Le CEO Martin Schroeter, ancien d'IBM, est revenu diriger Kyndryl après la création de la filiale. (Crédit Kyndryl)
Le CTO de Kyndryl veut offrir aux clients plus de visibilité qu'ils n'en avaient, lorsque l'entreprise faisait partie d'IBM, sur les outils que la société de services managés peut déployer.
Introduite à la Bourse de New York sous le symbole KD, Kyndryl, l'ancienne activité de services managés d'infrastructure d'IBM, est désormais une entreprise indépendante. Même si des liens étroits subsistent entre les deux entreprises - IBM conserve une participation de 19,9 % dans Kyndryl, qui restera l'un de ses plus gros clients - la scission offre de nouvelles opportunités aux deux parties. En ce qui la concerne, la spin-off Kyndryl compte étendre ses activités sur des marchés comme l'automatisation intelligente, les services de données, les services cloud ou la sécurité et la résilience. L'entreprise estime que, immédiatement après la scission, ces domaines d'activités lui permettront d'accéder à un marché potentiel de 415 milliards de dollars contre 240 milliards de dollars, avant la scission. Aujourd'hui, Kyndryl n'en capte qu'une petite partie, avec un chiffre d'affaires annuel de 19 milliards de dollars. Selon Antoine Shagoury, directeur technique de Kyndryl, « la technologie - des outils que crée et utilise Kyndryl pour fournir des services à ses clients - jouera un rôle important dans l'exploitation de ces opportunités ».
Ce dernier connaît bien les capacités de l'entreprise. Lui-même ancien DSI, dernièrement pour l'entreprise financière américaine State Street Corporation et auparavant à la Bourse de Londres, M. Shagoury était un client de Kyndryl quand le service faisait encore partie d'IBM. Quand le géant de l'IT l'a approché pour lui proposer le poste de CTO de Kyndryl, sa première réaction a été de dire : « Vous me le demandez en tant qu'ancien client ? Alors, asseyez-vous et prenez des notes, parce qu'il y a beaucoup de problèmes que nous allons devoir résoudre ». Cette approche a été constructive pour les deux parties : « La discussion, amusante au début, est devenue passionnante. Elle a aiguisé notre désir de combler le fossé, et de transformer Kyndryl pour en faire l'entreprise qu'elle est en train de devenir : un facilitateur, un catalyseur de services », a-t-il ajouté. Certains des problèmes que M. Shagoury voulait résoudre étaient liés à ce qu'il appelle « les questions d'environnements », ce que l'entreprise de services managés d'infrastructure était ciblée pour faire. « L'activité était trop focalisée autour de sous-ensembles d'applications très spécifiques, très axés sur le cloud d'IBM », a-t-il expliqué.
« Ce modèle d'activité d'IBM était aussi profondément ancrée dans les entreprises de ses clients que dans les propres équipes de ces derniers », a-t-il ajouté. « Cette situation limitait très fortement l'aide que l'on pouvait apporter au client pour avancer dans la complexité de la modernisation, de la numérisation et de la disponibilité sur le marché, toutes des composantes du nouveau paradigme », a encore déclaré le CTO. Kyndryl s'est désormais affranchie de ces contraintes, car l'entreprise décide de sa propre façon de travailler avec les clients. Très naturellement, ces derniers s'inquiètent de la séparation de Kyndryl d'avec IBM : M. Shagoury raconte que lorsqu'il travaillait dans le secteur bancaire, « ce genre de séparation aurait fait réfléchir tout le monde dans les bureaux ».
Les préoccupations des DSI
« De nombreux clients de Kyndryl s'inquiètent de la continuité du service, mais il n'y a pas lieu de s'inquiéter », affirme M. Shagoury : Kyndryl et IBM sont les plus grands fournisseurs et clients l'un de l'autre, et les deux entreprises se sont engagées à assurer la continuité des opérations pour leurs clients. Mises à part ces inquiétudes sur la continuité, l'autre question qui taraude les DSI est de savoir s'il y aura suffisamment de changement. Ils s'interrogent en particulier sur la capacité d'innovation de Kyndryl. « Bien sûr que oui », affirme M. Shagoury : « Nous sommes l'un des plus gros clients d'IBM. Á ce titre, nous avons un accès direct aux résultats de la recherche. S'il se passe quelque chose de vraiment unique chez IBM, nous pouvons facilement en débattre, l'inclure comme opportunité ».
