Economie numérique : NKM veut séduire Juppé et Rocard

Une facture de 40 Md€ pour couvrir la France en très haut débit Or, comme l'a honnêtement rappelé Yves Le Mouel, président de la Fédération française des télécommunications (et donc représentant des opérateurs sur cette table ronde), l'investissement demandé représente « un saut quantique » par rapport au déploiement de l'ADSL (selon Augustin de Romanet, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations -CDC, la facture pour le déploiement du haut débit se montait à 2 Md€, alors que celle du très haut débit devrait avoisiner les 40 Md€). Les opérateurs sont des entreprises privées, a indiqué Yves Le Mouel : ils ne seront donc prêts à relever ce défi que dans les zones d'une certaine densité urbaine, gage d'une rentabilité future de leurs investissements. Voilà pour la zone 1 (les grandes agglomérations, soit 5 millions de Français environ). Pour les zones 2 (villes de quelques milliers d'habitants) et 3 (le reste du territoire), il faudra, a-t-il expliqué, « faire preuve de beaucoup de lucidité ». Autrement dit, envisager « des investissements publics ou mixtes ». La CDC pourrait aider au financement d'opérateurs mutualisés dans les zones moyennement denses Jean-Ludovic Silicani, président de l'Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes), a indiqué que cette dernière émettrait ses recommandations en la matière d'ici à la fin de l'année. Néanmoins, il appelle déjà les opérateurs à considérer les choses sous l'angle d'un déploiement sur l'ensemble du territoire, plutôt que d'une façon séquencée, en commençant par la zone 1 (et sous-entendu en repoussant les autres chantiers aux calendes grecques). Augustin de Romanet penche lui aussi pour une solution ne laissant aucune zone dans l'ombre. Fort de l'expérience de la CDC dans le financement du déploiement du haut débit, son DG estime qu'il faudrait « mener des opérations coup de poing » dans la zone 2, associant des opérateurs privés à la puissance publique. En effet, a-t-il expliqué, seule cette zone pose vraiment problème. La zone 1 est suffisamment dense pour laisser faire le marché et le jeu de la concurrence. Tandis que la zone 3 ne présentant qu'une « rentabilité socio-économique », il faudra obligatoirement une subvention des pouvoirs publics, voire un système de délégation comme celui mis en place pour l'ADSL, pour amener la fibre optique ou du très haut débit mobile. En zone 2 en revanche, les collectivités locales sont « trop riches pour recevoir des aides, mais trop pauvres pour investir elles-mêmes sur le long terme », a remarqué Augustin de Romanet. Il envisage donc, pour cette zone, une mutualisation entre opérateurs, « avec un éventuel concours de la puissance publique, afin d'éviter les doublons, et de favoriser la transparence financière ». Cela nécessiterait un petit sacrifice de la part des opérateurs, mais aurait le mérite, a-t-il dit, d'augmenter rapidement le nombre de clients potentiel pour des services en très haut débit : « la valeur d'un réseau est égale au carré du nombre de ses membres ». Un Plan Cloud computing pour remplacer le Plan Calcul ? Par comparaison, la deuxième table ronde, consacrée aux logiciels et services, a paru plus faiblarde. Même si Marc Simoncini, PDG de Meetic, a mis les pieds dans le plat dès le début en disant qu'il ne servait à rien de réfléchir à de nouvelles infrastructures si on n'y associait pas des services, de préférence offerts par des sociétés hexagonales. « Si le gouvernement aide le très haut débit pour que Google ait plus de trafic, qu'eBay vende plus d'armoires et Amazon de livres, cela a peu d'intérêt. » Pour lui, le Grand emprunt devrait venir renforcer les actions déjà en place pour favoriser la création d'entreprises et l'innovation. Mais sur quels sujets ? Didier Lamouche, PDG de Bull, qui se disait fier que son entreprise ne soit plus associée au Plan calcul (lancé par le Général de Gaulle pour assurer l'indépendance informatique de la France et de l'Europe) mais à des serveurs de pointe, a illico proposé un projet d'implantation de centraux informatiques en Europe... pour assurer son indépendance informatique dans le monde du cloud computing. Président du pôle de compétitivité Cap Digital, Henri Verdier a intelligemment complété cette table ronde, en expliquant que les acteurs français avaient tout intérêt à s'orienter vers des services et des technologies « où il n'y a pas encore de position inexpugnable », des domaines en devenir comme l'Internet mobile, l'Internet des objets, les technologies vertes, la e-santé, les transports intelligents... Le Grand emprunt favorisera les projets ayant une dimension développement durable Face à tous ces projets et ces velléités de recevoir des subsides publics, Alain Juppé et Michel Rocard se sont employés à rafraîchir les ardeurs et temporiser. « Le Grand emprunt ne pourra pas l'être par son montant, car les finances publiques ne le supporteraient pas », a ainsi expliqué l'ancien Premier ministre socialiste. En outre, il devra « être unique, non répétitif », car cela « créerait une dérive catastrophique ». Autrement dit, même si Michel Rocard reconnaît qu'il faut essayer de réparer les dégâts causés par « une gestion à l'économie depuis 15 ans » sur l'innovation, il a précisé qu'il y avait « une concurrence sérieuse » et donc pas d'argent pour tout le monde. Le système éducatif français, par exemple, pourrait bénéficier de subsides : « Il faut relancer le savoir en France, sortir les universités de leur médiocrité. » Autre concurrent important : tout ce qui a trait à la « croissance verte ». Comme l'a souligné Alain Juppé : « Il faut stimuler la croissance, mais une croissance différente. Faut-il l'appeler verte ? Durable ? Sobre ? » En tout cas, l'ancien Premier ministre a indiqué que pour être éligibles, les projets présentés à la Commission devraient prendre en compte cette dimension. Or, a-t-il ajouté, « le numérique est au coeur du débat : vous avez toutes vos chances ». Lui non plus n'a pas voulu donner d'indications sur le montant de l'Emprunt. Il a toutefois précisé que s'il devait consacrer 35 ou 40 Md€ à la couverture totale du territoire en très haut débit, il ne resterait plus grand-chose de l'Emprunt...
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