Apple bientôt dans une impasse suite au rachat d'ARM

Apple travaillerait sur une variante de sa puce A14 pour les prochains Mac. Le rachat d'ARM par Nvidia pourrait inquièter à terme la firme de Cupertino. (Crédit Photo: IDG)

Apple travaillerait sur une variante de sa puce A14 pour les prochains Mac. Le rachat d'ARM par Nvidia pourrait inquièter à terme la firme de Cupertino. (Crédit Photo: IDG)

Avec ce rachat, les inquiétudes montent autour de l'indépendance d'ARM. Certains s'interrogent sur l'impact de l'opération sur Apple et d'autres fabricants de puces.

Nvidia, acteur majeur dans le traitement graphique, a annoncé qu'il avait conclu un accord pour acheter le géant britannique ARM pour 40 milliards de dollars. Selon Bloomberg, pour cette acquisition, Nvidia versera au SoftBank Group, propriétaire actuel de ARM, 12 milliards de dollars en cash et 21,5 milliards de dollars en actions, plus une prime à la signature et d'éventuels bonus en fonction des objectifs de performance atteints par l'entreprise.

ARM est un concepteur de processeurs et ne fabrique pas lui-même de silicium. L'entreprise vend ses designs sous licence que les acheteurs peuvent personnaliser à volonté avant de les mettre en fabrication. L'impact d'ARM sur le marché des processeurs a été énorme, principalement parce que ses puces pour mobiles équipent pratiquement tous les smartphones depuis le lancement de l'iPhone par Apple en 2007. Ses puces font également tourner la majorité des dispositifs, depuis les tablettes jusqu'aux objets IoT comme les capteurs et les contrôleurs.

La fin de la neutralité d'ARM pourrait inquiéter Apple Au début de l'année, Apple a annoncé que ses futures ordinateurs Macs ne tourneraient plus sur des processeurs Intel, mais sur des designs maison basés sur ARM. Les premiers Macs de ce type devraient être lancés avant la fin de l'année. « La vente d'ARM à Nvidia va faire réfléchir les autres fabricants de puces, mais elle pourrait aussi avoir un impact sur la stratégie d'Apple », a déclaré hier Jack Gold, analyste principal chez J. Gold Associates, dans une interview. « Apple utilise les designs ARM sous licence. Mais le constructeur californien, qui n'a pas voulu dépendre d'Intel, aura-t-il envie de faire affaire avec Nvidia quand elle deviendra propriétaire de ARM ? », a ajouté Jack Gold.

« Le passage de ARM dans le giron de Nvidia pourrait inquiéter Apple à juste titre », a poursuivi M. Gold. « Les licenciés pourraient craindre une remise en question de l'usage de la propriété intellectuelle de ARM ou son exploitation par Nvidia », a-t-il écrit dans une note de recherche partagée avec nos confrères de Computerworld. « De mon point de vue, cela pose un problème, non pas à court terme, car les constructeurs ne peuvent pas remplacer la technologie du jour au lendemain, mais à plus long terme, en particulier pour les plus grands acteurs qui ont les moyens de faire cavalier seul et de se passer de la propriété intellectuelle de ARM, s'ils la perçoivent comme un risque ».

D'après M. Gold, Apple pourrait se demander si sa propriété intellectuelle est protégée par ARM en tant que telle ou si elle sera partagée avec Nvidia. « Apple a toujours été préoccupé par le secret », a déclaré M. Gold au cours de l'interview, laissant entendre qu'il ne faut pas sous-estimer ce penchant d'Apple. L'une des raisons pour lesquelles ARM a été si attractif pour le constructeur californien et d'autres entreprises technologiques, c'est que le modèle commercial d'ARM était neutre pour le client. Comme ARM ne fabrique pas ses propres puces, le concepteur ne pouvait pas concurrencer directement le silicium d'Apple ou forcer l'entreprise de Cupertino, à acheter ses puces à ARM plutôt que d'en externaliser la fabrication. « Apple veut être maître de son destin », a renchéri M. Gold.

Nvidia rassurant sur le court terme, mais après ? Ce dernier s'est également penché sur les implications financières du rachat de ARM par Nvidia. « Nvidia pourrait miser sur un retour sur investissement important et augmenter ses frais de licence. Or, une telle stratégie pourrait placer des licenciés comme Apple dans une situation imprévue. Pour l'instant, Nvidia a déclaré qu'elle ne changerait rien. « En tant que société de Nvidia, ARM continuera à exploiter son modèle de licence ouverte et à maintenir la neutralité vis-à-vis des clients mondiaux, une approche qui a fait son succès », a affirmé l'entreprise dans un communiqué. Ailleurs, le CEO de Nvidia, Jensen Huang, a déclaré à Bloomberg que « compte tenu de la somme que Nvidia met sur la table pour racheter ARM, il n'avait aucune raison de perturber les relations actuelles avec les clients ».

« Cela pourrait bien être vrai à court terme, disons dans les deux ou trois prochaines années », a encore estimé M. Gold, mais personne, peut-être même pas Nvidia, ne sait quelle stratégie ARM pourrait adopter au-delà de ce délai. Au moment de toute acquisition, ou presque, les entreprises annoncent rarement qu'elles vont tout changer. Elles s'engagent souvent à maintenir l'équipe de direction en place ou promettent de ne pas licencier les personnels de l'entreprise rachetée. Ces promesses sont souvent tenues... jusqu'au jour où elles ne le sont plus.

L'hypothèque réglementaire sur fond de tensions commerciales Pour l'instant, ce rachat n'est pas garanti. Il faudra attendre pour cela l'approbation des organismes de réglementation d'un certain nombre de pays et d'organisations, dont les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Union européenne et la République populaire de Chine. « L'accord de rachat va-t-il seulement être approuvé ? », s'est demandé M. Gold. Si c'est le cas, ARM sera-t-elle considérée comme une entreprise américaine, ou restera-t-elle une entreprise britannique comme c'est le cas actuellement ? Certes, hier, Nvidia a déclaré que le siège de ARM serait maintenu au Royaume-Uni.

Si c'est le cas, et si le Président Trump est réélu, son administration pourrait-il utiliser ARM contre la Chine ? « Nous sommes en pleine guerre commerciale », a rappelé M. Gold. « Cela mettrait tous les fabricants de puces chinois en péril. Si l'on prend en compte une telle hypothèse, on peut s'interroger sur la probabilité que la Chine signe l'accord », s'est encore demandé M. Gold.

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