Les clients de MariaDB Enterprise Server sont invités à chercher une alternative en cas de défaillance de MariaDB PLC.
La mauvaise santé financière de l'éditeur MariaDB PLC hypothèque son avenir et ébranle sa base de clients. Et, selon les experts, une acquisition ne pas suffirait pas à réparer les dégâts.
Une proposition non contraignante d'acquisition de MariaDB, le fournisseur du système de gestion de base de données relationnelle (SGBDR) éponyme, lui-même fork de la base de données open source MySQL, a suscité des spéculations sur l'avenir de l'éditeur et l'impact de ce rachat pour les clients. La proposition concernait MariaDB PLC (Public limited company), l'entreprise qui fournit des services de base de données et des offres SaaS basées sur la base de données open source gérée par la fondation MariaDB. Au début du mois, MariaDB PLC a reçu une proposition d'acquisition, d'un montant de 37 millions de dollars, de la part de la société d'investissement californienne K1 Investment Management. La proposition, qui n'est pas contraignante et peut ne pas déboucher sur une offre d'acquisition réelle, valorise chaque action de MariaDB à 0,55 dollar, soit une prime de 189 % par rapport au cours de clôture de l'action du fournisseur de la base de données, le 5 février.
Une année mouvementée
Pour MariaDB PLC, l'année 2023, a été pour le moins ardue. Le fournisseur a enchainé licenciements, changement de direction, scission de certaines parties de son activité, plus un dépôt de mises en garde auprès de la Securities and Exchange Commission (SEC) américaine. Les difficultés financières de l'entreprise ont commencé en décembre 2022, au moment où elle a décidé de s'introduire en bourse par le biais d'une SPAC (Special Purpose Acquisition Company), c'est-à-dire une société sans activité opérationnelle, avec Angel Pond Holdings. Après son entrée en bourse, la société a vu sa capitalisation boursière chuter de 445 millions de dollars à un peu plus de 10 millions de dollars à la fin de l'année 2023. Selon les déclarations déposées auprès de la SEC, cette chute brutale de la valeur peut être attribuée aux mauvaises performances trimestrielles de l'entreprise et à son historique de pertes depuis le dernier trimestre 2022.
Au premier trimestre 2023, l'entreprise a licencié du personnel, et au second, elle a publié des mises en garde sur sa santé financière. À l'époque, l'entreprise avait déclaré qu'elle cherchait à attirer des investissements financiers pour continuer à fonctionner. En septembre, la Bourse de New York (New York Stock Exchange, NYSE) lui a adressé un avertissement. La bourse a prévenu MariaDB qu'elle ne respectait pas les normes de cotation qui imposent aux entreprises cotées de veiller à ce que leur capitalisation boursière ne tombe pas en dessous de 50 millions de dollars pendant une période de cotation de 30 jours. En octobre, les mauvaises nouvelles se sont accumulées : le fournisseur a été contraint de licencier 28 % de ses effectifs et d'arrêter deux de ses produits stratégiques, MariaDB Xpand et MariaDB SkySQL. Trois mois plus tard, Microsoft a annoncé qu'Azure Database for MariaDB serait retiré du marché le 19 septembre 2025. Entre-temps, l'entreprise a reçu une proposition de rachat de l'investisseur existant Runa Capital, qui n'a pas abouti. Une société associée à Runa Capital, RP Ventures, a alors proposé à MariaDB un prêt de 26,5 millions de dollars avec un taux d'intérêt de 10%.
L'activité commerciale au bord du gouffre
Selon les experts, les pertes constantes qui ont entraîné des licenciements, des radiations et l'arrêt de certains produits ont peut-être aussi assuré la ruine de l'activité commerciale de MariaDB. Selon Thomas Spoelstra, expert en bases de données auprès de la société néerlandaise OptimaData, spécialisée dans les services de gestion de bases de données, depuis que Microsoft a annoncé la fin de vie de la base en 2025, de plus en plus d'entreprises passent de l'édition MariaDB Enterprise Server à l'édition MariaDB Community Server. OptimaData gère plusieurs systèmes de gestion de bases de données, dont Microsoft SQL Server, Oracle Database, Sybase, MySQL, MariaDB, MongoDB et PostgreSQL. « MariaDB Enterprise a toujours été moins populaire que l'édition communautaire », a déclaré M. Spoelstra, ajoutant que la plupart des clients d'OptimaData utilisaient cette édition parce que l'assistance technique de MariaDB Enterprise était « très » chère. « Très souvent, les entreprises utilisent l'édition communautaire avec des offres MariaDB comme Galera Cluster », a expliqué l'expert. De plus, selon M. Spoelstra, les difficultés financières ont non seulement forcé les entreprises clientes à chercher d'autres options, mais aussi les fournisseurs de services cloud à se détourner lentement des offres commerciales de MariaDB.
Parmi les entreprises clientes, on peut citer le cas de Samsung, qui risque d'être confrontée à des difficultés en raison de l'arrêt de MariaDB Xpand et devra envisager d'autres options, avec la perspective d'un coût potentiel important pour le géant coréen, car l'entreprise utilise 50 noeuds MariaDB Xpand pour exploiter une seule base de données dans laquelle elle héberge les données de ses clients détenteurs de smartphones. Un courriel envoyé à Samsung pour obtenir plus de détails sur son investissement dans MariaDB est resté sans réponse. En outre, Samsung SDS, la division de services technologiques et cloud du géant coréen de l'électronique, propose MariaDB en tant qu'offre de base de données managée. Un autre courriel sur la disponibilité de ce service et sa continuité prévue est également resté sans réponse.
Perte de confiance des clients
Selon Tony Baer, analyste principal chez dbInsight, l'arrêt des offres de MariaDB a miné la confiance des clients dans le fournisseur. « En effet, face à de telles évolutions, les entreprises clientes se demandent si leurs investissements se trouvent sur la liste des prochaines suppressions », a ajouté M. Baer. « Si les décisions de licencier du personnel ou d'abandonner certaines offres ont été prises par MariaDB pour réduire les coûts, elles ont eu un impact sur l'image de l'entreprise », a estimé Matt Aslett, directeur chez Ventana Research, un département de recherche et de conseil d'ISG (Information Services Group). « L'impact a été profond, surtout pour les offres DBaaS et SQL distribuées de l'entreprise, qui faisaient figure de domaines potentiels de croissance et d'innovation à long terme », a expliqué M. Aslett.
Étant donné l'état actuel de l'activité commerciale de MariaDB, M. Baer pense que toute acquisition sera « une ultime tentative de sauvetage pour protéger les investissements des clients maintenant bloqués ». En fait, si M. Spoelstra a raison, l'acquisition par K1 ou toute autre société, accélérera encore le basculement des clients de MariaDB vers MySQL, ProxySQL et d'autres options. Selon les données de 6Sense, MariaDB détient actuellement 2,08 % du marché des bases de données relationnelles, soit 0,07 % de moins que ce que l'entreprise avait annoncé en avril de l'année dernière. Pour le trimestre clos en décembre, MariaDB PLC a enregistré une perte nette de 8,8 millions de dollars, due à des charges d'intérêts, des coûts de restructuration et des coûts liés à l'abandon de produits.
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