the Decade Award de la Fondation Wisitex et sa nomination parmi les "50 stars de l'Asie" par le magazine Business Week en 1998. En 2020, il a publié ses mémoires, Telecom Man: Leading From the Front in India's Digital Revolution (L'homme des télécoms : chef de file de la révolution numérique en Inde). Il avait 82 ans lorsqu'il est décédé.

Peter Eckersley (15 juin 1979 - 2 septembre 2022), fondateur de Let's Encrypt

Sa courte vie et sa carrière ont eu un impact durable sur la sécurité en ligne, la vie privée, la neutralité du réseau et l'intelligence artificielle, il s'agit de Peter Eckersley. (crédit : Toby Ord (CC BY-SA 4.0))

Titulaire d'un doctorat en informatique et en droit, Peter Eckersley a travaillé de 2006 à 2018, au sein de l'Electronic Frontier Foundation où il a occupé divers postes, notamment celui d'informaticien en chef. Il a été au coeur d'une collaboration avec Mozilla et l'Université du Michigan pour fonder Let's Encrypt, un organisme à but non lucratif qui fournit gratuitement des certificats SSL. Ainsi la sécurité des sites web est devenue accessible à tous, avec plus de 300 millions de pages certifiées par an.

Une initiative connexe de l'EFF, à laquelle M. Eckersley a contribué, était HTTPS Everywhere, une extension de navigateur qui est devenue si populaire qu'elle a été intégrée aux fonctionnalités de base de la plupart des navigateurs. Peter Eckersley a quitté l'EFF en 2018 pour fonder l'AI Objectives Institute, une organisation consacrée à la définition de meilleurs objectifs pour la société et à la garantie que les systèmes améliorés par l'IA travaillent dans ce sens. Il n'avait que 43 ans lorsqu'il est mort d'un cancer du côlon.

Kathleen Booth (9 juillet 1922 - 29 septembre 2022), créatrice de l'ARC 

Kathleen Booth est à l'origine de l'ARC (Automatic Relay Computer) et de ses successeurs. Elle a également développé dès 1947 le premier langage assembleur (Ctédit : Université de Saskatchewan) 

En 1946, Kathleen Britten travaillait comme chercheuse à la British Rubber Producers Research Association, où son futur mari, Andrew Booth, était en quête d'un moyen d'automatiser les calculs dans le cadre de ses recherches en cristallographie. Les deux chercheurs ont commencé à concevoir l'Automatic Relay Computer, ou ARC, un ordinateur électromécanique. Comme ses contemporains tels que l'ENIAC, l'ARC utilisait des relais et des tubes et les programmes étaient saisis via des switchs et divers équipements.

Après une visite en 1947 à John von Neumann à l'université de Princeton dans le New Jersey, Mme Britten et M. Booth s'attellent à concevoir le successeur de l'ARC baptisé l'ARC 2 pour lequel Kathleen Britten développe le premier langage assembleur, connu sous le nom de notation contractée. Elle a par la suite conçu le logiciel du Simple Electronic Computer, le premier ordinateur du couple entièrement informatique, suivi peu après par l'APE(X)C.

Ces développements et de multiples publications sur le sujet ont conduit les Booth à fonder le département d'automatisation du Birkbeck College, aujourd'hui le département des sciences informatiques et des systèmes d'information. L'héritage de Kathleen Booth à Birkbeck comprend également une série de conférences et une bourse d'études. Après avoir quitté Birkbeck au début des années 1960, elle a enseigné à l'Université de Saskatchewan, puis à l'Université Lakehead, toutes deux au Canada, jusqu'à sa retraite en 1978. Elle est décédée à l'âge de 100 ans.

Margot Comstock (11 octobre 1940 - 7 octobre 2022), co-fondatrice du  magazine Softalk

Au début des années 1980, déterminée à ce que l'informatique soit accessible à tous, Margot Comstock décide de cofonder Softalk, un magazine spécialisé dans l'IT et plus précisément aux utilisateurs du PC Apple II, dont elle est elle-même propriétaire. (crédit : Ken Gagne)

En 1979, lorsque Margot Comstock, candidate à un jeu télévisé, a dit à l'animateur de Password Plus qu'elle allait utiliser ses gains pour acheter un PC, il a semblé déconcerté. Lorsqu'elle a voulu se procurer un TRS-80, l'employé de Radio Shack s'est montré impoli (elle a acheté un Apple II Plus à la place). Et lorsqu'elle a lu le magazine Byte, elle a constaté qu'il s'adressait aux programmeurs et non aux passionnés comme elle.

Jamais dissuadée et refusant de se plier au statu quo, Margot Comstock et son mari, Al Tommervik, ont entrepris de remodeler le paysage de l'informatique grand public en cofondant Softalk, un magazine mensuel destiné aux utilisateurs d'Apple II. Tous deux écrivains et rédacteurs expérimentés, ils envoient les premiers numéros du magazine gratuitement à tous les propriétaires d'Apple II enregistrés, se constituant rapidement une large base de lecteurs.  Avec Margot Comstock comme rédactrice en chef et le ton enjoué de Softalk, les chroniqueurs invités ainsi que les sondages auprès des lecteurs soulignaient que l'informatique devait être accessible à tous.

Le magazine n'a duré que quatre petites années, mais ses 48 numéros ont changé l'industrie. « Aucun autre magazine informatique n'offrait autant d'informations et de plaisir sur autant d'aspects différents de l'Apple II que Softalk », a expliqué Steven Weyhrich, auteur de Sophistication & Simplicity : The Life and Times of the Apple II Computer (Sophistication & Simplicité : La vie et l'époque de l'ordinateur Apple II). Margot Comstock est décédé quelques jours avant son 83e anniversaire.

Frederick Brooks Jr (19 avril 1931 - 17 novembre 2022), inventeur des System/360 d'IBM

Ingénieur logiciel chez IBM, Frederick Brooks Jr a développé la famille de mainframe System/360 ainsi que l'OS/360. (crédit : Capgemini)

Il fut un temps où les mainframes d'un même fabricant n'étaient pas compatibles entre eux ; les logiciels devaient être réécrits pour chaque modèle et chaque génération. Frederick Brooks Jr. a rejoint IBM en 1956. Il a alors proposé une conception commune du mainframe, permettant une suite logicielle partagée. C'était un pari : si l'initiative échouait, IBM prendrait du retard sur ses concurrents dans ce domaine, ce qui risquait de ruiner l'entreprise. Mais la famille de IBM System/360 et le progiciel OS/360, annoncés en 1964, ont connu un succès massif, assurant la mainmise d'IBM sur l'industrie pour les décennies à venir.

Plus tard, M.Brooks a rassemblé ses leçons en matière de gestion et d'architecture informatique (une pièce qu'il a baptisée) dans le livre The Mythical Man-Month, publié en 1975, où il formule également sa loi contre-intuitive : ajouter des travailleurs à un projet en retard ne fera que le retarder davantage. Une fois le succès de la famille 360 assuré, Frederick Brooks Jr a quitté IBM pour fonder le département d'informatique de l'Université de Caroline du Nord à Chapel Hill, qu'il a présidé pendant 20 ans. Il s'est retiré de l'enseignement en 2015 et est décédé à l'âge de 91 ans, deux ans après avoir subi un accident vasculaire cérébral.

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