Alexandre Lorey, président de Document Store : « LFPI nous a sollicité pour nous accompagner dans notre projet. Malgré son désistement nous restons sur l’objectif de doubler notre chiffre d’affaires d’ici 2025. » Crédit photo : D.R.
Le fonds LFPI a annulé le rachat du bureauticien Document Store à la veille de signer. L'investisseur a invoqué la clause MAC au vue de la dégradation économique que s'apprêtait à engendrer le passage du covid-19 en pandémie. Comme d'autre marchés, celui des fusions-acquisitions est désormais quasiment à l'arrêt.
Le rachat de Document Store par le fonds LFPI n'aura finalement pas eu lieu. Le protocole d'accord avait pourtant été signé au début du mois de décembre et reçu l'autorisation de l'Autorité de la concurrence. Le closing, lui, était prévu le 13 mars. Mais le fonds a finalement préféré ne pas concrétiser son investissement dans le distributeur de solutions d'impression et de gestion documentaire. Il a fait jouer la clause MAC (Material Adverse Change/changement défavorable important), évitant ainsi de s'engager dans les conditions économiques actuelles qui empêchent toute visibilité sur l'évolution du marché. « L'annulation n'a été qu'une demi-surprise. La veille de la date de signature, le 12 mars, l'OMS officialisait le passage du Covid-19 en pandémie, les Etats-Unis fermaient leurs frontières, et le CAC40 faisait un chute historique. LFPI a estimé, à juste titre, que l'économie allait considérablement souffrir et que nos performances pourraient baisser », explique Alexandre Lorey, le président de Document Store.
Tous les conditions suspensives avaient été levées
La transaction aujourd'hui avortée valorisait le distributeur 70 M€ environ, soit une peu plus d'une fois les 65 M€ de chiffre d'affaires qu'il a réalisés l'an dernier. Lors de l'étude du dossier, LFPI avait dressé un inventaire complet de l'environnement de Document Store. Des points comme le fait que Document Store soit le premier partenaire de Xerox en France et en Europe ont pu poser quelques questions. La stratégie du fabricant, qui tente actuellement de racheter HP, est en effet peu lisible. De la même façon, LFPI a dû intégrer dans sa réflexion le rachat de Koden par C'Pro. L'opération a conforté la capacité, déjà avéré, de C'Pro à jouer le consolidateur sur un marché de la bureautique où LFI entendait lui aussi se développer par build up. « Il s'agissait de points de vigilance parmi d'autres. Toutes les conditions suspensives avaient été levées, sauf la plus imprévisible », indique le dirigeant de Document Store.
« Il n'y aura plus de deals avant trois mois »
Le cas de Document Store n'est qu'une illustration de la situation créée par la crise sanitaire sur le secteur des fusions-acquisitions. Depuis le début 2020, le nombre de transactions a chuté de plus de 40% aux Etats-Unis. En Europe, le dynamisme qui régnait encore jusqu'au début du mois s'est transformé en arrêt de jeu brutal. « Il n'y aura plus de deal avant trois mois », estime Alexandre Folman, le PDG de Crescendo finance, une banque d'affaire spécialisée dans les fusions-acquisitions sur le marché de l'IT. Cette société en conseil stratégique et financier n'en est pas pour autant à l'arrêt. En attendant que les choses se décantent, elle présente encore des dossiers pour lesquels elle avait déjà été mandatée mais pas tous. « On peut encore approcher les investisseurs avec des dossiers qui restent intéressants. Je parle principalement de ceux de sociétés de services qui n'ont pas ou peu d'intercontrats, notamment parce qu'elles détiennent une forte expertise sur un domaine. Idem pour nos clients qui ont des business models contractuellement récurrents, comme l'édition de logiciels ou les services managés », explique Alexandre Folman.
La valeurs des rachats risques de baisser
En pleine expectative, le marché des fusions et acquisitions attend donc lui aussi la sortie de crise. Quand elle arrivera, les positions des acheteurs et des vendeurs pourraient elles aussi avoir évolué par rapport à la situation antérieure. Les acheteurs se montreront, au moins pendant un temps, beaucoup plus regardants. D'autant que nombre de sociétés qui constituent des cibles auront vu leur bilan se dégrader. D'où une probable baisse de la valeur moyenne des acquisitions, qui représentera néanmoins une opportunité pour ceux prêts à investir. Reste encore à savoir si les banques suivront. Déjà confrontées à une baisse de leur rentabilité induite par les taux bas, elles sont actuellement largement mises à contribution pour soutenir leurs meilleurs clients. Dans un proche avenir, elles pourraient aussi voir certains de leurs débiteurs ne plus être en mesure de rembourser leurs prêts.
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