Le débat sur l'accès aux données dans les clouds et le Patriot Act sont redevenus un sujet brûlant dans le sillage des révélations sur le programme de surveillance Prism. Le gouvernement américain aurait eu accès à des données sur les serveurs de Google, Facebook, Microsoft, Yahoo, Apple et Skype.
Les fournisseurs de clouds européens estiment que le scandale du programme d'espionnage Prism aidera les entreprises à choisir des alternatives locales à Amazon Web Services et Google.
«Je pense que cette affaire va être dommageable pour les entreprises américaines à l'étranger par rapport à la concurrence », souligne Robert Jenkins, CEO de l'entreprise suisse CloudSigma. En règle générale, l'affaire Prism et d'autres programmes auront un impact sur la confiance des gens dans l'utilisation d'Internet, constate Johan Christenson, CEO de City Networks en Suède. « Il y a beaucoup de clients qui nous interpellent pour que leurs données soient stockées en Suède. Ils ne savent pas comment faire et ne veulent pas avoir de soucis », admet le dirigeant. Il estime que cette question de confiance aurait pu être résolue d'ici 3 à 4 ans, mais avec l'affaire d'espionnage cela va prendre encore un peu plus de temps. CloudSigma et City Networks fournissent des offres IaaS.
Les concurrents américains tentent vainement de se défendre. Ainsi Amazon et Rackspace ont déclaré par mail ne pas avoir participé à Prism. L'année dernière, un membre de Rackspace , Justin Freeman pointait du doigt, « les préoccupations des entreprises étrangères sur la protection des données, qui menacent d'exclure les entreprises américaines de certains contrats ».
Des contenus plus ou moins sensibles
Les entreprises sont divisées sur la question. Ian Woodall, responsable IT chez XL Video, une société britannique qui fournit des équipements vidéos grand format pour des concerts et qui utilise Box, explique « je ne pense pas que nous soyons si important par rapport à une société travaillant dans le nucléaire ou le médical. Le fait de dire que Justin Timberlake est en tournée n'a pas vraiment d'importance ». Par contre, l'administration nationale des tribunaux suédois, une autorité qui relève du gouvernement et fait des propositions sur l'organisation des juridictions, a recommandé de ne pas utiliser les services de cloud pour le moment. Elle a commencé à classifier des données pour amorcer leur déplacement vers le cloud, mais « utiliser des services de firmes américaines seraient considérer comme un grand pas en ce moment », souligne le DSI Magnus Petzäll. Il ajoute, « ce qui a été révélé aux Etats-Unis a un effet sur notre façon de penser et pour nos prochains achats de services, nous devrons être encore plus clairs sur nos exigences en matière de sécurité ».
Un avis partagé par Jules Henri Gavetti, PDG d'Ikoula, « l'affaire Prism pose la question de la sécurité des données pour une entreprise multinationale ». Il constate néanmoins que cette affaire inquiète plus les particuliers que les entreprises, « elles ont l'habitude d'être auditées, d'avoir une politique de sécurité ».
Les écoutes, un phénomène connu
David Bradshaw, directeur de recherche sur le cloud public en Europe, indique que dans de nombreux pays européens les agences de renseignement n'ont pas besoin de s'adresser à un tribunal pour obtenir un accès aux données dans le cloud. « Je peux comprendre la sensibilité des gens sur ce sujet, mais je pense qu'ils doivent être réalistes », selon le consultant. Si les entreprises connaissaient ce point, elles seraient un peu moins préoccupées par les services des fournisseurs américains. Un sentiment partagé par Philippe Tavernier, président de Numergy « Si les entreprises en France ne savaient pas que leurs données pouvaient être espionnées par les acteurs américains, maintenant avec le scandale Prism, elles ne pourront plus dire qu'elles ne savaient pas ».
Le marché du cloud va être un peu bousculé, mais la demande est en forte croissance, selon l'analyste. Les acteurs américains commencent à s'adapter en investissant dans la création de datacenters en Europe. Ainsi, Salesforce.com prévoit l'implantation d'un centre de calcul au Royaume-Uni mis en service en 2014. David Brendshaw estime que l'angle local va donner un avantage aux fournisseurs européens, mais qu'ils devront avoir les mêmes tarifs et les SLA qu'Amazon, Google ou Microsoft.
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