Alan Mulally, le CEO de Ford, est aujourd'hui le favori dans la succession de Steve Ballmer à la tête de Microsoft
L'histoire le montre, qu'importe le nom du prochain CEO de Microsoft, sa nomination fera forcément l'objet de critiques. L'arrivée d'un nouveau dirigeant début 2014 déclenchera une pluie de commentaires de la part des analystes et des acteurs du marché qui n'hésiteront pas à remettre en cause le bon sens des personnes qui l'auront nommé.
Le choix d'un nouveau CEO ne peut contenter tout le monde, spécialement dans une entreprise aussi emblématique que Microsoft où il y a autant d'avis divergeant sur l'origine de ses problèmes et des solutions à adopter pour les résoudre, que de personnes capables d'utiliser un clavier pour manifester leur mécontentement.
« Avouons-le, le modèle économique actuel ne marche pas et il ne suffira pas de le modifier pour l'améliorer », avait déclaré Kimball Brown, analyste chez Dataquest. Toutefois, cette phrase ne date pas d'aujourd'hui et ne concerne même pas Microsoft. Kimball Brown l'avait prononcé le 11 juillet 1997 suite à l'éjection du CEO d'Apple, Gil Amelio. La firme de Cupertino était alors à la recherche d'un remplaçant. Huit semaines plus tard, le co-fondateur d'Apple assurait le poste de CEO intérimaire avant de définitivement l'occuper après avoir tuer les clones et Mac OS 8 Copland. Il s'appelait Steve Job et, grâce à lui, la firme de Cupertino est aujourd'hui la première capitalisation boursière au monde.
Microsoft va annoncer le remplacement de Steve Ballmer suite à son départ prévu pour le début de l'année. Il pourrait d'ailleurs se faire dans les prochaines semaines, avant que le conseil d'administration n'accueille - peut être à contre coeur - le représentant d'un investisseur très actif à la table de des négociations.
Qui pour remplacer pour Steve Balmer
Beaucoup de noms ont circulé depuis que Steve Ballmer a brusquement annoncé sa retraite en août dernier, citant ses difficultés pour transformation un éditeur de logiciel en fournisseur de service en ligne et en acteur de poids sur le marché des terminaux mobiles. Le CEO sur le départ a toujours nié avoir était poussé vers la sortie. Les déclarations de la personne chargée de trouver son remplaçant, John Thompson (l'ancien CEO de Symantec à l'origine du rachat de Veritas), relayées par le Wall Street Journal en novembre, laissent cependant penser qu'une forte pression s'exerçait sur Steve Ballmer.
Pour le remplacer, de nombreuses source anonymes ont, entre autre, avancé les noms d'Alan Mulally (CEO de Ford), de Stephen Elop (ancien CEO de Nokia) ou d'actuels dirigeants de Microsoft comme Tony Bates et Satya Nadella.
Mais peu importe qui la société nommera, que ce soit l'un de ces quatre là, un des 100 que John Thompson a identifié comme acceptable, un sombre inconnu ou même un Bill Gates sortie de sa retraite, le choix ne plaira jamais à tout le monde. Même si après quelques années, il s'avère bénéfique sur toute la ligne, il sera toujours critiqué.
Miser sur un initié de l'IT ou un outsider?
Wall Street, par exemple, mise gros sur Alan Mulally pour son sens de l'organisation et des affaires ainsi que la transformation salvatrice qu'il a engagée chez Ford. Si Microsoft venait à nommer une autre personne, il y a de grandes chances que les analystes et les investisseurs financiers punissent la firme. Ils qualifieraient surement le nouveau venu d'aspirant Ballmer manquant d'expérience dans le management d'une telle société.
En décembre, un analyste de MKM Partners, Israël Hernadez, prédisait que l'action Microsoft chuterait de 10 à 20% si ce n'entait pas Alan Mulally qui devenait CEO. Il y a d'ailleurs des signes qui ne trompent pas. Début décembre, quand Edsel Ford II, un membre du conseil d'administration du constructeur automobile, a déclaré qu'Alan Mulally ne quitterait pas le constructeur, l'action de Microsoft a immédiatement perdu 2,4% de sa valeur.