« Mais Kyndryl sera également un innovateur à part entière », a-t-il ajouté. Déjà, la spin-off dispose de 3 000 brevets. 800 autres brevets sont en attente d'accord, et d'autres seront probablement déposés avant la fin de l'année. « Nous sommes bien plus innovants que les gens ne le pensent », a déclaré le CTO. « Près de 40 % de nos brevets concernent l'IA. On n'imaginerait pas que c'est le cas pour une entreprise d'infrastructure ». De plus, ces brevets ne seront pas vendus. « Nous voulons les utiliser pour le client, pour son processus de modernisation et de transformation ».
« La troisième grande préoccupation des DSI concernant la scission, est de savoir s'ils auront toujours accès aux bons partenaires », a encore déclaré Antoine Shagoury. « Les DSI arrivent avec une liste des partenaires avec lesquels ils veulent que nous nous associions », a-t-il raconté. « Chaque environnement opérationnel est différent, et la recette pour aider une entreprise à moderniser ou à optimiser son environnement n'est jamais identique. L'important est de s'assurer d'avoir à chaque fois les bons partenaires », a-t-il expliqué. « La nouvelle direction de Kyndryl explique aux équipes en interne et en externe comment elles peuvent contribuer à construire l'écosystème des environnements partenaires qui aideront l'entreprise à prospérer », a ajouté le CTO.
Le rôle de la technologie
La technologie jouera un rôle essentiel dans la mise en place de l'écosystème, et M. Shagoury est au coeur de cette démarche. « Je dirige tout le développement, tous les architectes, toute la recherche et les plateformes elles-mêmes. La question est de savoir comment fournir nos outils et nos services, ainsi que les plateformes stratégiques, et comment fournir nos services autrement dans ce modèle d'écosystème », a-t-il encore expliqué. Ce dernier souhaite exposer la technologie dont Kyndryl a hérité et qu'elle va construire, afin que ses personnels travaillant dans différents secteurs, ayant différentes pratiques, soient conscients de ce qui est disponible, et puissent voir si cela peut s'appliquer à leur environnement.
Une grande partie de cette technologie concerne l'automatisation. « Nous réalisons plus de 9 millions d'activités d'automatisation chaque mois pour nos clients », a indiqué M. Shagoury, notamment la gestion du cycle de vie des serveurs, la réponse aux incidents et la remédiation, jusqu'aux services de gestion des actifs et des correctifs. « L'automatisation s'insinue jusque dans la pile technologique, et elle comprend désormais des services d'automatisation des processus robotisés (RPA) et, au-delà, des services d'automatisation programmatique », a déclaré le CTO. L'entreprise de services managés d'infrastructure qu'est devenue Kyndryl a recueilli des métadonnées sur ses opérations. « Nous disposons désormais de l'un des plus grands lacs de données opérationnelles au monde autour de ces métadonnées, de sorte que nous avons maintenant des composants d'IA qui alimentent les opérations ou les outils d'automatisation de nos clients, ainsi que nos outils de planification », a encore déclaré M. Shagoury.
Ouvrir l'écosystème
Le CTO ne veut pas que les connaissances de ces outils restent enfouies dans l'infrastructure de Kyndryl. « Ces outils sont très rarement exposés à nos partenaires et à nos clients. Et ils représentent aujourd'hui une énorme opportunité pour nous », dit-il. « Désormais, nous exposons ces outils au client, en lui proposant de les exploiter, de voir comment nous pouvons l'aider à participer au travail que nous effectuons, et de vérifier s'il a vraiment besoin de tous les services gérés ». L'idée du directeur technique est de permettre aux clients de choisir en self-service des capacités de Kyndryl, ou de faire participer plus en profondeur les partenaires à l'écosystème de Kyndryl. « Si l'on faisait un brainstorming aujourd'hui avec un client, celui-ci voudrait tout avoir sur la table : les ingrédients avec lesquels nous devons travailler, les solutions pour l'aider à se moderniser plus rapidement, à être plus compétitif, à adopter la technologie de manière plus sûre pour son entreprise. C'est la meilleure recette pour trouver ce qui lui convient le mieux », a-t-il ajouté.
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