Les batiments de la Cité de l'Innovation d'Alcatel-Lucent à Nozay ont été rebaptisés avec des noms de scientifiques. (crédit : LMI)
Après des trimestres difficiles, Alcatel-Lucent repart de l'avant en misant sur l'innovation technologique dans trois secteurs clefs : l'IP, le cloud et les small cells. Un pari stratégique que Michel Combes, directeur général d'Alcatel-Lucent, est peut être en passe de réussir.
Pour l'inauguration bis de la Cité de l'innovation d'Alcatel-Lucent (ALU) sur le site de Villarceaux-Nozay, Axelle Lemaire, secrétaire d'État à l'Économie Numérique a réussi à faire le déplacement en grande banlieue parisienne pour parcourir au pas de course les bâtiments du centre de recherche, rebaptisés avec les noms de scientifiques. Depuis l'annonce en 2013 du plan Shift de Michel Combes, directeur général d'Alcatel-Lucent, la compagnie a opéré un recentrage de ses activités autour de l'IP, du cloud et des small cells et entamé une sévère restructuration pour assainir son bilan (1,4 milliard d'euros de pertes en 2012 pour un chiffre d'affaires de 14,4 milliards). Rappelons que la firme avait notamment été obligée de « gager ses brevets pour rester en vie » et restructurer sa dette, de supprimer 10 000 emplois dans le monde et de céder pour un milliard d'actifs, comme l'a rappelé Michel Combes lors d'une conférence de presse.
Axelle Lemaire, secrétaire d'État à l'Économie Numérique, est passée en coup de vent pour l'inauguration bis de la Cité de l'Innovation d'ALU.
En France, deux centres de recherche ont été renforcés : celui de Villarceaux-Nozay dans l'Essonne, et celui de Lannion dans les Côtes d'Armor. Le premier est devenu le principal centre de R&D du groupe en Europe avec 5000 salariés dont 60% d'ingénieurs, tandis que le second s'est spécialisé sur le très haut débit mobile et le SDM (Subscriber Data Management ou gestion des bases d'abonnés mobiles), avec 800 salariés dont 70% de chercheurs, nous a précisé Michel combes. Avec 20 000 chercheurs dans le monde, principalement aux États-Unis et en Europe, Alcatel-Lucent, qui dépense encore 2,2 milliards d'euros pas an en R&D, doit faire face à une guerre des cerveaux. Pour attirer les meilleurs talents et éviter de les ennuyer avec des tâches administratives, la firme a donc décidé de recentrer des sites, notamment avec sa Cité de l'Innovation qui accueille un incubateur de start-ups, « le Garage », lancé le 4 juillet dernier sous la responsabilité de Bertrand Marquet.
Alain Rolland, CEO de la start-up EBLINK, à la Cité de l'Innovation.
Comme très peu de start-ups sont aujourd'hui réellement incubées à Nozay, ALU avait invité pour l'inauguration de sa Cité de l'Innovation une brochette de jeunes entreprises. EBlink, par exemple, et sa technologie de liaison sans fil pour les architectures de réseaux mobiles (macro, micro et pico cells). Alain Rolland, CEO de la start-up, nous a expliqué avoir déjà levé 30 millions d'euros pour développer et commercialiser sa technologie wireless fronthaul, dont 3 millions auprès d'Alcatel-Lucent. La solution d'EBlink intéresse effet les opérateurs qui désirent remplacer leurs liens physiques en fibre noire par une liaison radio autorisant un débit de 7,2 Gbit/s avec trois antennes. « On va gagner jusqu'à 50% en terme de consommation d'énergie », nous a assuré le CEO. Orange à Lannion, Vodafone à Dresde, Sprint à Seattle ou encore T-Mobile à Kansas-City testent déjà cette solution permettant d'accélérer le déploiement de réseaux mobiles et d'accompagner le développement de services mobiles.
