Parmi les constructeurs offrant des solutions NVMe, dont HPE, IBM ou NetApp, Dell EMC a revu son offre d'entreprise VMAX, désormais dénommée PowerMax, pour y inclure le support du protocole Non Volatile Memory Express. (Crédit : D.R.)
Le protocole de communication NVMe pour Non volatile memory express, spécifiquement développé pour le stockage 100 % flash, bouscule l'industrie du stockage d'entreprise.
Parce qu'elles offrent des performances plus rapides et une plus grande densité par rapport aux protocoles existants, les solutions de stockage NVMe sont adaptées aux charges de travail très exigeantes comme l'analyse de données en temps réel, les plates-formes de trading en ligne et autres charges sensibles à la latence. Dans les systèmes 100 % flash, la spécification d'interface NVMe permet de réduire la surcharge logicielle entre les applications et le stockage. En général, les systèmes de stockage basés sur flash utilisent des liaisons SAS (Serial Attached SCSI) à partir de leur contrôleur mémoire pour communiquer avec le support flash. Or le SAS s'appuie sur l'ancien protocole SCSI, développé à l'origine pour des disques durs plus lents.
Le SCSI peut communiquer avec une mémoire flash, mais ce n'est pas idéal. « Pour lire et écrire sur un support flash, le SCSI suppose simplement que le support flash avec lequel il communique est un disque dur. Ce n'est pas très efficace quand le but est d'exploiter pleinement les performances du flash », explique Éric Burgener, vice-président de la recherche d'IDC spécialisé dans le stockage. A contrario, le NVMe est capable de tirer un meilleur parti de la latence des matrices 100 % flash - de l'ordre de la microseconde - et de supprimer le goulet d'étranglement SCSI. « Le NVMe a été développé spécialement pour la mémoire flash. Il ne supporte même pas les disques durs. Ce protocole est aussi beaucoup plus efficace parce qu'il fonctionne toujours de manière optimale pour lire et écrire en flash », ajoute Éric Burgener.
Jusqu'à 64 000 requêtes simultanées
Plus précisément, le NVMe utilise des chemins de données parallèles à faible latence pour accélérer les performances dans le back-end des baies flash : il prend en charge 64 000 files d'attente pouvant contenir chacune jusqu'à 64 000 requêtes. « Le protocole SCSI est un protocole série, ce qui signifie que lorsque l'on essaie de communiquer avec des disques connectés à un contrôleur SCSI, on ne peut communiquer qu'avec un seul disque à la fois », explique encore M. Burgener. « Le NVMe permet d'avoir jusqu'à 64 000 requêtes simultanées et donc de communiquer avec beaucoup plus de périphériques en arrière-plan. Ce parallélisme massif est beaucoup plus efficace pour accéder à la capacité de stockage en arrière-plan ».
Les charges de travail extrêmement sensibles à la latence tireront immédiatement parti de l'amélioration des performances offerte par le NVMe, en particulier l'analyse de données big data en temps réel ou les environnements de base de données hautes performances. L'analyse et la réponse en temps réel deviennent incontournables pour les entreprises. IDC prévoit que d'ici 2020, au moins une charge de travail critique de 60 % à 70 % des entreprises du Fortune 2000 exploitera l'analyse big data en temps réel. « Des charges de travail plus rapides se traduisent par des avantages commerciaux pour les entreprises, notamment plus de commissions, plus de revenus, un meilleur service à la clientèle. Ces avantages sont suffisamment significatifs pour les inciter à s'équiper dès maintenant du NVMe », indique Éric Burgener.
Des start-ups spécialisées et des solutions contructeurs
Entre 2016 et 2017, des start-ups comme Apeiron Data Systems, E8 Storage, Excelero, Micron, Pavilion Data Systems, Pure Storage ou encore Vexata ont livré les premières plates-formes de stockage proposant la technologie NVMe en remplacement du SCSI. Ces systèmes sont essentiellement destinés à des charges de travail spécialisées, en particulier des charges extrêmement sensibles aux temps de latence, comme le trading. Dans le même temps, les principaux constructeurs de systèmes de stockage - comme DDN, HPE, Dell EMC, NetApp ou encore Pure Storage - n'ont pas ignoré ce protocole d'interconnexion plus rapide et ont ajouté le support du NVMe à leurs solutions. De nombreuses annonces autour du NMVe se sont succédées au cours du premier semestre 2018. Dell EMC a revu son offre d'entreprise VMAX - elle s'appelle désormais PowerMax - pour y inclure le support du NVMe et a promis d'ajouter ce support à ses commutateurs d'interconnexion Fabric. « C'est la première fois que nous concevons un système NVMe à partir de zéro », a déclaré Sam Grocott, vice-président senior du marketing, Infrastructure Solutions Group, lors d'une séance d'information organisée en amont du salon Dell Technologies World 2018.