D'autres doutent de l'efficacité d'un outsider, inexpérimenté sur le marché de l'IT. S'ils reconnaissent que Microsoft a besoin de sang neuf, ils arguent qu'une personne n'ayant pas d'expérience direct dans le domaine des nouvelles technologies ne peut gouverner Microsoft et gagner la confiance des troupes.
Le précédent Lou Gerstner chez IBM
Ces arguments trouvent cependant de nombreux contre-exemples. Beaucoup de personnes doutaient, par exemple, du choix de Louis Gerstner à la tête d'IBM en avril 1993. Il venait de RJR Nabisco et American Express, des entreprises dont le coeur d'activité n'étaient pas vraiment les nouvelles technologies. Ses détracteurs craignaient qu'il n'ait pas l'expérience pour gouverner une société de la taille de Big Blue, à l'époque bourrée de problèmes.
Les opposants à sa nomination avançaient d'ailleurs qu'il n'avait pas la « vision de la chose », ce que Louis Gerstner n'a jamais nié. Il a pourtant récupéré IBM au bord du gouffre et l'a transformé en un fournisseur de services très rentable. « La dernière chose dont IBM a besoin c'est d'une vision » avait-il d'ailleurs déclaré en juillet 1993 suite à l'annonce de licenciements massifs entraînant 8 Md$ de charges. « La société a besoin d'une stratégie raisonnablement axées sur le marché des entreprises et c'est ce sur quoi nous travaillons », avait conclut Louis Gerstner.
Les candidats internes pas toujours plus efficaces
En 1992, Digital Equipment Corp nommait Robert Palmer comme successeur de son CEO et co-fondateur, Ken Olsen. Après 7 ans passés chez DEC, les analystes avaient salué le succès de l'architecture Alpha et des processeurs développés sous ses ordres. Toutefois, Robert Palmer n'a pas su sauver l'entreprise. Quatre ans après, DEC avait disparu, ses actifs bradés à Compaq et il a été blâmé pour son échec. « Bob Palmer n'était pas le bon CEO à ce moment là », a déclaré Peter De Lisi, consultant. « C'était juste quelqu'un qui avait passé beaucoup de temps chez DEC », ajoute-t-il.
Les gens qui coopteront le prochain CEO de Microsoft pourraient également complètement se tromper. Ce n'est pas comme-ci ce n'était jamais arrivé. « Leo est un stratège avec une grande passion pour la technologie, il a une expérience globale et a prouvé son efficacité opérationnelle. C'est exactement ce que nous voulons comme CEO », avait déclaré Robert Ryan, président du conseil d'administration de Hewlett-Packard, en septembre 2010 suite à la nomination de Leo Apotheker à la tête du constructeur. Il a finalement exercé ses fonctions de CEO pendant moins d'un an. Il a été poussé dehors suite à un enchainement de décisions désastreuses - notamment l'annonce de la possible vente de l'activité PC - qui ont fait chuter la valorisation de HP de 40% en onze mois.
« HP a besoin d'un chef de file technologique, une personne qui a dirigé une activité d'un milliard de dollars, quelqu'un qui a à la fois une vision globale et un point de vue centré sur les logiciels pour aider l'entreprises sur ce secteur. Il n'y a pas beaucoup de gens comme ça », avait déclaré Ray Wang, consultant pour la société de conseil Altimeter Group, en réaction à la nomination de Leo Apotheker. Sur le papier, il rentrait dans toutes les cases mais une fois installé dans le fauteuil de CEO, il a entrainé HP dans une dépression dont le constructeur paye encore les frais aujourd'hui.
A tort ou à raison, la nomination fait et fera du bruit
Ne vous attendez pas à ce que les critiques se taisent une fois le prochain CEO de Microsoft présenté. Les avis sur la nomination (ou la promotion) vont inonder le web. Les analystes, les blogueurs, les experts et les journalistes s'en donneront à coeur joie pour commenter l'évènement et les plus agressifs réclameront même tel changement, tel liquidation ou tel licenciement.
En tout cas, les avis post-nominations sur le choix de Microsoft peuvent être tout à fait justes comme complètements erronés. « Ils devraient créer Macintosh Inc comme une entreprise qui vend des logiciels et conçoit du matériel pour les autres entreprises », recommandait Kimball Brown après le licenciement de Gil Amelio. C'était sa vision d'Apple pour l'avenir.
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