La massification des achats menace les PME

Depuis le début de l'année, les syndicats professionnels cernent chaque jour un peu mieux les conséquences des décrets et des notes qui réglementent les achats publics. La FEB, qui représente 10 000 entreprises et leurs 100 000 salariés, estime que 20 000 emplois pourraient être menacés.

L'enfer est décidément pavé de bonnes intentions. Précisée fin 2008, la volonté de l'Etat de réduire ses dépenses de 10% fut d'abord saluée par tous. D'autant plus que les moyens d'y parvenir devaient dans le même temps favoriser « le plus large accès des PME à la commande publique ». Depuis, à mesure que les notes précisent le nouveau dispositif et que les marchés sont renouvelés, le caractère contradictoire de ces deux objectifs apparaît de plus en plus clairement. Dans les faits, ces 10% d'économie doivent être obtenus grâce à une « massification » des marchés de l'Etat, mise en oeuvre par une structure qui se superpose à l'UGAP, le Service des Achats de l'Etat (SAE). Dès le début de l'année, la Fédération de l'Equipement de Bureau (FEB) a été alertée par ses adhérents que nombre d'entre eux perdaient leurs marchés publics (préfectures, hôpitaux, services fiscaux, armées, tribunaux, mairies, Pôle Emploi, etc.). En moyenne, la perte représente 20% du chiffre d'affaires. « Dans un premier temps, cette dérive pourrait conduire à la suppression de 20 000 emplois, dans cette filière qui compte 100 000 salariés, mais le danger est que les défaillances d'entreprise se multiplient ensuite rapidement, résume André Vidal, Président de la FEB. Il semble que l'Etat n'avait pas mesuré le périmètre des conséquences d'un tel bouleversement des marchés publics. » La fin du « mieux disant » ? Dans un premier temps, ce syndicat professionnel pensait comme d'autres que le danger venait du fait que le principe du « mieux disant » allait favoriser les structures nationales, au détriment des PME. Sur le terrain, il semble que la dérive est plus importante. Dans une note adressée aux acheteurs de l'Etat le 29 septembre dernier, une précision dit en bas de page : « Dans l'hypothèse où un service local estimerait qu'il peut bénéficier de conditions significativement plus avantageuses (NDLR : l'expression « conditions significativement plus avantageuses » a bien sûr toute son importance), il doit contacter son RMA (NDLR : acronyme des Responsables Achats des Ministères, donc faire remonter l'information à Paris). Ce dernier examinera avec l'acheteur responsable du domaine si un avenant plus favorable peut être négocié avec le fournisseur titulaire du marché national. » Le bref addendum de cette note administrative dont l'objet est « application des marchés nationaux » est d'abord passé inaperçu. Son interprétation par de nombreux acheteurs a été plus lourde de conséquence. Pour mieux saisir l'enjeu, le plus simple est de prendre un exemple. Un revendeur informatique situé en province, fournisseur depuis plusieurs années d'une administration locale, fait un effort pour conserver ce marché en baissant ses prix de 20%. Dans le cadre habituel du code des marchés publics, il devrait décrocher cette affaire. La nouvelle procédure lui rend la tâche plus complexe, voire impossible : l'acheteur doit avertir Paris qu'un fournisseur local est moins cher, et les responsables nationaux du SAE renégocient avec les prestataires nationaux que leur prix doit être inférieur. Au final, les prestataires de province peuvent difficilement être motivés : même si leur proposition tarifaire est agressive, elle sera communiquée à leurs concurrents nationaux pour que ceux-ci « surenchérissent à la baisse ». Les règles des marchés publics et, au-delà, celles de la concurrence, sont donc remises en cause par ces quelques lignes. Vers une levée de bouclier Dans ce contexte, la FEB a multiplié les demandes de rendez-vous avec les Ministères, a contacté d'autres syndicats professionnels, tel que la FICOME pour la téléphonie, et demande à la CGPME son appui. A ce jour, la FEB demande deux choses : l'allotissement au niveau régional des marchés d'achats courants et la suspension de la centralisation de ces marchés. « Nous mènerons le combat jusqu'au bout, mais cette filière n'a pas coutume de bloquer les routes ou de faires des dégâts », explique André Vidal. C'est à la fois une parole de raison et d'impuissance, car il faudra sans doute attendre que les défaillances d'entreprise se multiplient pour que l'Etat reconnaisse qu'il s'agit d'une « fausse bonne idée ».

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