HPE a annoncé la prochaine génération de sa plate-forme Nimble Storage : ses nouvelles baies HPE Nimble Storage All Flash ainsi que ses baies Nimble Adaptive Flash pour les implémentations hybrides supporteront toutes deux le NVMe. Au mois de février, IBM a annoncé que son FlashSystem 900 prenait en charge l'Infiniband NVMe over Fabric et il prévoit d'ajouter une nouvelle capacité de réseau NVMe over Fabric dans les prochaines versions de ses solutions IBM Spectrum Virtualize et Spectrum Accelerate. NetApp a dévoilé une nouvelle baie d'entreprise 100 % flash dénommée AFF A800, qui est aussi sa première offre NVMe de bout en bout. Comme l'a expliqué NetApp, sa baie AFF A800 combine des disques SSD NVMe avec du NVMe over Fabric. Il peut atteindre une latence inférieure à 200 microsecondes entre l'hôte applicatif et le stockage de données et offre un débit de 300 Go/s grâce à une combinaison de disques SSD NVMe et de connectivité NVMe/FC. Enfin, Pure Storage (qui vend le système FlashArray///X70 basé sur NVMe depuis l'année dernière) a annoncé que sa famille de baies FlashArray X supporterait la technologie NVMe. Les cinq modèles - X10, 20, 50, 70 et 90 - peuvent être configurés avec l'architecture NVMe flash direct.
Consolidation des charges de travail mixtes
L'une des principales différences entre les start-ups et les gros fournisseurs réside dans le fait que ces derniers offrent un support NVMe avec leurs services de données existants de niveau entreprise. « Les constructeurs ont ajouté la technologie NVMe à leurs plates-formes de stockage phares déjà dotées d'un ensemble très complet de fonctionnalités logicielles, comme les snapshots, le cryptage, la réduction des données en ligne, la réplication, etc. », explique M. Burgener. « Leurs systèmes peuvent donc traiter des charges de travail différentes des systèmes proposées par les startups qui, dans l'ensemble, ne disposaient pas de fonctionnalités logicielles, mais apportaient essentiellement de la pure performance ».
Les gros fournisseurs peuvent en particulier cibler la consolidation de charges de travail d'entreprise, mixtes et plus denses, a encore expliqué M. Burgener. Dans un environnement de charges de travail mixte, les applications de base de données traditionnelles et les applications Web modernes pourraient partager la même infrastructure. Comparativement, les plates-formes proposées par les startups sont généralement déployées pour une seule charge de travail dédiée qui répond à des besoins de haute performance.
Quelles évolutions pour le NVMe ?
À mesure que la technologie NVMe évolue, que les coûts diminuent et que les exigences en matière de performances de stockage augmentent, les entreprises devraient adopter des systèmes de stockage flash supportant le NVMe de bout en bout et les charges de travail mixtes. « Le coût total de possession plaide en faveur d'un système NVMe pour charges de travail mixtes, comparé au SCSI. Le flash est présent dans les deux cas, mais d'un côté, vous communiquez via NVMe et de l'autre via SCSI. Une solution NVMe permet de construire un système plus puissant, avec un encombrement au sol réduit qui consomme moins d'énergie », explique encore Eric Burgener. « Chez IDC, nous pensons que le NVMe va définitivement remplacer le SCSI dans les baies de stockage primaire », ajoute-t-il. « Mais il faudra attendre 2021 pour que plus de 50 % des revenus générés par les baies de stockage primaires - ce sont des baies 100 % flash - proviennent de systèmes basés sur le NVMe. On n'en est donc qu'au début ».
Quant aux responsables du stockage d'entreprise qui comparent la technologie SCSI à la technologie NVMe en vue de leur prochain achat de plate-forme de stockage, ils doivent s'assurer, comme le recommande IDC, que la plate-forme choisie pourra évoluer vers de nouvelles technologies de stockage (NVMe over Fabric et Storage Class Memory, par exemple) sans mises à niveau disruptives. Beaucoup de systèmes de stockage 100 % flash basés sur le SCSI seront encore vendus au cours des prochaines années. Mais, « les clients qui recherchent plus de densité d'infrastructure afin de traiter plus de charges de travail sur une plate-forme plus petite, ou s'ils ont impérativement besoin des avantages de latence et de débit offerts par le NVMe devraient s'orienter dès maintenant vers ces solutions », conseille Éric Burgener.
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