Le téléchargement de logiciels est un marché émergent... depuis le début de la décennie qui s'achève. Si la croissance des entreprises spécialisées est effectivement forte, les chiffres d'affaires restent modestes. Dans le contexte de la vente indirecte, les grossistes IT - qui sont potentiellement les plus menacés - continuent à penser que ce marché n'offre pas de perspectives. Etat des lieux.
Le marché du téléchargement légal de logiciels est-il en train de prendre forme ? On pourrait le croire, au vu du développement continu, entre autres, de la société Nexway (ex Téléchargement.fr). « C'est la cinquième année consécutive où nous enregistrons une croissance supérieure à 100%, explique Gilles Ridel, fondateur et dirigeant de l'entreprise. Depuis la création, nous avons diffusé 1 million de produits et travaillé avec plus de 700 éditeurs ».
Si cette croissance est bien réelle, le potentiel de ce marché est contesté par de nombreux acteurs de la distribution, au premier rang desquels on trouve les grands grossistes. « Cela n'a rien d'étonnant, dans la mesure où nous pourrions nous substituer aux grossistes pour certains logiciels », réagit Gilles Ridel.
Leur premier argument est que le nombre de spécialistes du téléchargement reste limité et que, malgré des taux de croissance élevés, leurs chiffres d'affaires sont encore modestes : Nexway devrait cette année passer le cap des 30 millions d'euros, avec un effectif de 85 personnes. De leur côté, les 4 premiers grossistes français pèsent ensemble près de 4 milliards...
La deuxième interrogation concerne le modèle commercial. Les clients de Nexway sont-ils les éditeurs, les revendeurs, les entreprises ou les particuliers ? « Nous ne sommes pas un acteur de la distribution mais un prestataire de services, précise Gilles Ridel. Nos clients peuvent être des éditeurs ou des distributeurs, à qui nous fournissons des sites de téléchargement en marque blanche. Quant à ce que nous proposons sur nos sites, le but est surtout de disposer d'une vitrine pour démontrer la qualité technologique de la plate-forme ».
Troisième remarque récurrente : le téléchargement concernerait principalement des logiciels de sécurité et les jeux et le marché ne pourra pas décoller sans un engagement fort de Microsoft. « Cela n'est plus vrai, rétorque Gilles Ridel. En ce qui concerne les jeux et la sécurité, les modèles sont d'ailleurs en train de changer et l'on verra de plus en plus de diffusions massives gratuites, qui seront suivies par des campagnes de conversion en mode payant. Par ailleurs, le téléchargement n'est pas dédié qu'aux grands éditeurs. Au contraire, c'est le moyen le plus efficace pour permettre aux petits éditeurs d'accéder au marché, tout simplement parce que l'outil digital devient lui-même un agent commercial et que les revendeurs ne sont plus limités par la taille des rayons physiques ».
Pourquoi les grossistes n'y croient pas
Visiblement, ces arguments ne convainquent pas les grands grossistes. « Je ne suis pas certain qu'il existe un marché du téléchargement, explique Pierre-Yvon Méchali, Directeur Général adjoint d'Ingram Micro France. En ce qui concerne le segment professionnel, la dématérialisation totale des logiciels est déjà effective dans de nombreuses entreprises et les licences tendent à se généraliser. En ce qui concerne la partie grand public, la plupart des catégories de logiciels est en recul, à l'exception des antivirus, qui sont disponibles dans tous les points de vente du retail ».
L'analyse est pour le moins radicale, mais la réticence des grossistes porte également sur l'importance de l'investissement que cela représenterait. « Développer une plate-forme de téléchargement mobiliserait effectivement des moyens importants », reconnaît Pierre-Yvon Méchali, Directeur Général adjoint d'Ingram Micro France. Sur ce point au moins, les deux parties sont d'accord : « La montée en puissance du téléchargement n'est pas un nouveau métier logistique, mais une compétence Web, que peu d'acteurs possèdent, renchérit Gilles Ridel. La concurrence ne peut donc pas être frontale ».
Dans l'attente d'un indicateur...
« Si le marché du logiciel dématérialisé est aujourd'hui considéré comme un « vieux marché émergeant », c'est tout d'abord parce qu'il n'existe toujours pas d'indicateur fiable pour mesurer sa montée en puissance », estime Rodolphe Bouchez, Directeur Marketing et Business Devlopement de Eptimum, société créée l'an dernier par d'anciens collaborateurs de Téléchargement .fr). L'analyse de Eptimum est que la répartition entre ventes directes et indirectes sera sensiblement la même dans le téléchargement que dans la distribution physique. « Tout le monde est gagnant, poursuit Rodolphe Bouchez : les éditeurs gèrent plus facilement et à moindre coût les petits comptes revendeurs ; tandis que les revendeurs peuvent étoffer à l'envie leur offre de logiciels. Dans un délai de 5 à 10 ans, les logiciels « en boîtes » auront quasiment disparu et les grossistes sont les premiers à le savoir ».
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