Une alliance commune en ALU et Accenture
Autre start-up invitée à la Cité de l'Innovation, OledComm, un des pionniers français du LiFi (Light Fidelity), une technologie de transmission sans fil via des lampes à LED, Comsis qui propose d'améliorer la qualité de service sur les réseaux WiFi, ou encore Green Communications qui pousse une solution permettant de créer un réseau local WiFi de type mesh pour un groupe d'utilisateurs. Pauline Loygue, responsable marketing de Green Communications, nous a expliqué qu'Airbus utilisait déjà les boitiers de la jeune pousse sur des drones pour créer un réseau local privé et sécurisé.
Pierre Nanterme, PDG d'Accenture, et Michel Combes, directeur général d'ALU, ont présenté leur alliance commune dans les télécoms.
Mais la matinée presse sur le site de Villarceaux-Nozay a également l'occasion de découvrir l'alliance commune entre Accenture et ALU, baptisée Accenture Alcatel-Lucent Business Group, pour proposer des solutions intégrées dans les réseaux IP. Si les deux entreprises travaillaient déjà de concert, l'objectif est aujourd'hui de « proposer aux clients des solutions innovantes dans les télécoms, en très haut débit, en communications over IP et dans les small cells » a précisé Pierre Nanterme, PDG d'Accenture, présent pour le lancement de cette initiative au coté de Michel Combes à la Cité de L'Innovation. « En combinant nos forces, nous pourrons proposer une offre unique au niveau mondial en terme de prestations et d'organisation. Les entreprises ont besoin de solutions développées par les équipementiers pour accompagner leur développement », a ajouté le dirigeant d'Accenture.
Installer des small cells dans le mobilier urbain
Un très bon exemple est aujourd'hui celui des small cells qui commencent à équiper des équipements urbains. Alcatel-Lucent et JCDecaux ont uni leurs forces pour transformer des panneaux publicitaires et des abris de bus en mobilier urbain connecté. L'installation de petites stations de base 3G/4G/WiFi dans les centres villes vise à absorber les volumes croissants de trafic mobile. Les opérateurs font aujourd'hui face à une explosion de la consommation de données et face à la pénurie de points chauds l'installation de small cells d'une puissance de 280 milliwatt (3 à 5 watts dans les faits une fois en service) pourrait contribuer à absorber ce trafic.
L'installation de stations de base mobiles de toutes tailles a toujours été un sujet sensible en Europe, mais Alcatel-Lucent et JCDecaux espèrent que l'intégration d'équipements petits et discrets se fera sans réticence.
JCDecaux est devenu un membre officiel du programme de certification Metro Cell d'Alcatel-Lucent, qui a été lancé l'année dernière. Ce programme vise à faciliter le travail des opérateurs désirant installer des small cells outdoor. Les opérateurs ont besoin d'aide, car l'installation des stations de base miniatures est loin d'être anodin. Parmi les obstacles, on peut citer la recherche de sites appropriés, l'obtention de zonage ou de permis de construction et l'intégration au réseau 4G ou 3G. La coopération avec JCDecaux permettra aux clients d'Alcatel-Lucent de bénéficier d'un accès aux 434 700 panneaux publicitaires. Une grande majorité de ces derniers sont situés en Europe, mais la société a également environ 14 000 panneaux en Amérique du Nord et 35 000 dans la région Asie-Pacifique. Des abris bus connectés ont par exemple déjà été déployés pour test à Amsterdam avec un opérateur néerlandais, nous a indiqué Tristan Baraud de Lagerie, responsable marketing small cells chez ALU.
Mais d'autres usages sont également envisagés, dans les entreprises notamment : « 80% des connexions mobiles sont établis depuis des bâtiments », nous a expliqué M. Baraud de Lagerie. Remplacer les classiques bornes WiFi par des small cells LTE/WiFi permettra aux opérateurs de services télécoms d'apporter plus de valeur à leurs offres, notamment pour l'identification des salariés depuis leur terminal mobile et le cryptage des données sur le réseau radio. Les entreprises voudront toutefois s'assurer que les small cells ne seront pas plus encombrantes que les bornes WiFi actuelles et qu'elles font un meilleur usage des ressources énergétiques existantes. ALU et Accenture ont d'ailleurs déjà prévu de pousser ces offres dans les entreprises.
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