"Ce qui s'avère le plus intéressant avec AMD est que la performance de ses microprocesseurs vient de leur architecture"
Distributique : De plus en plus de constructeurs, comme Nec, ajoutent à leur gamme de serveurs des matériels à base d'Opteron. Pourquoi ?
Grégory Coudray : Il s'agit là de répondre à une demande de plus en plus forte des clients. Nous travaillons sur trois segments de marché : les serveurs, les stations de travail et le HPC (High Performance Computing, qui regroupe tout ce qui est centres de calculs, clusters, etc.). Tout particulièrement sur ce dernier segment, l'Opteron affiche le meilleur rapport prix/performances du marché et plaît de ce fait à l'utilisateur final.
Distributique : Comment expliquez-vous ce rapport prix/performances ?
Grégory Coudray : Le prix s'inscrit dans la stratégie marketing d'AMD. Mais ce qui s'avère le plus intéressant est que la performance vient quant à elle de l'architecture des microprocesseurs du fondeur. Celle-ci présente trois avantages par rapport à l'architecture retenue par Intel sur ses Xeon. Tout d'abord, les Opteron ont un contrôleur mémoire embarqué, alors que celui-ci est intégré au chipset chez Intel. La mémoire est donc directement connectée à l'Opteron avec un seul cycle de communication entre les deux composants (contre plusieurs chez Intel) et un temps de latence réduit. Sur l'Opteron, l'architecture de la mémoire est également partagée. Cela signifie que, sur une machine multiprocesseur, biprocesseur par exemple, quatre bancs de mémoire peuvent être adressés par un premier processeur et quatre autres pour le second. En parallélisant ainsi le traitement des données, on évite un goulet d'étranglement important. Enfin, le bus HyperTransport, qui caractérise l'architecture AMD, est mieux optimisé pour le dialogue entre plusieurs processeurs, voire entre plusieurs machines. Sa bande passante est considérablement plus élevée que celle de l'architecture Intel : les Opteron communiquent entre eux en full duplex (Ndlr : canaux montant et descendant en simultané) sur 16 bits à 1,6 ou 2 GHz, ce qui équivaut à un débit maximal de l'ordre de 25,6 à 30 Gbit/s. Sur les serveurs Intel, la communication ne s'opère qu'en half duplex (pendant que l'un des processeurs parle, l'autre attend) et le débit maximal n'atteint en définitive que 8,5 Gbit/s. Enfin, AMD est le seul à proposer des microprocesseurs dual core pour serveurs et stations de travail, à partir de l'Opteron 265. Du côté d'Intel, le Dempsey, un Xeon DP dual core pour machines biprocesseurs, ne sera disponible que d'ici à trois ou six mois, tandis que le Paxville DP, qui n'est autre qu'une version limitée du processeur dual core Xeon MP et qui affiche des prix faramineux, reste moins puissant que le plus puissant des Opteron dual core.
Distributique : Mais comment expliquez-vous que la différence de performances entre les deux familles de processeurs soit finalement moins importante dans les faits que sur le papier ?
Grégory Coudray : Intel comble une partie du retard de l'architecture de sa génération actuelle de processeurs pour serveurs en leur intégrant une plus grande capacité de mémoire cache (pour éviter de faire appel au contrôleur mémoire externe) et en montant plus haut qu'AMD en fréquence de fonctionnement. Cependant, cela augmente considérablement le coût de fabrication et donc le prix de vente de ses produits...
Distributique : Le 64 bits présente-t-il un intérêt quant aux performances des serveurs ?
Grégory Coudray : Le 64 bits n'a aujourd'hui qu'un intérêt limité : si on dispose bien de systèmes d'exploitation compatibles, ceux-ci ne gèrent que les problèmes de capacités d'adressage mémoire. En revanche, comme il n'existe que peu de pilotes et d'applications serveur 64 bits en natif, on perd la majeure partie de l'intérêt de cette architecture. Cependant, à mon sens, migrer vers du 64 bits aujourd'hui constitue sans conteste un investissement sur l'avenir.
Distributique : Y a-t-il une chance de voir les produits des deux fondeurs se rattraper d'un point de vue performances ?
Grégory Coudray : Intel sait où est son intérêt. C'est pour cette raison qu'il n'a pas hésité, après avoir promu un mode 64 bits « propriétaire », à se rallier au x86-64 d'AMD. De la même manière, il prévoit d'adapter à terme, au moins en partie, l'architecture HyperTransport, dont les spécifications sont ouvertes, à sa ligne de produits en intégrant un pseudo canal HyperTransport à son chipset Blackford. Cependant, il lui manquera toujours l'intégration du contrôleur mémoire au niveau du processeur. À son crédit, Intel, en développant ses propres chipsets, reste une valeur sûre pour des serveurs Linux qui s'appuient sur des distributions un peu anciennes. En outre, la firme soigne les utilisateurs en intégrant de multiples technologies leur simplifiant la vie, dont certaines liées à la virtualisation. Mais, s'il n'y a rien d'officiel sur ce dernier point chez AMD, le fondeur a dans ses tablettes plusieurs évolutions de ses processeurs, qui devraient lui permettre de conserver pendant plusieurs années encore le leadership du marché au niveau du rapport prix/performances...
Grégory Coudray, responsable du développement de la division serveurs/stockage de Nec Computers
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